blacklisters
brew



Blacklisters
BLKLSTRS - LP
Brew records 2012

C'était bien la peine. Tellement pressé d'avoir ce disque que j'avais fait pour une fois une pré-commande. Ce disque devait officiellement sortir le 24 avril dernier. Ca fait huit jours que je l'ai reçu. Une sombre histoire d'usine à presser des vinyles qui foire lamentablement ses contrats. Alors bien sûr, les versions digitales circulaient sur les réseaux non-autorisés depuis longtemps mais cette pochette délicieusement décalée qui vous pètent à la tronche, c'est quand même autre chose qu'une triste suite de lettres et de chiffres sur un écran.
Les Anglais (Leeds) de Blacklisters aiment le rouge. Le vinyle est rouge (et transparent). Les bibelots ultra chics de la bibliothèque dernier cri sont rouges. Les chaussettes du mec sont rouges. Et la musique de Blacklisters est rouge sang. Enlever les voyelles et le festival peut commencer. Sur les traces encore fumantes de leurs précédents disques, Blacklisters enfonce le clou d'un noise-rock sanguinaire. Peu importe qu'on retrouve les morceaux du 10'' It won't last seven Years (Clubfoot by Kasabian), des précédents singles (Swords, Hero of China et OK47 mais ce dernier n'était qu'en version virtuelle), tout ça, c'était de l'édition limitée, du pas distribué alors que là, vous avez tout en grand, dans les belles largeurs, avec les enluminures, encadrés par six autres compositions tout aussi dantesques.
Le noise-rock affilié Jesus Lizard de Blacklisters est féroce, coléreux, sarcastique à l'image de certains titres à rallonge (Ask Yourself a Question If The Answer Is Go Fuck Yourself), envoie des volées de bois vert de rythmiques indessoudables, son lot de riffs parpaings laminant la beauté de ce monde et un chanteur (Billy Mason-Wood) grognant admirablement avec toute la maniaquerie et les nuances possibles. Ce qui, me direz-vous, est une équation synonyme d'un nombre incalculable de groupes noise-rock. Sauf que Blacklisters le fait mieux que quiconque à l'heure actuelle. Ou presque. Mis à part leurs collègues de Kong, difficile de trouver enfileur de perles aussi corrosif et pénétrant que Blacklisters. Ca enchaîne du tube à chaque plage, quelque soit le degré de la charge, le niveau d'intensité. Le changement de rythme semble toujours tomber au bon moment, les tonalités sont variées, chaque titre a sa propre personnalité bien que l'album fasse bloc. Quand ils tirent à vue ou quand ils la jouent monstre froid, Blacklisters sonnent toujours impeccablement, excepté peut-être sur Trickfuck et sa rythmique et son riff un peu balourd/banal.
Le reste est un sans faute insolent. Nice Garden sur la face mégots écrasés, admirablement bien contrasté et I Can Confirm That Ruth Abigail Holmes Is Not Dead and Is Planning To Make a Movie About Her Life (on reprend sa respiration) que les pénibles ne manqueront pas de comparer à Shellac pour la rythmique alors que Blacklisters les enterre en soulevant à peine le petit doigt et que le chant majoritairement parlé donne de la profondeur et de la cuisse. Une dimension de plénitude que Blacklisters ne manque pas de répandre intelligemment dans son noise-rock tumultueux et épais et magnifier sur les cinq minutes de Shush (face pistolet rouge made in China), un instrumental final avec une guitare irradiante et une rythmique à la sombre puissance. La perfide Albion vient une nouvelle fois d'envoyer un boulet qui fera date dans la mare noise-rock. Poppy le chien peut être fier de ses maîtres.

SKX (21/09/2012)