Fordamage
+ Enablers + Picore
Samedi
19 mai 2012
La Bascule, Rennes
Retour tardif
sur ce concert d'il y a trois semaines mais retour quand même parce
que ce concert était triplement bien. Il faisait beau, il faisait
chaud, la France entière faisait le pont, les Rennais partaient
à la plage, les barbecues flambaient, les femmes étaient
à moitié nues et le reste était lumière. Tatata.
Cette affiche fait d'autant plus plaisir qu'elle n'aurait jamais dû
avoir lieu. Enfin si, mais pas à Rennes. Une tournée commune
de 10 dates en France (dont deux en Espagne mais c'est pareil) étrangement
appelé le Conga Tour 2012 - sans doute parce que ça
allait secouer sévère - regroupant les Espagnols de Picore,
les Français de Fordamage et les Américains de Enablers.
La dernière date devait se faire à Laval. Mais on sait bien
que la Mayenne est chienne et pour une sombre annulation de salle de dernière
minute, le malheur des lavallois a fait le bonheur des rennais.
J'entre dans La Bascule. La programmation au taquet n'empêche pas
le café d'être blindé et quand vous remplissez l'équation
chaleur + foule + bascule, le résultat = corps moites. Mon tout
sans bouger. Dans ce décor, les Espagnols de Picore évoluent
à leur aise. Je les avais vu au Mondo Bizarro, il y a de ça
deux, trois ans, toujours avec Fordamage. L'impression avait été
très bonne et depuis, ils ont surtout réalisé un
remarquable album.
Il me tarde de voir ça sur scène. Les quatre de Saragosse
vont se montrer à la hauteur de l'attente. Le chanteur arborant
une magnifique barbe à l'air particulièrement en forme,
son verre de rhum maison soigneusement à portée de main
et dansant comme un vrai matador. Le coup de rein est altier, les pas
de danse sont souverains et le déhanché est parfait, ce
qui n'est pas la moindre des gageures sur ce noise-rock qui n'a rien de
binaire ou de dansant. Si la section rythmique est irréprochable
de force et de souplesse, c'est surtout le guitariste qui mène
le bal. Des riffs ingénieux, de la recherche, du doigté,
il a le don de rendre le noise-rock de Picore bizarrement fluide alors
que tout porte à croire à la complexité. Ca vous
donne un concert où chaque morceau claque, chaque morceau donne
envie de trépigner et de cogner en même temps mais avec un
putain de sourire en travers de la tronche, des titres partagés
entre Imaginate Que Acierto et des nouveaux qui tapent aussi dur.
J'en ai particulièrement remarqué un où le batteur
était déchaîné, la compo volait dans tous les
sens et où les gars étaient limite à se taper dans
les mains à la fin, tout heureux de l'avoir passer sans se planter.
Et une tournée de rhum, une !
Enablers avait mis le feu aux planches en octobre dernier.
Un concert dingue. Les quatre de San Francisco ont réussi l'exploit
de faire encore mieux. Le chanteur Pete Simonelli est remonté comme
une pendule. Dans son habit tout en noir et sa fine veste qu'il va vite
jeter, cet homme est le charisme personnifié, respire la classe
et le danger. Un félin bondissant subitement, le regard noir, la
voix chargée de ressentiment, il est ce soir complètement
habité par ses paroles. Le groupe derrière lui emboîte
sa folie, Kevin Thomson, un des deux guitaristes (le binoclard) monte
d'un cran également dans l'intensité, les morceaux des disques
sont explosés, comme la tête d'ampli de Joe Goldring, l'autre
guitariste, tombant d'un coup sur un sol subissant trop de trépidations.
Un arrêt net en plein morceau qui était en train de prendre
son envol, c'est ce qu'on appelle un très beau coït interruptus.
Tout le monde tire la tronche, surtout le guitariste de Picore puisque
c'est sa tête d'ampli. Heureusement, plus de peur que de mal comme
disait ma grand-mère, la tête est remontée, revissée,
le concert repart, juste un peu moins fort, un peu refroidi. Le temps
de finir le morceau court-circuité, d'enchaîner sur un autre
plus long et tranquille, de se dire que le groupe a jeté tout son
feu, que c'est fini, de maudire cette tête d'ampli et comme par
miracle, l'adrénaline repart. Enablers recolle les morceaux, fini
dans le rouge, exténué, en sueur, heureux. Le jour où
ils sortiront un album capable de reproduire ce genre de concert, que
leur (noise) rock classieux et tout en retenue en foutra de partout sur
disque et ne cherchera plus à arrondir les angles, à retenir
le bouillonnement qui est en eux, ça sera l'album de l'année.
Forcément, la tâche n'est pas aisée pour Fordamage
de prendre la suite. Ou alors c'est juste moi qui éprouve des difficultés
à replonger dans la furie noise-rock des nantais après une
telle débauche d'intensité. Quand j'entre à nouveau
au bout de deux morceaux de Fordamage, La Bascule est pleine à
rabord. Le public est en masse, tous les copains qu'ils ont nombreux s'entassent
dans ce café devenu sauna. Heureusement, en homme d'expérience
et habitué des lieux, je connais une petite place, là, près
du comptoir, juste sur la gauche de la scène, idéal pour
passer commande et voir le groupe (de biais) dans un espace respirable.
Je mentirais en disant que le concert de Fordamage déchirait sa
race comme disent les jeunes, je n'arrive pas à m'accrocher au
wagon mais il y avait pourtant tout ce qu'il fallait pour faire un bon
concert. Fordamage n'a jamais lésiné sur les efforts et
les tacles aux genoux, l'énergie débordante est une seconde
peau et dans leurs mains pleines de sueur, les titres de leur dernier
album
ont de quoi achever n'importe quelle bête de somme.
La touche finale, l'apothéose du concert, ça sera, comme
souvent avec Fordamage, l'ensemble des musiciens des trois groupes de
la soirée sur scène pour un dernier titre avant la route.
C'est-à-dire, si je compte bien, douze personnes les bras levés
pour s'assurer de leur présence dans cette grosse partouze. On
ne distingue plus qui fait quoi, on ne distingue plus grand-chose, on
n'entend guère plus mais on devine le bonheur sur tous les visages
et l'euphorie communicative d'une soirée impeccable de bout en
bout. Merci Laval.
SKX (06/06/2012)
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Toutes
les photos de la soirée sont ici.
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