The Ex
Catch My Shoe - LP
Ex records 2010

Le single avait annoncé leur retour. Et la couleur. Six ans après leur dernier album Turn, le nouveau The Ex était attendu avec impatience. Comme d'habitude. Et comme d'habitude, on n'est pas déçu. C'est le miracle The Ex. Là où tous les dinosaures encore en activité (Sonic Youth, The Fall… la liste est longue en fait !) se déchaussent le dentier sur la qualité allant dans le sens identique que l'ardeur de leurs artères, The Ex a toujours su maintenir la barre de l'inspiration a un niveau inespéré. On se dit que le prochain album va être le bon, comprenez le début de la fin, la tulipe par les racines mais ces Hollandais sont comme les scorpions. Résistent à toutes les températures, toutes les modes, tous les changements de personnel. La petite flamme intérieure bien vivace. L'enthousiasme de débutants.
Un enthousiasme que G.W. Sok, le chanteur historique n'avait plu. Plutôt que de faire mine, il a passé le relais, comme Luc le bassiste et quelques autres avant lui, dans un groupe qui n'aime pas tricher, dont l'ego n'a jamais pris le pas sur le collectif. Un des nombreux secrets de leur longévité. Avec leur capacité à enrichir leur musique de nombreuses collaborations. Elles se sont appelées Tom Cora et son violoncelle, la voix de Han Buhrs, Han Bennink le batteur fou, Massimo Pupillo, bassiste de Zu de passage, comme Rozemarie Heggen, la contrebassiste ou la greffe Andy Moor, écossais transfuge des Dog Faced Hermans qui n'est jamais parti depuis.
Et puis il y a la dernière en date. Une collaboration qui court depuis Turn. Ce n'est pas une personne mais tout un continent. L'Afrique et plus particulièrement l'Ethiopie, source d'inspiration ayant déjà pris la forme d'un album avec le légendaire saxophoniste Getatchew Mekuria. Influence tenace qui continue d'habiter leur musique. Deux titres en sont directement inspirés. Maybe I Was The Pilot et son riff piqué à une chanson locale et Eoleyo, reprise d'une chanson Gurage, du nom d'une ethnie éthiopienne, renvoyant au morceau Huriyet de l'album Turn, c'est à dire l'habituelle compo chantée par la batteuse Katherina Bornefeld. Une influence plus diluée que jamais dans la machine The Ex, dans le bouillonnement des guitares, désormais au nombre de trois, depuis que le nouveau chanteur, Arnold De Boer est venu rajouter son grain de sel, ainsi que son grain de voix, certes moins engagé que l'irremplaçable GW Sok mais dont le phrasé n'altère en rien l'intensité de The Ex. Et des guitares, il en est plus que jamais question. Dans ces fins de morceaux quasi systématique où on frôle l'improvisation, voir la transe, la boucle infernale, avec toujours ce souci de la mélodie addictive et sifflante sous la débauche de décibels et ce gimmick de guitare qui ne ressemble presque plus à un son de guitare (Double Order et Bicycle Illusion) ou sur la perle Life Whining (morceau le plus court en fin de face A mais terriblement accrocheur et vif), cette pointe aigue qui ne vous lâche plus. Les rythmes se font tribaux, inventifs, entraînants, évoquent l'Afrique ou tout simplement le The Ex de toujours tant le jeu de Katherina n'a de cesse semblé faire qu'un avec ces rythmes lointains, qu'elle les portait en elle sans le savoir et qu'on ne sait plus qui est venu à la rencontre de qui.
Et comme les bonnes idées ne manquent pas sur Catch My Shoe, ils ont invité le trompettiste Roy Paci, ou plus exactement Rosario Paci, sicilien de naissance, qui de Zu à Manu Chao ou Pascal Comelade, trimballe sa moustache et ces cheveux gominés et fait une halte sur deux morceaux. Maybe I Was The Pilot, version magnifiée du single où la trompette était absente et Cold Weather is Back. C'est l'armée mexicaine qui débarque, des envies de tequila, le retour du Ex Orkest, une pétition pour more trompette in The Ex. Neuf morceaux remplit jusqu'à la glotte, de vie, d'échardes, de grouillement, de frénésie et de bonne humeur, d'un Steve Albini qui va finir comme étant le sixième membre tant son travail derrière la console fini par faire corps avec la musique de The Ex, lui donnant une chaleur dont on ne croyait pas le binoclard capable.

25ème album, 123ème disque sortis par The Ex. Et depuis longtemps, depuis les deux albums avec Tom Cora, autant dire une éternité, ce nouvel album existe aussi dans une version vinyle. On est loin des versions d'Aural Guerilla ou Pokkeherrie avec des posters, livrets, toute une vie de revendication à l'intérieur. Catch My Shoe est des plus sobre, juste les paroles imprimées au recto avec quelques photos décalées dont ils ont le secret mais The Ex, c'est comme si c'était hier. Ca ne vie
illit pas, c'est toujours aussi vert. C'est bien simple, ils n'ont pas d'âge mais toujours autant de talent.

SKX (16/10/2010)