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No Trend Too Many Humans... LP L'Invitation Au Suicide 1984 [posté le 12 janvier 2015] Quoi de mieux pour souhaiter la bonne année - qui plus est, un début d'année légèrement mouvementée - qu'un disque intitulé Too Many Humans... Joie de recevoir, plaisir d'offrir, No Trend était une verrue dans le pied de la scène hardcore. No Trend. Aucune tendance. Ne suivre aucune mode, aucun mouvement. N'en faire qu'à sa tête, prenant à la lettre la doctrine hardcore, la poussant dans ses derniers retranchements et la recrachant à la gueule de tous ces groupes hardcore conformistes devenus tout ce contre quoi ils auraient dû lutter, les faisant se miroiter dans leur propre suffisance et leur absence de personnalité criante. Quand la majorité de la scène hardcore refusait l'alcool, les drogues ou le sexe, No Trend écrivait des titres comme Mass Sterilization Caused By Venereal Disease. No Trend ne respectait rien, se foutait allègrement de la scène hardcore/punk avec au premier rang Ian Mackaye et sa clique de Minor Threat, pour un groupe qui venait lui aussi de Washington DC, se foutait du public plus préoccupé par leur style vestimentaire, la couleur de leurs cheveux et par le fait d'appartenir à une scène. Cette scène hardcore allait rendre leur impudence au centuple en les détestant cordialement à leur tour pour un groupe largement incompris. Et qui n'a jamais rien fait pour l'être. We did not play hardcore music, but we did play hardcore shows. PIL et Flipper sont les deux influences revenant le plus souvent mais No Trend possédait un son et une approche unique. Plus haineux qu'un Big Black avec une sonorité de guitare qui n'avait pas dû laisser insensible Steve Albini, No Trend peut sans doute être considéré comme le premier groupe noise-rock. Rythmique percutante, basse en avant, son de guitare écorchant, bordélique, ou cinglant qu'on doit à Frank Price, chant puissamment acrimonieux, Too Many Humans... avait de quoi dérouter n'importe quel public en 1984. Il faut au moins avoir écouter une fois dans sa chienne de vie le chant de Jeff Mentges, leader possédant une énorme dose de charisme négatif confinant au génie selon Buck Parr (guitariste de 1985 à 1986) sur le morceau Too Many Humans quand il gueule avec une hargne sans égale Too many fucking humans/You breed like rats/And you're no fucking better. Sur ce premier album après un single très remarqué avec le morceau Teen Love (leur morceau le plus connu), No Trend accouche de titres magnifiquement dissonants, abrasifs, violents mais sans jamais jouer sur la vitesse d'exécution comme de nombreux groupes de l'époque, faussement, sadiquement traînants parfois avec toujours ce son de guitare aliénant comme sur les inquiétants et géniaux Blow Dry, Kiss Ass To Your Peer Group ou Family Style. Sur les deux derniers titres, No Trend continue de dérouter et s'ouvre des portes avec Mindless Little Insects et les sept minutes de Happiness Is..., expérimentant samples, basse dub, répétitions malsaines et folie prégnante. Et le futur sera encore plus dingue. No Trend respectait encore moins ses fans de la première heure. Soucieux de ne pas refaire à chaque fois le même disque et d'aller là où on ne les attendait franchement pas, les trois albums suivants n'auront rien à voir avec Too Many Humans... Mentgues vire pratiquement tout le monde, notamment son génial guitariste Frank Price (qui se suicide en 1989) et présente sur A Dozen Dead Roses (1985) et Tritonian Nash Vegas Polyester Complex (1987 sur Touch and Go) une musique avec des synthés, des cuivres et une approche musicale radicalement différente sinon celle d'être toujours une verrue dans le fondement de nos certitudes. Tellement différent que More, enregistré en 1987, ne sortira finalement qu'en 2001 sur Morphius Archives car personne n'en avait voulu à l'époque. On peut quand même conseiller le 10'' Heart of Darkness avec Lydia Lunch qui a compilé une partie du début discographique de No Trend sur When Death Won't Solve Your Problem (Widowspeak 1985) ou la compilation The Early Months de Teen Beat records en 1995, disques presque aussi introuvables et hors de prix que le single Teen Love. Too Many Humans... est un disque à part qui ne se retrouve dans aucun bilan, aucun album de l'année, à l'instar de Spike In Vain ou l'album Prehistory de Circle X, disque lui aussi sorti par le label havrais L'Invitation Au Suicide pour ce coté-ci de l'Atlantique, avec livret intérieur comportant des textes de Guido Ceronetti et Emil Cioran collant parfaitement à l'esprit nihiliste de No Trend. 30 ans plus tard, Too Many Humans... est toujours un putain de coup de fouet. Donc, oui, meilleurs voeux. Et la santé surtout.
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