The Flying Luttenbachers
Incarceration by abstraction - CD
Ugexplode 2007

Alors comme ça, Weasel Walter pratique l'infanticide et met fin à la vie de son propre bébé… Sa propre création, le genre qu'on croyait immortel et qui s'achève sans crier gare au bout de 16 ans d'activisme forcené. En cadeau d'adieu, huit dernières compositions écrites par le boss entre 2004 et 2007 et censés être exécutés avec ses acolytes Ed Rodriguez et Mike Barr. Malheureusement aucun des musiciens n'étaient en mesure de travailler pour le groupe. Ce sont les notes internes du CD et rédigés par WW qui le disent. Et si c'était ça l'erreur ? Croire que The Flying Luttenbachers était la chose de Walter alors qu'il a passé 16 années à tenter de constituer un groupe, trouver des musiciens adhérant à 100% au projet FL, qu'ils s'impliquent au même niveau que lui et que finalement, ce n'est pas un split avec lui-même (arrêtons les railleries) mais la fin d'un vrai groupe qui aura vu son membre le plus motivé jeter définitivement l'éponge, faute de trouver une équipe stable pour tourner et avancer.
Et question motivation, Weasel Walter en avait à revendre. Un boulimique de travail, un drogué de l'écriture et cet ultime album le prouve à nouveau. Le style Flying Luttenbachers, c'est d'en foutre partout. Un déluge de batterie, des notes de guitares en cascade, de la basse dans tous les recoins et si ça suffit pas, du cuivre plein les bronches avec un surplus de synthé entre les tranches. Et tout ça joué comme si ils avaient le feu au cul. Après, tout est histoire de dosage et d'intensité.
Vu que tout le monde l'a lâché, le père Walter se coltine encore une fois tous les instruments. Comme sur Systems Emerge From Complete Disorder en 2003. Et dès le morceau d'ouverture, on sent bien qu'on va s'en prendre une nouvelle fois plein la tronche. Ça déboule de partout, la guitare est bavarde. Mike Barr a beau être absent, WW a lui aussi trois paires de bras et les doigts qui vont avec au bout. Ça ne change pas de la recette habituelle et on va pas s'en plaindre. Ce son spécial de guitare, ces rythmes orgiaques, même le synthé qui arrive miraculeusement à se faire entendre, tout me plait. Toute l'intensité, qui rajoute une couche, puis une autre et une autre encore, tout ce dédale dans lequel il essaye de nous perdre me convient parfaitement. J'aimerais vous sortir le mot juste pour vous expliquer tout l'impact de cette musique sur mes pauvres neurones, la rhétorique implacable pour vous faire aimer cette musique extrême. Pourquoi cette logorrhée auditive me ferait totalement braire chez d'autres groupes alors que là, ça me prend les tripes (pour rester poli) et que ça ne me lâche plus. C'est physique, j'y peux rien. C'est comme la tronche de certains qui ne vous revient pas sans raison apparente. Sauf que là, c'est le contraire. Les soli de guitares ne sont pas des soli. Ce sont des barricades de barbelés qui prennent possession de vos résistances. Un tir de barrage parmi d'autres, qui se noient dans la masse, comme ce saxophone sur Electrocution. Cette bonne grosse basse qui résonne soudainement plus que d'habitude sur Medusa. Un amas de rythmes avec encore de folles inspirations de Walter à la batterie, son instrument fétiche et ça s'entend. Flying Luttenbachers sait mieux que quiconque comment mettre la pression et celle-ci est encore énorme. La seule erreur, c'est le dernier titre, le mal nommé The First Time (mais c'est fait exprès, l'homme est retors). Une compo avec chant masculin et féminin. Si au début, cette accalmie fait du bien (on a beau aimé ça, on en reste pas moins humain), se dire que, tiens, ça change un peu, de la surprise ne fait jamais de mal, on se crispe assez rapidement. Le morceau part sur des territoires seventies. Un des voix est trafiquée à l'hélium. L'effet est rigolo deux secondes mais ce n'est pas la meilleure façon de terminer son œuvre. Mais oublions.
Ce n'est pas pour joué les faux-culs de service, genre on ne tire pas sur l'ambulance un mort mais cet album est grand. The Flying Luttenbachers s'offre une sortie par la grande porte.

SKX (27/01/2008)