SIGHTINGS
City Of Straw - CD
Brah records/Jagjaguwar 2010

On pensait qu'avec Through The Panama, précédent album finalement mélodique et étonnamment écrit, Sightings en avait presque terminé avec le bruit et la perversion. Le trio de Brooklyn revient en 2010 avec ce City Of Straw publié par Brah records (et oui apparemment c'est fini avec Load records), un label sous-marin de Jagjaguwar et dirigé par Kid Millions d'Oneida que l'on retrouve ici aux claviers sur deux titres. Si City Of Straw ne renoue pas non plus avec les débuts bruitistes de Sightings (Absolutes, Arrived In Gold et, le fin du fin, Gardens Of War, un album enregistré en collaboration avec Tom Smith de To Live And Shave In L.A.), il s'éloigne résolument de l'ambiance no wave fin de siècle de Through The Panama et de ses accroches limite tubesques. Que c'est il passé ? Rien du tout assurément. Le groupe de Mark Morgan n'est juste pas du genre à vouloir plaire à tout prix ni à trop se répéter : City Of Straw apparait d'ores et déjà comme un album à part dans la discographie de Sightings.
Si on excepte le très court Saccharine Traps, ses guitares tronçonneuses/fraiseuses qui vous donnent l'impression qu'un éléphant est en train de subir vivant une séance d'équarrissage, sa rythmique tribale et son chant hurlé comme au bon vieux temps des premiers albums du groupe, ce septième album fait la part belle aux beats crachouillés, à la bidouille électrotechnique, aux voix lointaines, à une basse toute en rondeur (semblant être le seul point d'ancrage d'une musique diaboliquement ectoplasmique) et parfois aux guitares qui saucissonnent. L'allure, à quelques exceptions près (Saccharine Traps donc, Weehawken et un Sky Above Mud Below presque punk, enfin je me comprends), est généralement lente pour ne pas dire que les compositions décrivent de longs cercles concentriques dont le diamètre semble déterminé par quelques raisons totalement inconnues. Grésillements, frottements, parasites, boucles, bourdonnements d'insectes, pluies électroniques, brouillards d'interférence, rythmes parfois presque effacés, guitares en pointillés mais bruyantes à l'occasion : avec City Of Straw on subit - ou pas - comme un mix de musique industrielle (la vraie : Einsturzende Neubauten entre 1981 et 1986) et de kraut rock dévertébré… on peut alors avoir la vague mais désagréable impression de penser aux Liars (de l'album They Were Wrong, So We Drowned c'est-à-dire quand les Liars pouvaient encore prétendre faire de la bonne musique pour jeunes gens branchés mais exigeants). City Of Straw serait un bon album, un album excellent même bien que parfaitement autiste, s'il n'apparaissait pas aussi bancal et déséquilibré. On préfère alors penser que les trois Sightings n'avaient une fois de plus pas trop idée de ce qu'ils voulaient faire et que la prochaine fois, ce sera encore différent. Et le pire, c'est que ça marche.

Haz (14/05/2010)