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Dial
Infraction - CD
Cede 1997
Distance Runner - CD
Cede 2000
168k - CD
Cede 2007
Dans l'article consacré à UT,
la dernière phrase vous promettait de reparler de Dial, cet obscur
groupe avec Jacqui Ham, ancienne membre de UT. Dont acte. Alors que je
galérais comme un fou pour trouver leur nouvel et troisième
album 168k, c'est l'album qui est venu à moi. La classe.
Un des membres de Dial habite en France, dans le 17 comme il dit, et ayant
eu vent de cet article, a tout simplement contacté ce modeste site
et a envoyé la totale, à savoir les trois albums que Dial
a composé entre 1997 et 2007. Plus aucunes excuses pour ne pas
parler de Dial et faire découvrir ce groupe certes pas facile d'accès,
qui ne fait rien pour être connu, que ce soit en terme artistique
ou de promotion/distribution mais qui mérite que l'on s'y attarde
longuement.
Les cendres
de UT sont déjà bien froides quand Dial sort son premier
album Infraction en 1997. Six années durant lesquelles on
a que très peu de nouvelles de Jacqui Ham. Mais il ne faut pas
réduire Dial à sa seule présence. L'autre entité
s'appelle Rob Smith (le gars du 17) à la guitare et la programmation
de la boite à rythme, qui a passé deux années au
sein du groupe anglais GOD et qui a rencontré Jacqui Ham à
la fin de l'existence de UT, lors d'un concert, aux débuts des
années 90. Pour compléter ce noyau, Dom Weeks à la
basse, un ex-Furious Pig et Het. Ce trio enregistre Infraction en 1997
sur cassette et le sort sur sa propre structure, Cede records. Et qui
dit enregistrement sur cassette en 97 dit musique sans compromis. Musique
qui vous prend à la gorge. Sensation d'étouffement. Le son
est lo-fi. Pas dans le sens bricolage à la maison et son à
deux balles. Un son brut de décoffrage, sans fioriture, sculpter
à même les mains pleines de terre. Dial ne cherche pas embellir.
C'est livré avec les larsens, les grésillements, les imperfections
et en première prise. Une constance dans la douleur que l'on retrouvera
sur l'ensemble des trois albums. Une boite à rythme minimale qui
vomit des rythmes rachitiques dans une cadence régulièrement
épileptique. Les guitares de Ham et Smith en fusion, écorchent,
tombantes, vrillantes pendant que la voix de Ham tente de se faire entendre
par-dessus le bouillonnement. Impression d'assister à une jam en
direct. Enregistré sur le fait. Vous vous imaginez dans leur local
de répétition, tout petit dans un coin, s'en prenant plein
la tronche, le son allant et venant, niveaux sonores fluctuant comme sur
Little Eye. Ham psalmodie des textes incompréhensibles.
Malade imaginaire ou bien réelle. Les guitares improvisent, dessinent
des abstractions inquiétantes, voir brumeuses. L'acouphène
guette. Les saturations prennent le pouvoir. Le rythme ralenti, disparaît,
laissant place à de troubles atmosphères, ballades sombres
qui grattent l'épiderme. On ne sort pas indemne de ce voyage introspectif
de plus d'une heure. On peut même parfois démissionner. Mais
on y retourne, irrémédiablement, intrigué devant
une musique addictive, cette transe de bruit blanc, orgasme sonore qui
n'en finit pas de délivrer ses peines. C'est tout l'esprit no-wave
qui vous rejaillit à la gueule, ces dissonances primitives poussées
à l'extrême, le vrai esprit de la no-wave, celui qui cherche,
expérimente, brosse à contresens du poil. Pas ces ersatz
de groupes fashion à la mode avec leurs rythmes pseudo-dansants.
Dial n'attend personne et ne compte pas sur plus de monde.
Quatre ans
plus tard et toujours par ses propres moyens, Dial sort son deuxième
album. Distance Runner avec les trois mêmes pilotes agrémentés
de Gary Jeff à la basse sur deux morceaux et Alex Brandau, toujours
à la basse mais aussi au sampler sur cinq morceaux. Un album qui
se ballade entre Londres, Barcelone et plusieurs villes françaises
(Bordeaux, Paris et MarseilleS avec un S, les anglo-saxons ont
toujours été fâchés avec la géographie)
pour l'enregistrement. Le son est encore une fois à couper à
la machette. L'album s'ouvre sur un bruit de moteur encrassé qui
tournerait en boucle (Fragment) avec la voix de Ham noyé
dans le mix. Ce même bruit cyclique qui revient lors de Without
Size, le second morceau avec l'aide d'un violon, celui de Jacqui Ham
dont elle sait en tirer toutes les stridences. Cet album est moins frontal
que Infraction. Les paysages sculptés n'en sont que plus dangereux.
