Big'n/Oxes/Papaye
Rennes - Le Jardin Moderne, 28 avril 2011
Paris - La Flèche d'Or, 29 avril 2011
Lyon (Oullins) - Le Clacson, 30 avril 2011

Après un week-end de Fuckfest qui a déjà sérieusement entamé le physique, après deux jours à rester glandouiller sur Paris, à faire la tournée des disquaires, faire chauffer la carte bleue, croiser une vieille connaissance qui tient le superbe magasin de disques Le Souffle Continu, levée aux aurores le mercredi matin pour faire le taxi. Repêcher trois Big'n à l'aéroport en provenance directe de Chicago et ensuite deux autres (le chanteur et Meagan, sa fiancée comme il dit en français dans le texte) à la gare d'Austerlitz après une lune de miel à Madrid. Et ces trois jours en leur compagnie vont donner un magnifique coup de fouet et de jeunesse au physique.
Retour sur Rennes dans l'après-midi, attention à la chicane, pour le premier concert de leur mini-tournée de trois dates en Europe. Trois petites dates, uniquement en France, c'est ce qu'on appelle du grand luxe et une putain de chance. Merci qui ? Merci Julien et Africantape !

Avec l'équipe de KFuel (dont le fils caché de Steve Albini), on va se charger de leur faire découvrir les charmes de la vie à la française. Terrasse au soleil, bière, beaucoup de bières, une belle volée de cinq tournées en une heure, on part sur de belles bases. Les gars de Chicago sont comme les Bretons, ils ont soifs. Ils montrent surtout qu'ils sont adorables, de vrais crèmes et ce n'est pas la moindre des choses quand on se dit qu'on va passer trois jours avec des personnes qu'on a jamais vu de sa vie ! Et la soirée va se dérouler ainsi, tranquillement, généreusement (t-shirt, disques, médiator et l'élément essentiel de tout homme moderne, le koozie au design Big'n pour garder ta bière au frais, le tout offert le coeur sur la main), où tout coule à flot, à l'ombre des platanes, même les pétanques sont de sortie mais fallait bien penser à manger, détour par la case resto et après the very very last one, si si j'te jure, c'est le dernier, faut aller se coucher, ya le décalage horaire dans les gencives.

Le grand jour. Papaye finit par arriver, Oxes aussi. Big'n qui n'a amené que guitare, basse, caisse claire et cymbales testent le matos de leurs compagnons de route. Le bassiste, qui a le malheur de tourner avec deux groupes sans basse, est tout heureux de faire face à un bel ampli généreusement pourvu, alors que le batteur décide de jouer finalement sur la batterie d'Oxes, on comprendra pourquoi plus tard pendant le concert de Papaye...

Et c'est justement Papaye qui ouvre les hostilités, comme pour les trois soirs, honneur aux jeunes. Tout le monde sur la même ligne. Papaye envoie le bois tout de suite. Franck, un des deux gratteux, montre toute sa dextérité, les doigts volent sur le manche pendant que Mric esquisse des pas de danse digne des plus belles heures du jeu à la nantaise. JB, batteur de Pneu également, est pour une fois sur la scène et on peut enfin pleinement profiter de sa frappe de mule. On s'en prend plein les yeux. Seul gros problème, sa batterie fabriquée en Albanie en 1954 ne tient pas la route et il n'arrête pas entre chaque morceau, pendant les morceaux, de réparer la pédale de sa grosse caisse, de récupérer tel truc qui se barre, de réajuster une cymbale, de rattraper ces baguettes qui volent, bref c'est un peu le show involontaire et ça nuit à l'homogénéité du concert. Ca reste néanmoins un putain de bon moment, la musique de Papaye prenant en concert une dimension encore plus rock'n'roll que sur disque.

