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Tone
Build
IPR/Dischord 1994
Sustain
IPR/Dischord 1996
Structure
Dischord/Brookland 2000
Ambient Metals
Dischord/Brookland 2003
Solidarity
Neurot 2006
Tone est cet ensemble un brin mystérieux, crée en 1991 par
Norm Veenstra, qui réalise des albums tous les trois, quatre ans,
sortant rarement de son Washington DC natal pour faire des concerts (ceci
expliquant cela). Malgré deux albums co-réalisés
par Dischord records, il aura fallu que Neurot sorte leur cinquième
album Solidarity pour que les projecteurs se braquent sur cette
singulière troupe.
Un groupe qui mérite un retour en arrière et quelques éclaircissements
sur une discographie fortement intéressante. Personnellement, c'est
en 2000 avec l'album Structure que Tone (sous-titré The
Expanded Ensemble) s'est découvert à mes oreilles. Six guitares,
une basse, une batterie, des cuivres. Ca ne passe pas inaperçu.
Pourtant, avant et après ça, rien, plus de nouvelles. Un
mystère bien gardé.
Les musiciens qui composent Tone ont pourtant un CV qui ne passe pas inaperçu.
Des ex-Government Issue, Teen Iddles, Pitchblende, Velocity Girls, Unrest,
Wharton Tiers Ensemble, Smart Went Crazy, Strange Boutique et Caligari.
Des univers musicaux bigarrés qui se retrouvent à jouer
une musique instrumentale inspirée autant par Glenn Branca que
John Cage tout en renvoyant à Godspeed You Black Emperor.
Le premier disque est paru en 1994. Un EP exactement. Build. Mais
avec sept titres pour presque trente minutes, on va pas chipoter. Pas
de cuivres encore. Juste ces guitares. Nombreuses. Et claires. Tone n'est
pas cette cavalcade bruyante qu'on entend arriver de loin. Des sons sans
distorsions, ou si peu. Des effets de boucles mais avec quelques choses
de pop à l'intérieur. Des structures qui s'amusent à
se répéter mais sans effet crescendo majeur, une production
poli. Le cinquième morceau Mr. Authority pourrait presque
passer pour une reprise d'un thème de Fugazi. Tone, un groupe bien
de Washington DC mais en version instru et symphonique.
Avec Sustain en 1996, on passe à la vitesse supérieure.
Enregistrée par l'ex-band of Susans, Robert Poss, la musique diversifie
sa palette sonore, ajoute de la consistance à sa légèreté
naturelle et si vous vous attendez à un truc ardu et expérimental
à écouter, repassez par la case départ. Tone met
la mélodie au centre du débat, ne conçoit pas ses
longues chevauchées tranquilles et enlevées sans une accroche
triturée avec finesse. Toujours portées par un rythme soutenue
et relativement simple, les guitares jouent en accord une partition qui
ne laisse rien dépasser, répétant inlassablement
au sein d'un même morceau un thème qui fini par rentrer tout
seul dans la caboche. Un travail de sape dans la douceur. Un travail d'orfèvres.
C'est pour le troisième album que les cuivres débarquent.
Toujours enregistré par Robert Poss, Structure (lire la
chronique détaillée ici)
continue d'élargir ses émotions. Huit musiciens principaux
auxquels vous rajoutez six invités et vous obtenez un ensemble
symphonique qui exclue toute lourdeur, lyrique sans grandiloquence, orchestre
rock sans nuisance sonore. Le premier grand fait d'arme de Tone.
Trois ans plus tard, Tone ressort de sa tanière avec Ambient
Metals. Robert Poss a cédé les manettes à J.
Robbins, l'ex-Jawbox. Les cuivres repartent d'où ils sont venus,
un second batteur débarque dans le paysage et l'ensemble Tone encore
plus fort. La multitude se fait enfin sentir. La puissance gagne du terrain.
Densité, férocité accrue des rythmes. Si on peut
sortir le mot mathématique, c'est pour la précision et non
pas la complexité du machin. Une précision d'horloger et
un groupe passé maître dans les structures répétitives
auxquelles ils insufflent force éléments mélodiques
et rythmiques. Steppe, morceau épique qui vous fait traverser
une longue étendue sauvage, un troupeau qui arrive droit sur vous,
lentement mais sûrement, une montée d'intensité auquel
vous ne pouvez échapper comme une bestiole à la con prisonnière
d'une lumière aveuglante.
Une musique aussi bien ambiante que tribale, apaisante et puissante, mélancolique
et exalté ne pouvait laisser insensible les plaisantins de Neurosis.
Neurot a signé en début d'année le 5ème album
du groupe, Solidarity et sa pochette rouge ocre. La formule reste
la même. Le Robbins, les deux batteurs, les guitares à foison.
En solo, en arpèges ou en attaque frontale à cinq, la guitare
mène le bal. Un dialogue de fou, un dialogue limpide, des airs
épris de grand large sous la tempête ou marquant la solitude
des grands espaces, Tone explore toute sa palette sonore qu'il a si bien
su construire depuis 12 ans, la magnifiant dans des compositions originales,
créant encore plus de contrastes, répétitions subtiles
de boucles qui ne tournent pas en rond, de cassures brutales et de périples
dissonants. Car si Tone a tout d'un groupe instrumental de plus, ses huit
têtes et seize bras pour autant d'influences et d'inspiration diverses
rendent à part ses compostions propres à plaire à
un large éventail grâce à une esthétique accessible
en apparence mais exigeante à l'intérieur.
SKX (07/09/2006)
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