De drôles de ballades, si tant est que sortir sous le son d'un marteau-piqueur
pendant qu'une guitare acoustique égrène une mélancolique
mélodie est une ballade (le morceau Electronic), remplit
de drones, d'un fatras de cordes électriques, d'une voix fantomatique,
de samples industriels et de rythmes désertiques. Le rock de Dial
sent l'improvisation, le hasard, le cut-up, des atmosphères poisseuses
et des éclats noise-rock qui rentrent dans la chair. Ca fusionne,
ça malaxe, ça broie des sentiments bien noirs mais ça
n'explose jamais vraiment. Après toute cette description optimiste
et engageante, le tour de force de Dial est d'avoir réussi à
créer une sombre attirance pendant plus d'une heure, donner consistance
et profondeur à un style musical où nombres de groupes actuels
se mordent la queue et s'avèrent ennuyeux. Cette musique ne ressemble
pas à un coup de foudre. De multiples écoutes sont nécessaires
et comme pour Infraction, on y revient inlassablement, découvrir
sans cesse de nouvelles cavités où se fourvoyer.
Cet album
ne les aura en tout cas pas mis sous les feux de la rampe. Dial reste
très obscur et il faudra attendre cette année pour s'apercevoir
qu'ils existent toujours. Le nouvel album s'appelle 168k, sort
une nouvelle fois sur Cede records et semble pour la première fois
attirer un plus grand nombre. Les chroniques fleurissent un peu partout,
les retours sont positifs. Pourtant, la musique de Dial n'a pas fait de
compromis. Sept ans plus tard, Dial reste cet agglomérat de sons
bruts qui ne se laisse pas facilement apprivoiser. Le noyau central est
plus que jamais Ham et Smith. Dom Weeks apparaît seulement sur deux
titres. La grande nouveauté est la présence d'un vrai batteur
sur trois morceaux. Son nom, Lou Ciccotelli, un vieil ami de Jacqui Ham,
qui a toujours joué en concert avec Dial, excepté lors de
la tournée en France et l'enregistrement de Distance Runner.
Il a aussi joué avec Rob Smith au sein de God pendant une période
beaucoup plus longue.
La pochette est un amas plus ou moins non identifié de ce qui ressemble
à du papier coupé, broyé, haché menu. Rarement
pochette n'a aussi bien définie la musique du groupe qu'elle représente.
Dès le morceau d'ouverture, le bien nommé Psychotrance,
on s'enfonce dans un territoire qui vous prend à la gorge. Dans
une salle de machine où pistons grinçants et guitares ferrailleuses
s'entrechoquent. Un étourdissant fourmillement de sons, une densité
au centimètre carré dont la pression ne cesse de s'accentuer
au fil de sept minutes de vaudou noise. La voix de Ham surnage, vous enveloppe
et enfin, je mets un nom sur cet autre groupe auquel Dial me fait penser
depuis le début. Les texans de Pain Teens. Cette faculté
à évoquer le rêve au-delà du bruit chauffé
à blanc.
Si le son de Dial reste brut et sans fard, ils ont réussi à
l'amener à un autre niveau. De la masse, de l'ampleur, de la puissance
surtout quand Ciccotelli se ramène avec sa batterie. Hi Fi,
second morceau à trois, morceau sentant l'improvisation pendant
huit minutes d'un free-rock libéré de toutes attaches terrestres.
Et quand Ciccotelli se lâche sur la fin, on en redemande. C'est
là aussi une des clés du regain d'intérêt pour
Dial. Tout en maniant le terme avec des pincettes, 168k est plus
rock. Plus rythmé et moins autiste, Dial fait moins peur,
on ose s'approcher de la bête. Après trois titres à
suivre avec la batterie, Dial nous replonge la tête dans le sac
avec Hey Condition. Seulement deux guitares et la voix de Jacqui
Ham. Je ne sais pas quels effets ils utilisent mais le son des guitares
est une nouvelle fois étonnant. Sensation de scie à métaux.
Les larsens sont compris dans le prix. Notion de ballades, de ces chères
et spéciales ballades, propres à Dial. Dirt Jungle
mérite son nom avec la programmation épileptique de la boite
à rythme et des vers qui vous rongent les intestins en guise de
tapis sonore. Rope fait tourner en boucle un riff efficace et lisible
auquel Dial ne nous avait pas habitué. Psychédélisme
malsain. Field achève les hostilités avec cette maudite
boite à rythme dont Smith arrive à faire sortir des sons
déconcertants et dont on peut saluer au passage la programmation
originale depuis les débuts de Dial. Une boucle bruyante qu'on
ne peut pas imaginer provenir d'une guitare, un fond de sample angélique
et la magie opère une nouvelle fois.
Un disque singulier pour une musique sonique et fracturée, prouvant
que l'on peut toujours expérimenter tout en restant intense et
rock. Atmosphérique sans être post-rock. Avant-gardiste sans
être barbant. Faire dans le drone et être crédible.
Tout dévaster et être créatif.
Dial reprend
vie après sept années de silence et se porte mieux que jamais.
Des concerts à deux pour commencer puis au complet, sont prévus
pour l'année prochaine. Ça répète dans le
17. On en reparle plus tard
SKX (26/11/2007)
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