Trois
jours dans ton cul.
The Phantom Limbs - Neptune - Lightning Bolt - Oxes
14 - 15 - 16 octobre 2004
Rennes- Paris - Poitiers
Le titre
de cette chronique est certes un peu rude mais s'il a tout d'une
private joke, il peut également servir de métaphore inopinée
pour résumer
l'ensemble de ces trois jours consacrés au bon vieux rock'n'roll,
qui, une fois
de plus, à prouver qu'il était encore loin d'être
mort.
C'est dans l'antre dédié aux Ramones (paix à leurs
âmes et leurs idéaux
politiques) qu'est le Mondo Bizarro que débute notre odyssée.
Neptune et the
Phantom Limbs. Une belle affiche de rentrée pour l'asso K-Fuel
après n'avoir
rien branlé pendant des mois (héhé). Chez K-Fuel,
c'est comme pendant les
soldes, les premiers arrivés sont les premiers servis. C'est donc
Neptune qui
débute les hostilités. Sur scène, c'est Emmaüs
qui régale. Un débarras de
ferrailles, de bidons et autres trucs rouillés, tout ce qui se
tape dessus est
bon pour notre groupe de Boston. Vous rajoutez une guitare et une basse
sculptées dans le plus lourd métal et vous obtenez un ensemble
visuel du plus
bel effet. Ce concert s'annonçait très rythmique. On n'a
pas été déçu. Le
percussionniste tourne le dos au public, cogne son bidon vert, consomme
trois
baguettes de batterie à la minute et, dans son pantalon de Tintin,
est
l'élément le plus remuant. Le bassiste, malgré ses
frêles épaules, a pas mal la
bougeotte aussi et porte sa basse comme si c'était un roseau (et
pour l'avoir
tester après (sa basse, pas lui), elle est vraiment lourde). Masques
à gaz pour
lui et le batteur dans lesquels ils ont incorporé des micros pour
des chants
trafiqués rajoutant une dimension industrielle particulièrement
appréciable. Seul le guitariste-chanteur-sculpteur, membre fondateur
et le seul
d'origine de la formation actuelle, a le regard plus lointain. C'est lui
qui
apporte la mélodie, le phare au milieu de la tempête. Ça
kling et ça klong, ça
crisse des cordes et des dents. C'est violent et en même temps aérien
et
subtil. Contrairement à leurs disques où un certain déficit
de son et de
puissance nuit à une totale adhésion, leur concert rétablit
la donne. Un public
tout acquis à leur cause et qui en redemande. Pas facile d'enchaîner
pour le
groupe suivant.
Heureusement,
quand on possède un chanteur à grosse présence, ça
amortit la
casse. Comme tous les groupes de Alternative Tentacles, The Phantom Limbs
a une
réputation scénique sulfureuse reposant en l'occurrence
uniquement sur les
épaules de son chanteur, Hopeless (quel beau pseudo). C'est peut-être
lié au
manque d'espace sur la scène mais les quatre autres membres du
groupe sont
très statiques et archi-concentrés sur leurs instruments.
Mais quand on a un
tel guignol en figure de proue, il est tentant de suer le moins possible.
Notre
David Yow d'un soir a donc assuré le show. Musicalement, on change
carrément
de registre. Punk-rock/death-rock à grand renfort de synthés
qui en a font fuir
plus d'un. Leurs morceaux possèdent pourtant une putain d'énergie.
Ils ne sont pas
hélas tous tubuesques et sur la longueur, ça fatigue quelque
peu. Mais il est
tellement rare d'avoir un oiseau comme Hopeless sous les yeux qu'on oublie
la
musique. Les yeux maquillés de noir, des grandes dents blanches
dans son
sourire torve, un fauve prêt à provoquer le public - ce qu'il
ne manquera pas
de faire en se jetant sur quelques proies faciles (genre ma pauvre pomme)
et encore j'ai
pas eu son coude dans les gencives - il monopolise les regards, se balance
aux
spotlights et finit à moitié à poil. Danse névrotique
dans un corps maigrelet.