Oxes joue en deuxième, avant Big'n. Ca sera la seule fois des trois dates et c'était une très bonne inspiration. Hormis une petite tournée en 2009 en Angleterre, six ans que Oxes n'avait pas tourné. Est-ce pour cette raison que Oxes semble rouillé ? Les deux grosses boites noires sont pourtant bien toujours présentes, instruments de scène à part entière de la panoplie Oxes, allant de paire avec les guitares Kramer en alu sans fils. Sauf que si les guitares sont bien toujours wireless, les Kramer ont disparu, laissant place à des guitares plus classiques. Mais si ça peut expliquer le son légèrement différent, ça n'explique pas que ce concert ne soit tout simplement pas bon. Tous les éléments sont là pour faire du Oxes, ça ressemble à du Oxes mais ce n'est plus Oxes. C'est un ersatz, un trio très décontracté, n'arrêtant pas de bavarder entre chaque morceau, un Oxes sans flamme, sans envie et malgré toutes leurs habituelles pitreries, la morve coulant volontairement du nez de Nat, leurs promenades dans la salle, le rock-noise instru autrefois furieux d'Oxes ne prend pas. On serait même pas loin de s'emmerder ou d'assister à une répétition avec un batteur qui tape avec la force d'un poulet, contrastant singulièrement avec la frappe de Papaye. Mais bon, tout le monde a droit à son mauvais soir. On se rassure comme on peut…

Heureusement, Big'n va montrer qui sont les patrons. Dire que l'attente est fébrile est un doux pléonasme. Il ne s'agirait pas qu'ils se ratent, depuis le temps qu'on attend ça. D'ailleurs, le groupe est nerveux, le chanteur plus spécialement, il le dit sur scène en introduction et le fait traduire par mon auguste personne pas moins nerveuse. Mais c'est Big'n, tout le monde hurle leur nom. Le show peut commencer.
Et il commence par Final Song, les petits plaisantins. Les têtes oscillent d'avant en arrière, la température monte graduellement. Le chanteur (William Akins ou Bill, c'est pareil) tend les bras vers le micro comme si il n'arrivait pas à l'attraper, le met au niveau de la taille. Le guitariste (Todd Johnson) fait le grand écart, centre de gravité extrêmement bas et inédit pour plaquer consciencieusement ces riffs d'une redoutable efficacité. Les cymbales Zildjian du batteur (Brian Wnukowski) sont elles inversement hautes, à la Jesus Lizard, effet de scène garantie. Et le bassiste (Michael Chartrand), le plus sobre des quatre, n'en reste pas moins prenant, grand gaillard qui vous assomme de ligne de basses dantesques sans effort apparent.
Ca continue avec Assholes & Elbows puis Long Pig, soient deux titres du nouveau 10'' Spare The Horses qui sera joué en intégralité (Like a killer et Seaworthy et son intro à tomber), Razorback du premier album (datant de 1994 !), Old Negro Work Song, un inédit de la compilation Dying Breed et Dying Breed justement, le morceau qui figurait sur Discipline Through Sound leur deuxième album, dans une version qui vous arrache un frisson de bonheur. Le chanteur laisse tomber la chemise, Big'n se lâche complètement et sur Trophy, le guitariste s'offre une descente dans la foule, bientôt imité par le chanteur qui préfère surfer sur la foule. On aura le droit également à du vieux tube, l'extraordinaire Mite, et surtout la prestation de la chanteuse de Choochooshoeshoot qui, n'arrêtant pas de crier le morceau Mite pour que Big'n le joue, se verra proposer par Bill le chanteur de carrément venir sur scène le jouer. Pour la petite histoire, c'est un morceau que Choochooshoeshoot reprend déjà, ils leur avaient écrit pour avoir les paroles mais de là à le chanter sur scène avec eux, il ya un pas que Caro finit par franchir. Et le résultat est franchement bon, le groupe étant agréablement étonné de la prestation de leur invitée surprise.
Bill cherche continuellement le contact avec son bassiste et surtout le guitariste, l'enlace, le défie du regard, fait mine de lui mettre une taloche. Tout ça est conté dans le désordre, je ne sais plus trop où j'en suis mais le bonheur est total. Rappel et contre-appel, le groupe donne tout, est vidé mais les sourires sont larges à la descente de scène, heureux de leur concert et ils ne sont pas les seuls.

