Hawks + Café Flesh + ChooChooShoeShoot
Vendredi 7 septembre 2012
Mondo Bizarro, Rennes
orga. : KFuel

Les oreilles sont encore bourdonnantes de la veille quand les pieds pénètrent comme un seul homme dans le Mondo Bizarro et son affiche de feu. Les Américains d'Atlanta de Hawks, les Jarnacais de Café Flesh et les Nantais de ChooChooShoeShoot. Soit trois groupes avec trois récents albums parmi les plus marquants de ce début d'année, chacun célébrant à sa façon le noise-rock et ses multiples turpitudes et affiliations. Le timing est serré, le concert commence pour une fois à l'heure alors que l'espace devant la scène est loin d'être bouché. Mais la salle se remplira confortablement au fil de la soirée.
ChooChooShoeShoot directement dans le vif du sujet. Talons hauts pour mieux dominer son sujet, la chanteuse magnétise le public dans une représentation tout en retenue, tranchant avec les trois autres ChooChoo de ses dames, qui ne sont certes pas du genre à sauter dans tous les recoins de la pièce, mais dégageant suffisamment de chaleur de leurs instruments (deux guitares et une batterie) pour amener la folie rock'n'roll nécessaire à notre bien-être intérieur. Playland défile, chaque tour de piste supplémentaire faite monter le bonheur d'un cran, chaque titre claque plus que le précédent, l'exécution est parfaite, la chanteuse descend de la scène pour combler l'espace avec le premier rang, la machine infernale est lancée, nous renvoyant au concert de Buildings de la veille. Noise-rock de haute volée, trop court hélas mais il est toujours bon de générer de la frustration pour donner envie de revenir.

Café Flesh aura mis du temps à venir jouer à Rennes. Ou alors c'est moi qui aie mis du temps à les voir. Je m'étais toujours débrouillé pour les rater mais là, la rencontre est inévitable et je ne vais pas le regretter. Café Flesh était en tournée française d'une semaine avec Hawks. Un van et des mauvaises odeurs partagés après un split, ça vous forge une amitié. Ou pas (non, je ne donnerais pas de noms). Le Jarnacais étant un homme de terrain et d'action, l'abrasion est immédiate. Les planches du Mondo sont secouées par leur bourrée rock'n'roll et noise. Il n' y pas que sur disque que ça suinte. Les quatre Café Flesh sont rapidement en sueur. Le saxo baryton brille de mille feux, le chanteur alternant avec force et courage entre son micro recouvert de postillons vengeurs et son instrument étincelant. Il faut du coffre et de la présence et Thomas Beaudelin a tout ça. Le bassiste a aussi tout ce qu'il faut et la hauteur de son ampli le lui rend bien. Café Flesh vit intensément sa musique, ça se voit sur les visages qui se crispent sous l'effort et la tension, le premier rang s'est rapproché de la scène, la chaleur est montée d'un gros cran. Un concert qui aurait mérité d'être un poil plus court mais ils ont tout donné et chez eux, les poils, yen a plus un de sec.

Pour Hawks, l'espace avec la scène est inexistant. Le chanteur se colle sur le devant. C'est imminent, ça se frotte, ça chauffe, c'est bouillonnant. Ca fait trois albums incontournables que Hawks nous colle dans la tronche alors la touche finale, la fessée, l'apothéose, le feu d'artifice, la consécration, on compte bien l'avoir sur scène. Et on l'aura. Pas spécialement dans le jeu de scène d'un groupe qui n'est pas d'un charisme extraordinaire. Non, là où Hawks est le plus fort, ce sont dans les compositions vous explosant littéralement à la tronche quand elles sont dégoupillées sur scène. Une ampleur, une grandeur insoupçonnable. Ce n'est pas de la mitraille qui bave partout. Ca claque, c'est tranchant, le guitare-basse-batterie est d'un nickel scintillant, pas d'effets, pas de saturations inutiles, pas d'embrouilles et c'est un putain de gros bonheur. Les disques flottent déjà à une belle hauteur mais sur scène, c'est encore la classe au-dessus. Le chanteur reste tout de même la figure de proue. Je le voyais comme un gros bâtard à la David Yow, un fou furieux sautant à la gorge du public. Mike Keenan reste relativement statique, ne se répand pas partout sur scène mais son aura est certaine. Sa coupe de cheveux est d'un autre siècle, il laisse tomber le t-shirt pour révéler d'improbables tatouages et son gras du bide. Il est là, bien pesant, bien présent sur le devant, donne l'impression de vouloir attraper les rails fixés au plafond pour s'y balancer mais reste accrocher à son micro, mime des choses que la morale réprouve avec son index et un trou formé avec son autre main et a quelquechose dans le regard qui le rend quand même un peu dingue. Ya du rappel, de l'agité au premier rang mais rien de méchant, c'est juste l'effet Hawks, un effet qu'on ne peut réfréner devant un telle maestria. Trois concerts, trois balles en plein milieu de la cible. C'est ce que j'appelle une belle soirée.

SKX (20/09/2012)



Toutes les photos de la soirée sont ici et ici.