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DE
KIFT
Hoofdkaas
- CD
V2/Range Ta Chambre 2008
Hoofdkaas se traduit par fromage de tête. Les Hollandais de De Kift
vous invite à partager une tête de porc pour fêter
leurs 20 ans de route et offrir un huitième album sur un plateau.
On connaît la recette avec De Kift. Les ingrédients n'ont
pas changé. Toute une quincaillerie de cuivres, de cordes acoustiques
frappées et pincées, une batterie d'instruments qu'on ne
rencontre pas tous les jours, des churs battus à l'unisson,
de la dérision, des chansons à boire, un soupçon
de larmes, de la poésie de comptoir, de l'absurde en pied de cochon,
une fanfare baltringue tournant autour du pot, une p'tite danse en fin
de repas et tout le monde au lit.
De Kift passe et repasse les mêmes plats. L'époque de la
candeur n'a plus lieu. Tout le sel de l'aventure réside désormais
dans l'art d'accommoder et assaisonner toute cette marchandise hétéroclite.
En même temps, il ne faudrait pas faire la fine bouche parce que
Hoofdkaas, si il ne surprend pas, reste un album alléchant.
Après l'époque du baroque avec l'album Vier voor vier,
De Kift opte pour une cuisine traditionnelle, dans la lignée du
précédent 7
avec un soupçon de piment en plus, un brin d'inspiration qui relève
le tout. Des airs de trompettes entêtants, des envolées discrètes
mais réelles comme sur Record, des lignes de guitares aussi
maigrelettes qu'attachantes, des parties vocales incroyables qui se croisent
et font claquer le palais (Sherry). Vleesmolen et sa fanfare
donnant envie de se tailler par le premier bateau venu et se bourrer la
tronche dans des ports bien glauques. Le marrant Locomotief ou
le plus rock'n'roll Heisa-Ho. Un tas d'amuse-gueule finissant par
faire un repas bien complet tout en restant dans le fugace et le bancal.
La grosse bouffe et la chair grasse, ce n'est pas le credo de De Kift,
ce groupe restant définitivement à part.
Venant du milieu des squats hollandais et punk-anars (Terry le chanteur
est un ancien Svätsox, des potes à The Ex qui venaient de
la scène de Wormer, au nord d'Amsterdam), De Kift s'est d'abord
fait connaître dans le circuit indépendant pour toucher les
vieux punk-rockers, les noiseux endurcis, les revenus de tout et les chiens
abandonnés avant de brasser un public plus large. De Kift maintenant,
ça joue dans les fêtes du village et les salles municipales.
Ca collabore avec les Têtes Raides, ça écrit pour
le théâtre et les musiques de films et pire, ça pourrait
plaire à votre grand-mère !
Mais sous des dehors présentables, De Kift reste hors normes et
hors mode. Un truc qui plait à un plus grand monde mais qui jamais
n'en touchera beaucoup. On aurait vite fait de les cataloguer dans de
la variété acceptable mais même ce public n'éprouve
qu'un intérêt poli avant de vite revenir à quelquechose
de plus rassurant (j'ai testé, De Kift, ça ne plait que
très moyennement). Il n'y a pas de jolies mélodies évidentes
chez De Kift. Ca peut éventuellement se danser mais ça ne
tourne pas rond longtemps. Le chant batave, ça faire rire cinq
minutes mais l'exotisme, ça ne va qu'un temps et en plus, on n'y
comprend rien. Et puis trop de trucs bizarres comme les six minutes de
Eeuwige Bewonderaar et ces bruits de bagnoles en plein milieu ou
les bruits de cuisine et de verres cassés sur le morceau éponyme
clôturant l'album. Pas de couplet-refrain-couplet (ou si peu) mais
du narratif qui déroute.
On est dans le domaine de la chanson, ce gros mot qui fait peur, mais
dans la bouche de De Kift, ça prend une autre saveur. Parce qu'ils
ne se contentent pas de recettes faciles. Parce que leur dérision
est trop palpable pour qu'on les prenne vraiment au sérieux. Parce
qu'ils sont trop orgueilleux pour cracher dans la soupe ou tout simplement
trop originaux pour faire comme tout le monde. Parce qu'on sent trop poindre
une sourde tristesse là-dedans et que, même quand ils chantent
à tue-tête et roulent sous la table, on sent bien qu'il va
y avoir un revers à la médaille. Et ça, c'est pas
bon pour le moral des ménages.
Alors De Kift, ça continue à me toucher. Ca coule tout seul
dans le gosier, sur le coin du zinc, une p'tite bouffée d'air frais
hors du temps avant de repartir gagner sa croûte. Une auberge où
on se sent bien et où les repas de famille deviendrait presque
un moment de bonheur.
Finir une chronique de De Kift sans parler de l'emballage n'en serait
pas une. Deux options à la carte. La pochette de luxe sérigraphiée
sur du velours. Et la version complète avec vieilles recettes et
menu gastronomique à l'intérieur.
Bon appétit !
SKX (01/04/2009)
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