Nicoffeine
Jeudi 8 mars 2012

L'élaboratoire - Rennes

L'élaboratoire, collectif socio-artistique autogéré, dixit la voix officielle, vous invite à une soirée où l'Art avec un grand A se démultiplie pour satisfaire vos sens. Le vernissage d'une exposition d'artistes issus du courant et de l'édition DIY avec des affiches de Craoman, Lilas, Mattt Konture, Arrache Toi Un Oeil, Madame Lapin, Alkbazz Garagel et Tom Reck. Du cinéma avec la projection du documentaire Etats des lieux, de Yann Debailleux, sur les scènes émergentes et confirmées du paysage musical français et des lieux qui les accueillent, dixit toujours la brochure. Et de la musique bien sûr, avec trois groupes : Bonne Humeur Provisoire, Nicoffeine et Amour. Dans cet ordre et ça a de l'importance. Car le squat de L'élaboratoire est connu pour sa discipline de fer et ses concerts à l'heure.
Nous arrivons donc le plus tard possible, soit une bonne heure et demie après l'annonce de l'ouverture des hostilités. Mais c'est encore trop tôt. Bien trop tôt. Le problème des sympathiques habitants gérant L'élaboratoire, c'est qu'ils font des concerts pour les personnes se levant à 17h. D'où un certain décalage. Comprenant que les concerts ne vont pas commencer tout de suite (il est dans les 21h30), on repart de L'élaboratoire situé à la plaine de Baud, exquis lieu dans l'est de Rennes, coincé entre une friche industrielle, la ligne de chemin de fer et la Vilaine, endroit voué à disparaître très bientôt pour construire de beaux immeubles tout neufs et chasser les rats. L'hygiène. C'est important l'hygiène.

Marche arrière vers le (presque) centre-ville dans un bar où je n'ai pas mis les pieds depuis au moins dix ans, Le Synthi, découvrir que le nouveau patron est une tête pas vue depuis autant d'années, que ce n'est pas l'époque de la prohibition tabagique partout, participer à un quizz sur la Bretagne pour une soirée prenant la gueule de la soirée improbable.
Retour à L'élaboratoire. Il est 11h30. C'est malin, on va être en retard maintenant. Sauf que, sauf que, le film vient à peine de se terminer et pas un son ne sort de la salle de concert située en sous-sol. Le temps de jeter un œil sur l'expo, de ruminer, de ronger son frein, de voir Amour et Nicoffeine négocier leur ordre de passage, tout ce petit monde ayant compris qu'il n'est pas couché et personne ne veut faire la dinde en jouant en troisième position. A l'aube. Finalement, rien ne change, Nicoffeine joue en deuxième. On respire, vu qu'on est venu spécialement pour eux et un lever de soleil sur la plaine de Baud, ça ne me tente pas plus que ça.
Mais les concerts n'ont toujours pas commencé, il est pas loin de minuit, on se gèle les couilles et alors qu'on est prêt à se casser, dépité, Bonne Humeur Provisoire transforme la mauvaise humeur ambiante en un magma ressemblant à du son. Pas suffisamment alléchant pour slamer au premier rang mais assez pour se réchauffer au bar.
Nicoffeine s'installe, il doit être dans les une heure du mat' bien tassé. On retrouve le sourire avec un DJ qui balance le Kerosene de Big Black. Le parpaing, que dis-je le roc Nicoffeine va pouvoir s'abattre et vous fracasser les tympans. Leur quatrième album était déjà un monument stalinien indéboulonnable. Version live, c'est un massacre organisé. Guitare, basse, batterie, des amplis énormes et des pédales d'effets à foison. Dès que le bassiste frôle une corde, c'est un arbre qu'on abat. Le guitariste gros comme une cacahuète se venge de la nature en infligeant moults sévices à son instrument, sautant sur ses pédales et hurlant dans un micro mais en vain. Et que dire du batteur, costaud comme dix guitaristes de Nicoffeine. Un cou de boucher, une frappe de bûcheron. On prie pour que la batterie tienne. Un jeu de brute mais qui, comme sur l'album, est capable d'acrobaties incroyables sans rien perdre de sa force de pénétration des peaux. Ca fait un quart d'heure que le déluge dégringole. Je me retourne. Les trois-quarts de la salle ressemblant plus à un sous-sol se sont vidés. Le punk a le tympan fragile. Les miens, juste en dessous de l'enceinte droite, sont ravagés, piétinés mais je m'en tape. J'ai pas attendu tout ce temps pour faire ma pleureuse. Je ne reconnais rien de Lighthealer Stalking Flashplayer mais visuellement, c'est épatant.
Pas de photos mais une vidéo de leur concert le lendemain à La Miroiterie à Paris se trouve ici. Même avec les baffes à fond, on n'arrive pas à la moitié du quart de la sensation physique d'un concert des Allemands de Nicoffeine. Mais c'est toujours ça de pris.
Alors après ça, l'Amour peut bien aller se coucher. Dommage, je serais bien resté voir ça avec du Singe Blanc dedans mais désolé, yen a qu'on un travail ici.

SKX (21/03/2012)