Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp
Vendredi 8 juillet 2011
La Bascule - Rennes

Ecrire ce compte-rendu de concert alors qu'il pleut des hallebardes, pratiquement un mois jour pour jour où ce 8 juillet, il tombait déjà un intense crachin bien breton, est un clin d'oeil dont on se serait bien passer. Parce que, je vous le rappelle, c'est de l'été dont on parle et que dans la grande ordonnance de Mère Nature, c'est pas comme ça que le film devrait se dérouler. De là à penser que, désormais, à chaque jour de pluie estivale, on aura une pensée pour l'Orchestre Tout Puissant, ça serait une gageure vu le rayon de soleil que ce groupe représente.
C'est donc trempé que j'arrive à La Bascule. Et c'est trempé que je repartirais. Mais pas de la même façon. De cette bonne vielle sueur, cette sainte et dégoulinante transpiration faisant coller les bonbons au papier, quand une soixantaine de personnes s'entassent dans un lieu fermé et sans aération comme La Bascule et que tout le monde danse, s'enlace, trépigne de bonheur et lève d'extase les bras au détriment de toutes considérations olfactives pour ses voisins.
L'Orchestre est imposant. Passe encore le guitariste, très Exien dans sa façon de bouger sur place et son pantalon tombant à mi-mollet. Pour Wilf Plum et sa batterie iconoclaste coincée dans le fond, ça passe aussi, tout comme la chanteuse sauf quand elle sort le violon et qu'elle rajoute de petits instruments percussifs à sa palette déjà large. Le trombone n'est pas en soi un instrument qui prend de la place mais quand il déploie la coulisse à fond, il chatouille les narines du premier rang. Le contrebassiste oeuvre dans la catégorie au-dessus, trouvant un espace entre le guitariste et le batteur mais c'est le marimba qui remporte la palme. Un auguste instrument de je ne sais pas combien de mètre de long, avec double rangée de lames en bois, qui se voit très bien mais qui hélas, ne s'entend pas suffisamment dans la configuration sonore du lieu.
Qu'importe, il y a suffisamment de souffle là-dedans pour tout emporter sur son passage. L'album était déjà un mets de choix mais la représentation scénique, c'est un cran au-dessus. Dans l'intensité, dans la chaleur (au propre comme au figuré), dans les sourires et les regards échangés ou gravitant loin au-delà, dans la voix et la présence de la chanteuse Liz Moscarola, dans les morceaux très proche de leur version sur disque mais semblant gagner en épaisseur et en force, L'Orchestre Tout Puissant décolle et vous fait oublier toutes les pesanteurs terrestres. J'en ai même littéralement des frissons sur Going Home (si je me rappelle bien) qui faisait suite à un morceau beaucoup plus calme et tout aussi prenant (Aka, là encore si la mémoire est bonne). Going Home, un titre qui va crescendo et c'est carrément l'extase.
Le public est bien chauffé, ça vanne (la chanteuse s'exclame même dans un grand sourire qu'on sait jamais foutu de leur gueule comme ça, répondant vingt ans plus tard au You're not a shy audience de Marion Coutts), mais c'est parce qu'on les adore, notamment de la part d'une personne juste à ma gauche dont je tairais le nom et qui déclare, tout en nage, aussi dégoûté qu'extasié, qu'il a devant lui la musique qu'il tente de faire depuis vingt ans. Ca mérite bien une tournée, patron.
Pour le rappel, le groupe se retrouve dans le public, Wilf Plum avec la housse de son tom-basse, la chanteuse restant seule avec la contrebasse et un archer, pour un morceau qu'on qualifiera d'impro-transe, si jamais ce genre de conneries signifie quelquechose, avant de revenir chacun à leur place et nous achever avec deux ou trois autres morceaux, toujours aussi dansants que poignants.
Après la claque de Big'n en mai dernier, je ne pensais pas être secouer de sitôt par un autre concert. L'Orchestre Tout Puissant l'a fait et eux, on est sûr de ne pas devoir attendre l'éternité pour les revoir un jour.

L'après concert se poursuit autour de discussions avec les membres du groupe, surtout avec Wilf Plum, évoquant les souvenirs de guerre et ce fameux concert de Dog Faced Hermans en 1994 à Rennes où il me rappelle que c'est le seul concert que son père, vivant alors dans les Cotes d'Armor, a vu de DFH. J'en profite pour lui demander des nouvelles des autres membres de DFH et elles sont bien tristes, ce qui coupe court (pour l'instant ?) à toute idée de reformation, terme très à la mode ces dernières années, de Dog Faced Hermans alors que lui est apparemment plus que partant.
Mais le présent est bien ailleurs, il appartient à L' Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp. Alors si ils passent près de chez vous, un seul mot d'ordre : foncez !!

SKX (05/08/2011)