L'album Trapani Halq al Waady a tellement tourné en boucle que dès les premières minutes d'écoute de ce nouvel album, je n'ai pas pu m'empêcher de m'écrier : c'est quoi ce bordel ??!! Qu'est ce qu'ils ont à nous rejouer les mêmes putains de morceaux ??!! L'Enfance Rouge nous fait le coup du remake. Exit les instruments orientaux et les musiciens qui vont avec. Retour au noyau dur. Le guitare-basse-batterie historique. Les compositions de Trapani Halq al Waady sont reprises dans un ordre différent, on les renomme, on secoue, on réarrange un peu le tout, on emballe ça joliment et on sert chaud avec l'étiquette nouveauté collée dessus. Quand l'attente est à la mesure de l'amour porté à Trapani Halq al Waady, ce nouvel arrivage déçoit fortement. Tout ça pour ça ? Oui, tout ça pour ça.
J'ai beau essayé de ne pas comparer, c'est mission impossible. Mais quand on joue à ce petit jeu là, c'est un passage obligé, c'est tendre des perches qui ne se refusent pas. Et avec tous les efforts possibles et inimaginables, Trapani Halq al Waady restera toujours au-dessus de cette nouvelle version. Le contraire aurait été vrai sans doute. Bar-Bari sorti avant et Trapani aurait souffert du même syndrome de l'album qui n'est qu'une resucée, même présentable, d'un disque qui vous a tellement imprégné que toute autre présentation n'est pas concevable. Quoique avec l'âge, je ne suis pas insensible à un brin de charme oriental et d'instruments sortant du triumvirat rock.
Ceci dit et c'est ce qui est le plus troublant, Bar-Bari n'est pas un mauvais album. Quand les compos sont bonnes à la base, elles sont bonnes pour toujours. Il faudrait vraiment mettre du sien pour saloper le boulot et L'Enfance Rouge n'est pas de ce bois là. On peut même dire que Grande-Survie (Petite-Mort, un des morceaux qui me secouait le plus sur le précédent album) ne perd rien de sa profondeur et puissance évocatrice une fois l'oud et l'exotisme exilés dans le silence. Que cet album épuré perd des instruments mais garde de sa force. Que cette relecture n'est pas que du recyclage brut et méchant mais révèle un beau travail réenregistré et mixé comme un tout nouvel album. Qu'on comprend que L'Enfance Rouge désire coucher pour l'éternité une version maintes et maintes fois jouée en power trio lors de concerts où l'orchestre oriental n'était pas disponible. Mais il manquera toujours comme un souffle, une originalité inégalée, un pouvoir de suggestion à ce Bar-Bari plus sec et dur. Il manquera toujours des joyaux comme Hurricane Lily qui n'a pas été repris ici ou encore la beauté d'un Vendicatori, renommé Vengadores (Tostaky/Le Continent) car la voix de Bertrand Cantat n'aura jamais la même prise sur l'imaginaire et ne fera jamais décollé ce morceau.
Pris comme un album à part entière, Bar-Bari est excellent. Pris comme un album qui revisite Trapani Halq al Waady, il ne tient pas deux secondes. On revient à l'ordinaire, certes agréable, quand on nous a fait toucher l'extraordinaire.

Bar-Bari ne surpasse son grand frère qu'à une seule occasion. La version vinyle en double 10'' dépliable et un artwork très suggestif, signé Igor Hofbauer. Ce qui est un comble quand on lit l'interview de François Cambuzat (guitariste-chanteur) dans le numéro 3 de mars/avril de Noise puisqu'il dit détesté le vinyle, que ce format là n'est qu'écoutable que par les riches, qu'il faut avoir une très bonne platine pour ne pas entendre la friterie du coin au troisième passage de Five Leaves Left (précisons que c'est un album de Nick Drake, NDR) sur ton tourne-galette et que son format préféré reste aujourd'hui le mp3 à 320. Séquence rions un peu. Je suis donc très heureux d'apprendre que je suis quelqu'un de riche dans mon HLM, qui n'est effectivement pas au-dessus d'une friterie mais d'un magasin de meubles marocains beaucoup moins bruyant, tout en précisant qu'on peut aussi acheter des platines vinyles d'occasion à la robustesse et qualité allemande pour vraiment pas cher, sans omettre qu'écouter du mp3 nécessite aussi un minimum de matériel de qualité si on ne veut pas entendre la friterie du coin, sans oublier de belles enceintes ou le casque qui va avec et qui ne sont pas donnés si on ne veut toujours pas entendre cette satanée friterie ou son voisin de métro parce que du mp3 à 320, avec du matériel de merde, c'est comme les platines de pauvre, ça salope tout le travail d'enregistrement.
Nous allons donc reprendre notre position d'attente avec un nouvel album de L'Enfance Rouge prévu pour 2013 et une nouvelle rencontre de l'occident et l'orient puisqu'une collaboration avec le chanteur Lotfi Bouchnak est annoncée. Bar-Bari est finalement une bonne façon de ronger son frein.

SKX (06/06/2011)