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Pissed
Jeans
Shallow - LP (+Throbbing Organ 7'', reissue 2014)
Parts Unknown 2006
Hope For Men - CD
Sub Pop 2007
Ce nom de
groupe ! On a pas idée de s'appeler comme ça sauf si ça
résume toute la philosophie (de branleurs) du groupe en question.
Rien à foutre. Voilà ce que ce groupe de Pennsylvanie vous
balance à la gueule. Rien à foutre de ce que tu penses (de
nous). A prendre ou à laisser. On est comme on est. Fiers de notre
crasse et nos mauvaises manières. Droits dans nos bottes. La réalité
est tout autre. C'est pas cosette qui sort de sa campagne. Mais le col
blanc le cul tanné par le fauteuil qui se transforme le soir venu
en grand méchant loup. Mais ces quatre blancs-becs ont tout pigé.
Le rock. Le vrai. Hérité des Stooges. Entre, vous pouvez
mettre des tonnes de références punk-rock, ça n'y
changera rien. Pissed Jeans est Pissed Jeans, soit de dignes bâtards
du rock'n'roll à qui on donnerai le bon Dieu en confession pour
qu'ils nous filent notre raclée quotidienne. Celui qui remet de
la vraie saleté sur le faux cuir du bourgeois toujours prêt
à bêler dans le pré télévisé.
Celui qui remet les mauvaises odeurs dans ce monde aseptisé. Aussi
politiquement correct que leurs collègues de Clockcleaner à
qui on pourrait coller la même intro.
Ça suinte, ça latte les oreilles, ça coupe comme
du verre. C'est débraillé et fort en gueule. Ca dit les
pires conneries et ils ne les assument pas vu que de toute façon,
ils en ont rien à foutre. Shallow commence ainsi. I'm
Sick (c'est le nom du morceau). J'ai mal à la tête
J'ai la fièvre
J'ai la diarrhée. Bon appétit
! Tout en délicatesse et pourtant, c'est loin d'être des
tâcherons. A force de voir ce nom associer à Pissed Jeans,
j'ai été voir de quoi il retournait des Stickmen
with Rayguns, influence régulièrement citée.
Des texans dans les années 80. Inconnus au bataillon avant que
ces pisseux ne les sortent de leur trou. Effectivement, la filiation est
certaine (il faudra vous en recauser un de ces quatre). Une rythmique
solide, carrée, presque basique par moment mais baraquée
et invulnérable avec autour, comme une mouche folle, une guitare
tout en larsen, feedback, incontrôlable, aimant tâter les
cordes dans l'aigue avant de plaquer de gros riffs bien tranchants. Et
dans le rôle du fou du roi, Matt Korvett nous narrant ces problèmes
d'intestins. Son chant est tout coupé de râles, de crachats,
de shit et de fuck, d'énervement et de tripes jetés à
même le sol. Pissed Jeans garde cette approche près de l'os
même si sur Shallow, ils n'hésitent pas à vous
emmener dans une ballade rugueuse et tendue de sept minutes (Ugly Twin).
Avec ce premier album, Pissed Jeans partaient sous des auspices sacrément
burnés. C'est ainsi qu'ils sortent un single sur un petit label
qui continue à faire causer de lui, le fameux Sub Pop. Le morceau
phare du 45 s'appelle Don't Need Smoke To Make Myself Disappear
et est déjà indispensable, surtout qu'il n'apparaît
pas sur le deuxième album que Sub Pop réalise pour une exposition
plus conséquente. Sub Pop a toujours le nez creux. Pas étonnant
puisque Pissed Jeans représente une certaine continuation du mouvement
grunge. Une certaine idée d'un rock à guitare, braillard
et revêche. Pour Hope for men, la recette ne change pas.
Simplement, on sent que le groupe a eu plus de temps et de moyens pour
peaufiner en studio un son qui ne fait pas de pitié. Rythmique
encore plus puissante. Des coups de basse à faire trembler les
murs. La guitare qui vomit ses larsens et ses riffs tout baveux de saturation.
Ne vous fiez pas à la pochette. C'est le seul moment de tendresse
d'un album qui n'est que baston et fiel d'un rock retrouvé. Des
compos au cordeau, frappant juste, à l'économie avec un
sens consommé du riff assassin et entêtant (I've Still
Got You (Ice Cream) ou Secret Admirer). Même les deux
plages d'accalmie (Scrapbooking et The Jogger) font froid
dans le dos et accentuent le malaise. Hope for men, plein de vie
et de malheur, de détresse et d'amour vache, finissant sur un apocalyptique
My Bed que n'aurait pas renié Oxbow dans ses délires
les plus bruitistes. Un très grand disque de rock'n'roll.
SKX (06/10/2007)
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