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Mars The Complete Studio Recordings NYC 1977-1978 LP Important records 2004 [posté le 26 novembre 2012] Alors que Mark Cunningham sort sur Anomia, un label espagnol, un coffret de trois cassettes de morceaux pris dans le vif de répétitions et des versions alternatives de titres déjà connus (Rehearsal Tapes And Alt. Takes NYC 1976-1978) de Mars, j'ai préféré ressortir cette autre compilation réalisée en 2004. Car franchement, qui a envie de se taper des heures de bandes et de brouillons de morceaux au son incertain d'un groupe no-wave dont les disques officiels n'avaient déjà rien d'une partie fine pour mélomane averti et délicat. J'aime souffrir mais je connais mes limites (bien qu'en fait, je dois avouer que jeter une oreille sur ses cassettes titille ma curiosité). Alors que sur The Complete Studio Recordings, vous en avez largement assez pour faire le tour de Mars. Comme son nom l'indique, figurent sur ce vinyle les onze titres à jamais enregistrés en studio par Sumner Crane, China Burg, Nancy Arlen et Mark Cunningham. Des morceaux enregistrés dans des conditions live, sans overdubs mais en studio quand même. Sur toutes les autres compilations de Mars, vous ne trouverez toujours qu'une partie de ces morceaux studio, agrémentées de live (78 sur Widowspeak records en 1986)ou que des live plus ou moins heureux (celui sorti par Les Disques du Soleil et de l'Acier en 1993 ou plus récemment, Live At Artists Space en 2011 et Live At Irving Plaza en 2012, à chaque fois en vinyle sur Feeding Tube records et Negative Glam et toujours sous les bons soins de Mark Cunningham qui déterre ses vieilles bandes car il est comme tout le monde, il a besoin de payer ses factures). Toute la discographie de Mars se retrouve donc sur notre disque du jour. Le single 3E / 11000 Volts sorti en 1978 par le label français Rebel records, les quatre titres de la compilation No New York en 78 avec le bon vouloir de Brain Eno et les cinq titres du EP Mars sur Lust/Unlust en 1980. Mars ou la no-wave dans toute sa splendeur. Des personnes qui touchaient des instruments pour la première fois de leur vie à la première répétition du groupe (Burg et Arlen), des musiciens autodidactes (Sumner et Cunningham), un premier concert donné au CBGBs sous le nom de China avant que ça se transforme en Mars et une cacophonie libératrice au bout de 30 concerts, 11 enregistrements et à peine deux ans d'existence. La face A est la plus appréciable (soit le 45 tours et les quatre de No New York). Les morceaux les plus construits, vague cousinage avec le Velvet Underground sur 3E que Mars repeint avec des arêtes, des éclats de bruit et de l'anti-mélodie. Il est surtout impensable que Sonic Youth n'ait pas écouté ces disques, notamment sur Helen Fordsale. Mars, genèse de la marque de fabrique à venir des groupes noise-rock de la grosse pomme. Sur la face B, soit l'intégrale du Mars EP, l'abstraction, les crispations, la folie, le grand n'importe quoi et l'improvisation apparaissent et les structures disparaissent. Point de repères, pas de salut. Abstract vocalizing comme ils disent sur N.N.End, un cor ramoneur sur Scorn et, généralement parlant, l'accent mis sur les chants, des extreme vocal techniques déroutantes et un bruitage informel rapprochant plus Mars de la musique concrète que d'un semblant de rock se faisant la malle. L'intérêt de ce disque réside également dans le soin apporté par Cunningham dans les notes de l'insert. Outre un hommage sanguin de Lydia Lunch, on trouve un bref mais instructif historique du groupe ainsi que des détails sur chacun de leurs trois sorties. On apprend ainsi que le single 3E / 11000 Volts devait sortir à l'origine sur Mer, le label de Patti Smith, mais elle s'est désistée, prétextant être trop occupée à tourner avec son groupe (on appréciera le point d'interrogation ironique de Cunningham) car elle ne tournait quasi jamais à l'époque, elle s'était tout simplement dégonflée. Sur la compile No New York, Mars a résisté tant qu'ils pouvaient à Eno pour qu'il ne rajoute pas d'effets à leur son, Mars étant des puristes et voulait obtenir sur disque uniquement le son naturel sortant des amplis mais le résultat final leur a tout de même plu. Quant à l'enregistrement du Mars EP, c'était, littéralement, la toute dernière fois que les quatre Mars ont joué ensemble, en décembre 1978, avant dissolution définitive. Arto Lindsay est crédité d'executive producer alors qu'il n'a été que spectateur, produire Mars étant impossible. De l'autre coté de l'insert, chaque titre, les paroles quand il y en a et surtout la source directrice ayant servi de base à composer chaque morceau tissent un canevas intéressant pour savoir d'où venait l'inspiration de ces défricheurs. En vrac, Proust, la relation sadomaso entre un robot prisonnier et son gardien, le son des insectes, Le Journal d'un séducteur de Kirkegaard, Les Impressions d'Afrique de Raymond Roussel et autres balivernes intellos qui ne manqueront pas de faire taxer Mars de groupe arty new-yorkais. Mais près de quarante ans plus tard, les échardes électriques de Mars, groupe punk par essence, n'ont pas perdu leur force de provocation et d'irritabilité et le mouvement no-wave éphémère et insignifiant de l'époque continue d'influencer de nombreux groupes noise d'aujourd'hui. Les trois disques originaux étant introuvables à un prix décent, The Complete Studio Recordings est un disque parfait pour comprendre ce petit bout d'histoire.
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