Rien que pour lui, il fallait voir The Phantom Limbs.
Vendredi
15. Première fatigue mais la grosse patate. Les tant attendus
Lightning Bolt enfin. Accompagné d'un duo de choc que je nommerais
pas (je
voudrais pas avoir la honte), c'est direct sur la capitale que notre Kangoo-rou
fonce tant bien que mal. La France entière et tout le gratin de
la vie musicale
s'étaient donnés rendez-vous au Point Ephémère.
Une nouvelle salle près de la
place Stalingrad dans le 10ème. Ouverture deux jours auparavant
pour une soirée
electro. Le rock allait essuyer les plâtres. Salle archi blindée
de monde. Une
affiche programmée par les Instants Chavirées. Ça
refoule à l'entrée. Parait-il
que Sonic Youth et Shellac n'arrêtent pas de parler de Lightning
Bolt. Ceci
expliquerait cela... Etonnant en tout cas de la part d'un groupe ne
bénéficiant d'aucune promo et distribution en France, à
part dans quelques
web/fanzines et distro DIY et qui ne pratique pas une musique facile d'accès.
C'est pas les Hives non plus, ils ne font rien à la mode notre
duo de
Providence mais apparemment le bouche à oreille fonctionne à
merveille et c'est
leur toute première venue en Europe (excepté une incursion
en Angleterre mais
est-ce vraiment l'Europe) après des années d'attente d'un
bon noyau dur de
fans.
Comme hier
à Rennes, c'est Neptune qui ouvre le bal. C'est dans la lignée
de la
veille, en un poil plus sage. Il faut dire qu'il n'est jamais conseillé
d'aller
voir un groupe qui vient de passer à Rennes, les héros fatiguent....
Excellent
concert, toujours aussi classe.
Suit Sightings. Un groupe de Load records comme Lightning Bolt. J'avoue
ne pas
trop savoir à quoi m'attendre. Et j'ai adoré. Ça
ma permit de bien tester la
bière du bar et de papoter avec des potes pas vus depuis longtemps.
Pour info,
c'est un trio qui pratique une musique assez bruitiste et expérimentale.
Ça
tourne en boucle pour ne pas dire en rond. Lobotomisant.
Et puis d'un
coup, vous vous retournez et vous voyez plein de monde sur scène.
Bigre, pour un groupe qui s'annonce comme un duo, ça fait bien
du monde à
jouer. Mais les retords, ils ont profité du concert de Sightings
pour
s'installer en douce dans un coin de la salle. Fidèle à
leur légende, Lightning
Bolt abandonne les planches pour suer au milieu du public. Je me faufile
tant
bien que mal sur scène. Et là, miracle, la guitare et l'ampli
du groupe
précédent sont restés traîner dans un coin.
Le fantasme de ma vie. Je regarde
autour de moi et je fonce. Je branche vite fait et égrène
les 1ères notes de Sunday Bloody Sunday. Toute la salle
se retourne vers moi, elle ne comprend
plus rien la salle, je me donne comme un dieu, seul au monde sur ma scène
et là
boum, ya le videur qui me réveille. Heureusement, je trouve une
faille dans le
filet humain et en me contorsionnant, j'arrive à voir une marée
de têtes (le
public), le haut d'une basse et sa chevelure blonde (Brian Gibson, le
bassiste)
et une crête orange sur un crâne vert (Brian Chippendale,
le batteur).
L'ampli
est énorme. Le son de sa basse le lui rend bien. Le Brian est super
statique.
Vu son jeu de virtuose et ses multiples effets à gérer,
c'est normal. Mais le
contraste entre d'un coté, le public qui n'arrête pas de
vaciller, de
l'approcher, le frôler et lui de l'autre, tranquille et imperturbable,
genre
Charles Bronson dans Il était une fois dans l'ouest, est
saisissant.
Les bouts de baguette du batteur volent à tout va. Son masque de
poulet ne dure
pas longtemps sous l'effet de serre du lieu. Il tente de repousser le
public. Il monte sur son tabouret, harangue la foule d'un fuck Bush,
fuck
Bush. Succès assuré. Il n'est que sueur et éponge.
