L'Orchestre
Tout Puissant Marcel Duchamp
Jean-Louis
Mein Sohn William & Seine Schwester
Vitas Guerulaïtis
Rünn
Samedi 3 mars 2012
Le Jardin Moderne - Rennes
orga. : Interzones
Musiqu'Alambic,
les bougres de l'asso Interzones savent s'y prendre pour attirer la foule
qui va généreusement répondre présente en
ce samedi soir, le rock et l'alcool étant toujours les deux mamelles
de la patrie désuvrée. Musiqu'Alambic, nom de la première
édition de ce festival consacré aux musiques expérimentales,
improvisées et avant-gardistes et où il y a à
boire, à boire et encore à boire.
Ca coulait tellement à flot, que Rünn,
groupe d'ouverture de la soirée, a sauté, suivant une règle
bien établie : groupe avec Magma dedans mentionné égale
apéro prolongé. L'affiche annonçait également
power Zeuhl pour ce nouveau groupe rennais. Les premiers commentaires
de ceux qui n'avaient pas suivis cette règle fondamentale confirment.
On peut donc passer tranquillement à Vitas
Guerulaïtis. Enchaînement coup droit et bière servie
de volée au comptoir, me voilà au filet, devant le trio
franco-belge. Superbe chapeau feutre pour le guitariste-chanteur, superbes
dreadlocks pour le batteur et superbe tenue à losange pour la chanteuse-claviériste.
Je me masse les cervicales pour éviter tous risques de torticolis
en suivant le match débridé qui se prépare, concentration
maximale pour ne rien rater vu que sur disque,
je n'avais pas tout compris mais j'étais resté jusqu'à
la fin et j'avais même remis ça plusieurs fois. Et puis là,
en fait, non. Je m'attendais à des débordements, des courses
poursuites, des salto-arrières, des points à l'envers, bref,
quelquechose de plus dingue alors que c'est finalement assez direct, malgré
des passages dadaïstes, le jeu de scène est sobre, malgré
l'engagement vocale sans faille, la richesse et la folie du disque n'étant
certainement pas chose aisée à reproduire sur scène.
Ca n'empêche pas de prendre du plaisir, de rester là encore
jusqu'à la fin tout en restant sur sa faim.
Retour à la voiture pour prendre de l'essence et Mein
Sohn William et sa sur (ressemblant étrangement à
un violoniste et un saxophoniste uniquement sur deux, trois titres), dans
un timing serré, entame le troisième set. Le temps de s'apercevoir
qu'il y a des têtes pas croisées depuis un moment gravitant
dans les parages et l'artiste le plus en sueur de la scène rennaise
passe au second plan. Son énergie débordante d'homme orchestre
du troisième millénaire ne m'a jamais vraiment touché
même si, quand je reprends mes esprits sur les derniers morceaux,
son enthousiasme et sa transpiration font plaisir à voir.
J'en connais plein des Jean-Louis mais ce Jean-Louis
là, malgré avoir vu ce nom plusieurs fois sur des affiches,
était totalement inconnu. Je ne sais donc pas du tout à
quoi m'attendre, l'affiche parle de jazz-punk survitaminé, le genre
de truc à te jeter dans la Vilaine alors je ne préfère
rien penser, ce qui m'est très facile, surtout après minuit
et deux limonades. C'est donc le coeur aussi frais que l'haleine que je
prends position devant ce trio trompette, contrebasse électrifiée
et batterie, position que je ne quitterais pas jusqu'à la dernière
note jouée. La Vilaine attendra. Plutôt bon signe, non ?!
Bizarrement, je n'ai plus de souvenirs précis de ce concert sauf
celui d'avoir été enveloppé dans une aura post-rock-jazz,
d'avoir été bercé par les magnifiques complaintes
de la trompette, secoué par les rythmes de la paire batterie-contrebasse,
cette dernière jouée aussi bien avec les doigts qu'avec
un archet. Des longs morceaux avec pleins de pérégrinations
dedans, de tensions et de frottements entre deux passages en apesanteur.
Laissant une part à l'improvisation, leurs concerts ne sont apparemment
toujours du même acabit. En cette soirée d'alambic, il semble
que le cru réservé soit très bon.
Mais le haut de la cuve, le grand millésime de la soirée
s'appelle incontestablement L'Orchestre
Tout Puissant Marcel Duchamp. Le souvenir de leur dernier passage
à La Bascule en juillet dernier est encore très vivace.
Voir cette fois-ci L'Orchestre international sur une vraie grande scène
est un plaisir qui ne se refuse pas. La troupe et notamment le marimba
ont toute la place de s'épanouir. Et si la peur de ne pas assister
à la même claque subsiste au début du concert, elle
est rapidement balayée. De la première à la dernière
seconde, la magie opère sans discontinuer. Sans tour de chauffe,
sans temps mort. Les effluves Dog Faced Hermans (pour ceux qui ne seraient
pas encore au courant, c'est le même batteur, Wilf, avec quinze
années de différence) et The Ex parfument la salle d'un
vent de béatitude. A la sauce Orchestre Tout Puissant, ça
devient une transe dansante, trépignante et poétique, de
grands moments où on reste en apesanteur et qui ne peuvent être
imputé qu'à la seule force du houblon. Quinze jours plus
tard, les sensations se bousculent dans la tête et les images s'estompent
mais le sentiment de satisfaction est toujours immense. Comme à
la Bascule, le rappel se finit dans le public. Seule la chanteuse reste
sur scène pour quelques notes obsédantes de contrebasse
pendant que les cinq autres membres se plongent dans la masse pour chants
a cappella et hand-clappings. Tant de bonheur, c'est pas permis, surtout
après la tournée d'alambic offert par le patron de la soirée.
SKX (16/03/2012)
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