Calva/Io Monade Stanca
Split 12''
A Tant Rêver Du Roi/Africantape 2010

Double production avec chacun son poulain. Un coup de Calva pour le label de Pau A Tant Rêver du Roi et une rincette de Io Monade Stanca pour le label italien Africantape qui n'a pas grand-chose de rital dans son sang.
On avait laissé Calva sur une première livraison encore jeune mais prometteuse. Ils reviennent la démarche de travers et bien plus originale. Un parfum toujours indéfinissable d'un projet qui a mûrit tout en restant en gestation. Peuvent prendre tous les chemins qu'ils veulent. Un duo (depuis peu, le troisième s'étant fait la malle et est uniquement remplacé pour les concerts) composé d'Arnaud Millan (guitare, synthés, voix) et Stéphane Sapanel (batterie), têtes chercheuses croisant le fer entre une batterie impétueuse et une guitare acoustique (ou qui sonne comme telle !) pour un truc tout en décalage, tout bizarre mais ça marche ! Des constructions alambiquées dont la première écoute déroute avant de révéler toute son aura. Coule, petite, coule. Le synthé s'intercale en douceur, avec parcimonie, sonorités incongrues comme sur Kato, avec on dirait - j'ose à peine l'écrire, un vocoder - ça fait peur au début mais on fini par se laisser prendre car l'autre nouveauté de l'attirail de Calva dans le rayon instrument, ce sont des… ondes et elles sont bonnes, les vibrations. Fluidifie le Calva sans en perdre son piment. Rajoute au mystère de l'ensemble. Quant au batteur, il est crédité d'un autre instrument qui aide à tenir le coup, le café et c'est tout en nerf et en virtuosité qu'il soutient l'édifice, coups de baguettes saignants, registre large, aussi à l'aise dans le touché que le tranchant. Mais tout ça n'aide en rien à éclaircir le monde musical de Calva. On pourrait citer également Cheval de Frise ou Gastr Del Sol pour y voir plus clair, notamment sur les deux derniers titres, Urban Cowboy et le très classe et solennel Melinda 2.0, ces arabesques de guitare en pointillé mais ça serait faire fi des morceaux chantés d'une voix singulière (Central pub et Nerves qui porte bien son nom). Calva a quitté le monde des normes. Une vraie alchimie se met en place. On avait parlé de promesses pour leur début. Avec ces cinq titres, c'est d'impatience dont on va causer car à ce rythme là, ce Calva va tous nous enterrer.

On tourne la galette verte, signe d'espoir, pour la prestation des Italiens de Io Monade Stanca. Issu des mêmes sessions d'enregistrement que leur album The Impossible Story of Bubu, cette face est agrémentée d'un invité, Maurizio Busca, crédité au Jumbo organet qui doit être, si on tend l'oreille, ce bruit d'orgue électronique qui s'agite dans le fond et dont Charly Oleg se servait à merveille. D'où le sous-titre 4 brains 40 fingers big band collé après Io Monade Stanca. L'italien sait compter. Car après, ça se gâte. Le nom de cette face est Eravamo partiti coi piedi per terra qu'un célèbre moteur de recherche traduit par Nous avons commencé les pieds sur terre, ce qui constitue un beau pied de nez à la raison quand on connaît tout le burlesque dont est capable ce groupe. Un morceau découpé en trois parties, elles-mêmes hachées menues en une multitude de titres, plus de quarante au final, n'en jetez plus, la coupe est pleine. Une face à l'image de leur concert il y a quelques jours à Rennes (en première partie de Laëtitia Sheriff). Capable du meilleur comme du moins bien. Part dans tous les sens et ne retombe pas toujours sur ces pattes. Finalement plus convaincant quand ils essayent de jouer carré plutôt que partir dans des improvisations (ou ce qui y ressemble) laissant retomber le soufflé. Jeu croisé du guitariste comme ces genoux dont le jeu de jambe en concert est d'une élasticité surprenante, compos sans fin ni début. Tout s'imbrique, se perd parfois, revient dans le droit chemin avec toujours cet orgue un rien désuet et agaçant, particulièrement sur la fin de la face où le groupe lui a clairement laissé les clefs de la maison. Le vert de l'espoir se dilue en blanc d'abattement. Leur rock-noise pataphysique ne tient pas la distance face au bon coup de Calva.

SKX (15/05/2010)