Vendredi matin, retour à Paris mais comme chauffeur d'Oxes, par la douce nationale de nos vertes campagnes, Oxes crachant sur les autoroutes françaises trop chères. Arrivée (quasi) à l'heure tout de même et en premier, l'honneur est sauf, devant le mega van de Papaye/Big'n qui font route commune en passant par les rutilants péages.
Premiers pas dans la salle de la Flèche d'Or qui fait bonne contenance, à deux pas du cimetière du Père Lachaise. 500 personnes peuvent s'y entasser mais la soirée ne culminera qu'à un peu plus de 200. Et on s'en branle totalement car les trois groupes assurent comme des bêtes. A part Oxes bien sûr. Comme je ne voudrais pas insister lourdement, reprenez le commentaire de Rennes et vous comprendrez que le concert de la veille n'avait rien d'un accident.
Papaye heureusement continue sur sa lancée bretonne et, comble du bonheur, la batterie se refait une jeunesse avec nouvelle peau de caisse claire, de tom basse et je ne sais plus quoi encore. Bref, le même show que la veille mais avec un batteur qui file droit et des enchaînements et acrobaties instrumentales de haut vol. La classe.
Big'n joue en deuxième. Le plaisir de les revoir aussi intense, comme si on ne les avait jamais vu. Là aussi, on peut reprendre les commentaires de Rennes, surtout que si on continue à détailler, ce report va faire trois plombes et je vous sens déjà faiblir. La différence de taille, c'est que Bill a la voix totalement flinguée et sa prestation va en pâtir légèrement. On le sent gêné aux entournures, comme s'il s'en voulait de ne pouvoir se donner comme d'habitude et se met en retrait des trois musiciens qui eux, assurent le show comme jamais. Grand écart du guitariste, regard qui se concentre sur le batteur, monstrueux d'efficacité, qui n'en fait jamais un poil (de moustache) de trop, ni de Musket ni de TNT (c'est pas faute de leur avoir demandé depuis la veille mais ils ne les avaient pas répétés avant de venir en France, sauf pour TNT où là, c'est seulement le chanteur qui ne se sentait pas capable de l'assurer) et concert qui vous colle encore un sourire énorme sur la tronche.

Une fois un léger problème de porte réglée et une nuit dans un appart tout confort royalement mis à disposition, la caravane du printemps du Noise reprend la route, direction Lyon. Plus précisément Oullins, en banlieue, dans la très belle salle du Clacson. C'est l'Africantape Festival, le nec plus ultra des endroits où il faut être. Mais on va se concentrer uniquement pour le moment sur les trois groupes qui nous préoccupent depuis trois jours, aller jusqu'au bout de la logique de notre fil rouge.
Papaye joue tôt en début de soirée, en troisième si mes souvenirs sont bons, et là encore, c'est parfait. Un concert de Papaye, c'est à l'image du t-shirt arc-en-ciel du guitariste Franck, c'est un formidable concentré de bonheur et de couleurs. Pas uniquement le groupe math-rock de plus mais un pur moment de rock'n'roll, le truc qui met la banane, comme on dit vulgairement, et qui donne envie de boire encore plus. Toutes les excuses sont bonnes.

On va régler définitivement le sort d'Oxes. Ils jouent en dernier, juste après Big'n (grosse, grosse erreur). Aux personnes qui ne les avaient pas encore vus sur cette tournée, nous leur diront que c'était le meilleur concert des trois mais personne ne nous croira. Et pourtant… Nat aura la lucidité de dire au tout début de leur concert, qu'il venait d'assister au meilleur concert de sa vie et qu'ils allaient juste essayer de jouer un peu de musique. Le batteur dira la même chose le lendemain au réveil. A sa décharge, n'importe quel groupe passant ce soir là après Big'n se serait planté. A fortiori quand on s'appelle Oxes en 2011 et qu'on est loin de sa meilleure forme.

