YDI

Black Dust – LP
Blood Bubble Records 1985

En ce jour d’Halloween/Samhain, j’avais envie de garnir la rubrique oldies avec un skeud qui n’est pas très connu par chez nous, et en rapport direct avec cette célébration annuelle des défunts. Et si je suis parfaitement honnête, c’était également un excellent prétexte pour réhabiliter cet album qui s’est fait pilonné durant quasiment trois décennies entières. Pilonnage aux allures de légende urbaine, car m’est avis que peu de détracteurs l’ont réellement écouté.
YDI (prononcez Why Die) était le groupe emblématique du hardcore de Philadelphie, et leur premier EP, le cultissime A Place In The Sun, sorti en 1983, est une des plus grosses tueries jamais sorties dans le genre ! Aussi énorme et haineux qu’ont pu l’être le 1er Negative Approach ou Pick Your King de Poison Idea. En 1985, les temps ont changé, une certaine uniformisation/codification s’est immiscée au sein des différentes scènes, et certains parlent alors de déclin du hardcore US. Entre les grands groupes morts (Minor Threat, Negative Approach, Misfits…), ceux qui n’allaient pas tarder à claquer (Black Flag, Dead Kennedys…), et les moins connus qui n’auront pas franchement eu le temps ou le loisir de sortir grand-chose (plein !), l’affaire semble entendue en ce milieu des années 80. En réalité, il y a un autre facteur, la popularisation du metal chez les tondus depuis, à la louche, 83/84. Le Thrash (Slayer, Exodus, Metallica…) et le Hair/Glam Metal battent leur plein à cette époque. L’inclusion d’influences thrash-metal dans le hardcore punk US donnera parfois d’excellentes choses comme les premiers Suicidal Tendencies, DRI, Cryptic Slaughter, Accüsed, c’est ce qu’on appellera le Crossover, soit pour parler en langage béotien, un mix des deux, la fureur du hardcore appuyée par un riffing thrash. Certains autres malheureusement voueront un culte plus que malsain au heavy-metal en collants (SSD, TSOL…), et si j’étais clément je passerais sous silence les piteuses tentatives de sous-thrash frelaté des Necros ou Agnostic Front. Tout ceci donnera lieu à la sortie de daubes inécoutables pour le commun des mortels. Ceci étant, à cette époque, le moindre changement de cap musical pouvait donner lieu à des attaques perfides de la part de certains ayatollahs. Black Flag, notamment, sera systématiquement emmerdé à partir de la sortie My War. La fameuse face B tant vénérée aujourd’hui, a parfois été qualifiée de sous-Maiden par certains péquenots dans des zines de l’époque. Quant aux albums suivants, ils seront bêtement réduits au qualificatif stupide de «Macho Metal».
C’est durant cette période trouble que YDI sort son LP Black Dust qui se fera donc d’emblée laminé, comme pas mal d’autres trucs sortant des clous du son hardcore classique, et ce sans aucun réel discernement. Ce qui causera, et ça j’en suis persuadé, le plus de torts au groupe, est sans conteste le nouveau look des membres du groupe, mix improbable et grotesque entre les Twisted Sisters et Ratt comme en attestent les photos effroyables présentées sur l’insert. Sans oublier les nouveaux surnoms dont se sont affublés les gusses. Regardez-les bien ces satanées (sataniques ?) photos et marrez-vous (il y a de quoi) car comme je le disais plus haut, il y a fort à parier qu’elles soient les uniques responsables de la réputation catastrophique dont a souffert l’album durant au moins 20 ans ; jusqu’à ce que le label Parts Unknown Records sorte le CD, passé presque inaperçu, Out For Blood en 2004. CD qui, outre le EP et le LP, contenait la démo de 1983 et les deux morceaux extraits de la compilation Get Off My Back. Car durant ce long laps de temps, il était pour ainsi dire quasi-impossible de dénicher les disques originaux, et le bouche à oreille a eu pour effet d’entretenir la rumeur selon laquelle Black Dust était l’incarnation parfaite des pires daubes heavy-metal sorties par des groupes de hardcore. De façon très amusante, il était rarement question de musique lorsqu’il s’agissait de descendre l’album sur des blogs, mais uniquement des sessions photos. Légende urbaine, je vous disais ! Pour la réhabilitation totale, il faudra en réalité attendre 2015 avec la réédition, au support double-LP cette fois, de la discographie complète sur un label très convoité : Southern Lord. Pensez-bien, si les mecs de Sunn o))) trouvent ce machin cool, c’est qu’il doit l’être, hein ! Sur le Bandcamp dédié à la réédition, il y a même un mec qui s’enflamme avec tant de justesse que je me vois obligé de le citer : I love Metal Punk from before Crossover ruined it. Y-DI kill it with noisy, primitive, heavy metal freak-outs - somewhere between mid-period Black Flag and Flipper doing fist pumping 80's Sabbath anthems! Ah zut, nous y voila, impossible d y couper, il va falloir causer musique… Tant-pis…

Bon alors, il a raison de s’enthousiasmer le monsieur du Bandcamp ou quoi ? Honnêtement oui, son p’tit laïus est plutôt bien senti, même si comme d’habitude je vais y ajouter des références supplémentaires telles que les morceaux les plus rauques du Where The Wild Things Are de Fang, pour le chant de brute épaisse et la guitare proto-sludge notamment, le Venom période moustaches/cuissardes en cuir/moto (la meilleure !), Welcome To Hell et Black Metal quoi, et bien entendu les meilleurs Black Sabbath. Ajoutez-y une production bien crue et grésillante, de vagues velléités de solos, rapidement abandonnées en raison d’un niveau technique heureusement trop restreint, et vous vous retrouvez au final avec un des pires ratages dans l’histoire des tentatives pour sortir un disque de heavy-metal bien comme il faut, mais avec un étrange hybride de hardcore crade aux contours sludge (pour l’époque) et juste ce qu’il faut de metallique. En résumé, si ces cons là n’avaient pas eu l’idée franchement discutable de se déguiser en gonzesses, cette rondelle de vinyle aurait sans-doute connu un autre destin. D’ailleurs l’incarnation parfaite de la daube heavy-metal sortira l’année d’après, et pas aux US : Grave New World de Discharge. Un album qui fait grave peur, un album d’halloween.
HAVE A BLESSED SAMHAIN!

Vincent/LNO (31/10/2015)
ydisl.bandcamp.com
Cadeau : youtube.com/watch?v=Hy54XQQnbLY