ZU
Carboniferous - LP
Ipecac 2009

Après plusieurs albums en forme de collaboration où la part belle à leur esprit aventureux et bidouilleur était privilégiée, le trio italien Zu avait déclaré vouloir revenir à quelque chose de plus rock. On se méfie toujours du terme rock quand il est utilisé par des types bancales comme Zu mais il était annoncé que ce nouvel album allait cogner dur, que cela allait gicler et qu'on ferait pas les malins devant l'assaut qui se préparait. Zu se vante également de sortir là son quatorzième album. Mais à regarder de plus près, une fois enlevé tous les disques en équipe avec Eugene Chadbourne (The Zu Side of the Chadbourne en 2000), Fred Lonberg-Holm (The Way of animal powers, 2005), Mats Gustafsson (How to raise an ox, 2005), Nobukazu Takemura (Identification with the Enemy - A Key to the Underworld, 2006), le groupe Spaceways inc. sur Radiale et on va arrêter là sinon l'écran va se noircir rapidement, Zu en tant que tel (Jacopo Battaglia, Luca Tommaso Mai, Massimo Pupillo) n'a pas sorti d'album depuis 2002 et le flamboyant Igneo. Un album s'entend où ils sont la cheville ouvrière de toutes les compositions. Parce que des invités, il y en encore à la pelle sur Carboniferous. King Melvins Buzzo (pour apporter du poids ?), Giulo Ragno Favero (jamais entendu parlé mais faites comme si), Allessandro Rossi (voir commentaire du précédent) et surtout (hélas), le très pénible Mike Patton. Ne cherchez pas, c'est physique. Rien que voir sa tronche, j'ai envie de le claquer. Et je ne vous parle même pas de la reformation de Faith No More, la pire grosse boursouflure de groupe du monde. Une allergie profonde à son chant et ce n'est pas ces borborygmes et ses sales manières vocales sur Soulympics et Orc qui vont arranger les choses. Enfin bref, passons !
Du rock donc pour le peuple. Zu tient ses promesses. Le rock au sens frappeur, dangereux, celui qui offre des pulsations et fait monter l'adrénaline car sur la forme, on est toujours très loin du couplet refrain et du solo de guitare. Et ça tombe bien, ya jamais eu de guitare dans Zu. La paire basse-batterie fait des ravages que le saxophone baryton de Luca Mai se charge d'entretenir à grands coups de bronches sur le brasier. Zu, c'est idéal pour faire apprécier du free-jazz à des rockeux. L'inverse reste à prouver (apportez moi la tête d'un jazzeux qu'on lui fasse bouffer du Zu !). En même temps, Zu est bien au-delà de toutes ces frontières stériles. Leur créativité déborde les cadres. Ca valse à tout va, ça déconstruit pour mieux vous récupérer quand vous ne vous y attendez plus. Les coups de basse légendaire de Massimo Pupillo renvoient au géniteur de la lourdeur (Swans), le groove pervers, tour à tour rampant ou palpitant, de Battaglia vous fait perdre toutes notions de rythmes. L'album est en ça très étourdissant. Et à bien l'écouter, Zu a effectivement perdu son feeling jazzy pour se tourner vers quelque chose de plus sombre et tentaculaire et monstrueux, condensant sa débauche dans dix salves abruptes et recherchées à la fois, faisant résonner des influences anciennes comme 16/17 ou God. Malgré ça, il y a un truc qui cloche dans ce nouveau Zu. Une innocence envolée, l'esprit ludique et frondeur de Zu avalé tout cru par une mécanique trop grande. Trop bien en place dans la folie, une débauche calculée comme un film à gros budget où tout est professionnellement impeccable, tout est à sa place, le jeu des acteurs parfait (à part Patton hahaha), le scénario sans fausse note. On en a pour notre argent mais c'est cruellement froid et sans surprise malgré une histoire qui promettait l'originalité. Carboniferous est une grosse machine implacable qui a de quoi impressionner mais ne donne pas envie de se rouler à ses pieds.

SKX (07/09/2009)