Ça grimpe de partout pour tenter
d'apercevoir quelquechose. Voir cet effet de vague d'une centaine de personnes
aller de gauche à droite, tenter de rester debout et repartir sur
l'arrière est
impressionnant. Je tente une infiltration sur la gauche, me heurte à
un mur.
C'est assez frustrant et en même temps unique de voir le lien que
Lightning
Bolt a su tisser avec son public. Un truc où l'audience et le groupe
ne font
plus qu'un. Un amas de bruit et de chair. Une communion qui augmentera
au fur
et à mesure que vous réduirez la distance avec le groupe.
Ça tangue
dangereusement mais tout se passe bien (à chaque fois ?). Ne cherchez
pas
l'émotion dans un concert de Lightning Bolt. C'est purement physique.
Une
sensation de transe qui vous envahit. Comme une rave noise où tout
n'est que
rythme. Une énorme machine à se cogner la tête. Je
suis persuadé que Lightning
Bolt reste encore meilleur dans un endroit plus restreint, la communion
n'étant
que plus belle et générale. Une expérience à
vivre quand même. Plus loin, la
nuit et son corollaire
Qui nous emmène directement au lendemain midi. Le périple
continue, direction
Poitiers et son Futuroscope. La Baraton, c'est le nom de ce festival initié
par
le Confort Moderne. La devise : un bar = un concert. En tout, une douzaine
de
gargottes, à toutes heures et gratuitement, qui ouvrent leurs portes
à des groupes
d'horizons très divers. Ya pas à dire, la Barathon, c'est
mieux que le Téléthon.
L'objet de notre visite se nomme Oxes. Nat, un des deux gratteux, marié
et
installé en Italie depuis peu, de fortes rumeurs circulaient comme
quoi c'était la tournée d'adieu. Que nenni ! Ils se sont
bien posés la question mais ont décidé de continuer
l'aventure par Atlantique interposé. Prochaine étape : un
nouvel album au printemps prochain.
Les échos du concert de la veille à Nantes sont dithyrambiques
: très très
grosse ambiance, public en folie et Oxes en Monsieur Loyal. La populace
présente au Cluricaume, bar rock de Poitiers, rappelle furieusement
l'ambiance
de la veille pour Lightning Bolt. Rang hyper serré. Genre 10000
personnes dans
une cabine téléphonique. L'endroit est tout petit, la "scène"
offre à peine
de quoi caser les trois membres du groupe. Ça va être chaud.
Et ce fut chaud.
Les jeunes pogotent au moindre riff de guitare. Contrairement à
la veille, j'ai
pu m'infiltrer au tout premier rang. Je m'en prends plein les tibias.
C'est
cool. Entendre Oxes, anciens et nouveaux titres, ne peut que me réjouir,
le
reste, je m'en tape. Un grand sourire reste scotché béatement
sur ma tronche.
Nat grimpe régulièrement sur un pauvre piano noir. L'autre
guitariste a lui sa
fameuse caisse noire pour prendre de la hauteur. Fidèles à
leurs habitudes, ils
essayent de s'aventurer dans le public avec leurs guitares sans fil mais
la
population est tellement dense au centimètre carré qu'ils
se découragent assez
vite. Le batteur laisse vite fait tombé la chemise et (hélas)
le pantalon.
Très beau slip kangourou ma foi. Les jeunes filles du premier rang
détournent
le regard. Ce n'est sans doute pas le meilleur concert de Oxes que j'ai
vu. Les
conditions n'avaient rien d'idéal. Mais avec leurs compos toujours
aussi
efficaces, le reste n'est que secondaire. Un bocal à tête
de mort plus tard,
alors que tout le gratin poitevin va se finir au Confort Moderne, la nuit
se
finit en comité réduit. Le triangle des Bermudes Rennes-Paris-Poitiers-Rennes
se referme. Nous n'avons pas disparus dans les affres du rock'n'roll.
Ze show
peut continuer.
SKX (20/10/2004)
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[des
photos de grande qualité]
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Perte & Fracas
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