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Smoke Heaven on a Popsicle Stick - CD Colossal/Long Play records 1994 Another Reason To Fast - CD Long Play records 1995 [posté le 01 juin 2015] The Art of Losing ne pensait pas aussi bien coller à l'actualité en faisant remonter Smoke à la surface. Un troisième album posthume est sur le point de sortir, My Lover The Matador, collection d'inédits dont vous pouvez déjà écouter sept titres. Le seul morceau Paint It Blue devrait suffire à serrer votre petit coeur et vous donner envie de lire la suite si jamais Smoke ne vous évoquait jusqu'à maintenant que l'idée d'allumer une tige ou d'arrêter de fumer. Smoke a tout du groupe culte, ces groupes dont tout le monde se tape de leurs vivants, pareil quand ils sont morts mais dont l'aura ne cesse de grandir par le bouche à oreille et jalousement chéri par chaque personne qui a la chance de tomber dessus. Une aura façonnée par la qualité et l'originalité de la musique mais aussi par le charisme, l'extravagance et le destin tragique de son chanteur connu sous le pseudo de Benjamin Smoke, Robert Dickerson de son vrai nom. Haute figure des milieux homosexuels dans sa ville natale d'Atlanta, drag queen et voix cassée à la Tom Waits, atteint du sida, grand amateur de drogues, Benjamin Smoke décédera en janvier 1999 d'une hépatite C. Et le rock aime les destins brisés. Au point de susciter un film par Jem Cohen (celui qui avait fait Instrument sur Fugazi) et Peter Sillen et de tisser son parterre de fans dont Michael Stipe. Michael Stipe, il en était déjà question en 1993 quand il a produit une grande partie de The Love That Won't Shut Up, unique album de Opal Foxx Quartet, premier groupe de Benjamin Smoke. Smoke naîtra dans la foulée avec une formation singulière. Cornet à pistons, violoncelle, banjo, batterie, guitare et chant mais aussi sousaphone, clarinette et harmonica. Sur le premier album Heaven on a Popsicle Stick, il en découle des ambiances variées. La country (merci le banjo), l'americana, le cabaret décadent, peut faire penser au Velvet Underground (Hank Aaron), Tindersticks, Vic Chesnutt ou Motherhead Bug, des morceaux parfois sans batterie (mais pas sans rythmes), des ballades ou des titres plus électriques mais des compositions très personnelles, toujours empruntes d'une profonde mélancolie ou d'une fausse indolence, d'un truc qui prend aux tripes et les retourne, sans pathos, dépouillé sous les arrangements des cordes et des accords de la guitare maigrelette et portées par l'interprétation unique de Benjamin Smoke. Il parle plus qu'il ne chante, c'est parfois d'un équilibre précaire mais chaque parole, chaque ligne de chant sentent le vécu et la souffrance au bout de sa voix éraillée et sublime. Smoke nous gratifie de titres poignants à te faire tomber de ta chaise avec au premier rang Beeper Will, Ballet ou Curtains avec son harmonica à la Ennio Morricone et son magnifique banjo, les cuivres redonnent un semblant de vie et d'espoir mais au final, c'est un disque étonnant et d'une profonde tristesse, de celle qui pousse à boire avec le sourire fatigué. Une fois que vous êtes tombés dedans, impossible d'en sortir. Et ce n'est pas Another Reason To Fast qui va donner envie d'en sortir. La magie encore plus présente. Tous comme les cuivres. Qui délivrent des mélodies toutes plus belles et simples et prenantes les unes que les autres. Amenant l'auditeur à un niveau d'hypnose insoupçonné. Trust, Friends, When It Rains, rien que les trois premiers titres et c'est déjà banco gagnant. Un deuxième et dernier album qui prend une tournure plus homogène (je verrais d'ailleurs bien Enablers reprendre leur répertoire) avec un talent d'écriture hors normes montant d'un cran pour accoucher de compos qui font pigner, donnent envie de prendre le large ou partent dans des envolées aussi subtiles qu'obsédantes. Et malgré l'instrumentation toujours aussi riche, c'est avec sobriété et dénuement à l'instar de Chad où seuls un banjo et le chant de Benjamin Smoke toujours aussi déchirant sont à l'ouvrage pour un maximum de dommages. Il y a bien le guitariste qui en fait trop sur la fin de Shadow Box mais c'est le seul emportement facilement pardonné sur un album comportant d'autres moments inoubliables (au hasard, Debbey's Song ou I Don't) ayant fini de créer le mythe d'un groupe hors des modes et qui par la même occasion pourrait et devrait dans un monde parfait plaire à un large public. Il n'est jamais trop tard pour redonner ses lettres de noblesse à Smoke.
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