Ken Mode passe maitre dans l'art du tricot. Lourd chandaille que ces trois canadiens nous taillent. Après un très glorieux Mennonite, la nouvelle chaleur était attendue. Impatience de jeune loup qu'un quatrième album ne déçoit pas. Venerable nous fait la totale. L'art de la broderie et de la cote de maille, la grande messe des lourdeurs apocalyptiques, le retour du chevalier masqué, les elfes vagabondes. Vénérable, oui avec une mixture de noise, de rock, de hardcore, qu'un Kurt Ballou a su ne pas Converge-isé à une cathédrale du tout-venant. Ken Mode garde son caractère bien trempé, s'abreuvant à toutes les sources et offre au misérable peuple son album le plus varié.
Coup de chaux, noirci, ralenti, excité, brutalement urgent ou s'épanchant dans les gouffres dont Neurosis a les clefs, Ken Mode ne se refuse rien. Le trio canadien perd un rang de mélodies mais gagne une couche supplémentaire de Botch. La violence bien placée n'a jamais fait de mal à personne. Deux molosses en chiens de garde au milieu de l'album, les sept minutes de The Irate Jumbuck et les huit de Never Was, affriolants spectacles de leurres et de confrontations directes, deux respirations parce qu'on n'est pas que des bêtes (le très bel instrumental Flight of the echo hawk, Terrify the Animals dont le propos est tout le contraire) et des flèches qui partent entre, autour et dans tous les sens, tout en les affolant, ces putain de sens, à l'envers et à l'endroit, histoire de maille, quand tu me tenailles.
Ken Mode prouve une nouvelle fois qu'ils ne sont pas le groupe noise-rock lambda. L'arrivé d'une nouvelle bassiste (Thérèze Lanz, du duo féminin Mares of Thrace) ne change rien à la ligne de tir des frangins Matthewson. Leur noise-rock, ils l'emmènent où ils veulent, contournant habilement les codes, prêt du coeur, loin des yeux et on les suit une nouvelle fois aveuglément. C'est le déjà quatrième album de Ken Mode. Il est grand temps de s'apercevoir qu'on tient là un groupe prépondérant. Venerable vient de sortir et on est exalté comme un Libyen.

SKX (21/03/2011)