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thrilljockey


The Skull Defekts
Peer Amid - 2xLPs
Thrill Jockey 2011

Une chronique de cet album à peine sorti des fourneaux et nul doute que la dithyrambe aurait coulé à flot. Deux, trois écoutes hallucinatoires, emballé, c'était pesé. Peer Amid était l'album pyramidal que tout le monde attendait, avec à la clef, cette sale manie de déjà ranger les albums dans les classements de fin d'année alors qu'ils viennent à peine de sortir, de les faire rentrer dans la fabuleuse Histoire du rock alors qu'on n'a aucun recul. Qu'on les laisse vivre ces disques, bordel !
Et c'est d'autant plus le cas avec Skull Defekts. Chaque disque des Suédois - on parle ici que de leurs albums assimilés rock, pas leurs disques de trifouillages bruitistes - possède cet attrait immédiat, ce bon gros gâteau qui se gobe avec gourmandise et se digère sans difficulté. Un rythme bien tripant en boucle, le riff qui va avec et c'est parti pour un tour sur le grand huit de la transe. The Skull Defekts is rhythm qu'ils disaient dans un précédent album. La donne n'a pas changé. Le rythme est au centre de tout. Mais à chaque fois, ça me fait le même coup. Je m'en lasse vite et au bout d'une bonne poignée d'écoutes, je décroche.
The Skull Defekts a pourtant mis tous les atouts de son coté. Daniel Higgs a été invité par les Suédois, au point de se fondre dans le collectif et ne faire plus qu'un. L'ex-chanteur de Lungfish, groupe phare de Dischord records, apporte toute sa science de shaman enfumé (voir fumeux quand il s'agit de parler de ses projets en solitaire), toute sa profondeur pour apporter de la consistance au propos de Skull Defekts. Et on peut dire que les deux entités se sont trouvées. Un mariage heureux.
The Skull Defekts a également mis de coté tous les morceaux à l'approche plus expérimentale/electro/ambient qui polluaient le précédent disque, The Temple. Peer Amid est résolument plus frontal, en un mot comme en cent, plus rock, au sens large. Tellement large qu'il englobe psychédélisme, incantations de gourou, répétitions obsessionnelles, afrobeat, tribalisme exacerbé, percussions et rythmes polymorphes sur fond de mysticisme. Et deux guitares maigrelettes qui y vont de leurs mélodies piquantes.
Mais je dois avoir le regard trop dur, l'hypnose ne marche pas (trop bien). L'impression qu'ils ne savent pas toujours quoi en faire de ces répétitions, se mordant la queue comme le serpent de la pochette, que l'ossature de chaque morceau reste fondamentalement identique malgré l'habillage différent (sauf pour le dernier titre, l'acoustique ballade rupestre Hidden Hymn) et qu'ils ne connaissent qu'une seule cadence. L'impression diffuse se dessinant au bout de cinquante minutes que bien des longueurs apparaissent, que le venin du serpent est trop souvent inoffensif, alors fait tourner, c'est toujours ça de gagner.
Comprenons nous bien. Cet album est très bien, c'est même leur meilleur album à ce jour, le plus cohérent avec le tube, l'évident et concis No More Always ou encore avec quelques passages bien enlevés comme sur In Majestic Drag et Fragrant Nimbus mais qui finissent hélas toujours un peu pareil, du rythme en boucle. Idem pour le morceau d'ouverture qui a donné le nom à l'album, Peer Amid, qui au bout de six prenantes minutes ne semble plus savoir où aller et comble le vide par trois minutes inutiles.
Alors l'album colossal qu'on est en droit d'espérer, au regard de leur potentiel soupçonné, je l'attends toujours. Qu'ils défument, qu'ils brisent le carcan, foutent en l'air les règles et envoient leur transe se faire mettre par les limbes de la folie.
En attendant, la solution pourrait résider à ne mettre qu'une face de temps en temps, sur les quatre que comporte ce beau vinyle double, pour s'injecter en douce sa petite dose de trip quotidien, sous peine de faire une overdose qui pointe déjà son vilain nez.

SKX (24/05/2011)