Le concert de Big'n a donc été le clou du spectacle, enfoncé bien profond dans des souvenirs qui vous nous hanter très longtemps, LE groupe du festival Africantape, l'apothéose de leur tournée, le feu d'artifice à peine croyable. Pour faire un concert inoubliable, il faut non seulement un groupe démentiel mais aussi un public à l'unisson, qui donne tout lui aussi, chacun se nourrissant de l'autre. Et ce concert de Big'n a exactement été ce moment de symbiose parfaite. Quelques minutes auparavant, Todd et Michael confiaient qu'ils redoutaient l'accueil que le public français allait leur réserver. Pas en terme de groupe mais plutôt en terme de citoyens américains, ces maudits impérialistes qui veulent dominer le monde. L'accueil pendant ces trois jours va dépasser toutes leurs espérances.
Les cordes vocales de Bill ne sont plus qu'un mince filet de cailloux rocheux. Il faut tendre l'oreille pour l'entendre, on a mal pour lui à chaque fois qu'il tente de décrocher un mot mais quelques shots de vodka juste avant d'entrer en scène, l'incroyable ferveur du public et une baguette française dans le t-shirt suffiront pour oublier ces petites misères.

Dirtfamer débute les hostilités et c'est le début de la fin. J'oublie que je suis un père de famille respectable, un fonctionnaire zélé de la République, j'ai toujours 16 ans et je me lance corps et âme dans la bataille, j'oublie tout, je fonce dans le tas, les corps vont de gauche à droite, fonce d'avant en arrière, le bras en l'air, le poing plus souvent levé qu'à tenir un gobelet de bière vide depuis longtemps, la sueur coule en abondance, tout le monde est à bloc là dedans.
Le son est monstrueux. D'où je suis, je n'entends pas franchement la voix mais à le voir se tordre et avaler son micro, j'imagine qu'il s'arrache le peu de forces vocales qu'il lui reste. Chaque morceau a encore plus d'impact que d'habitude et si vous voulez le détail de la playlist, merci de consulter cette magnifique assiette.
Ce qui reste, ce sont les images. Et elles défilent. Un chanteur, ours mal léché qui jauge, glisse, se vautre dans le public, passe plus de temps que d'habitude dans ce public déchaîné, balance sa bière (pendant que le bassiste l'offre au premier rang), fait mine de gifler ce même bassiste, cherche continuellement le contact, fait un sketch avec Julien Fernandez (boss de Africantape), l'enlace. Un guitariste qui fait également un tour sur le dessus du public mais forcément se débranche. Un batteur qui, de façon incompréhensible, se barre de son strapontin, pour faire je ne sais quoi sur le devant de la scène, on perd ces repères, tout le monde devient dingue, ça ondule dans tous les sens, j'ai la mémoire qui défaille déjà mais la dernière image est bien ancrée dans la mémoire. Ca sera celle de tout le monde. Ca commence par un bruit. Un bruit fort, régulier, je me retourne vers l'arrière de la salle, ne comprenant pas, avant de m'apercevoir que c'est le bassiste, à genoux, qui éclate sa basse sur la scène, à la fin de Dying Breed. Un éclat vole dans le public, la basse est morte. Geste d'un bassiste qui n'en peut plus, aussi vidé physiquement, émotionnellement que le signe d'un bonheur extrême. Rideau de fin.
Pour le futur de Big'n, ça dépend à qui vous demandez. Pour le chanteur, c'était le dernier concert. A jamais. Pour les autres, c'est moins clair. Tant au niveau enregistrement de nouvelles chansons que pour la scène. Ils vont laisser venir. Mais ce qui est clair, c'est que c'est trois jours ont été un pied énorme. Alors, qu'importe ce qu'il va advenir de Big'n. Merci William Akins. Merci Todd Johnson. Merci Michael Chartrand. Merci Brian Wnukowski.

SKX (06/05/2011)

Vous pouvez (re)vivre ces magnifiques moments par procuration :

Rennes > 9 vidéos du concert
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Lyon > autre vidéo compilatoire






photos du concert à Rennes ©Renper

Big'n











OXES





Papaye





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Merci Renper.