Spike in Vain

La première fois que le nom de Spike In Vain est arrivé à mes chastes oreilles, c'est avec This Moment In Black History. Ce groupe de Cleveland reprenait God On Drugs sur leur album It takes a nation of assholes to hold us back. L'envie d'en savoir plus, de la curiosité bien placée et après quelques recherches, une équation qui surgit. Minutemen, Scratch Acid, Birthday Party et Flipper, des noms utilisés pour décrire Spike In Vain. Avouer qu'il ya pire comme comparaison ! Suffisant en tout cas pour se procurer leur unique album, Disease Is Relative, réalisé en 1984 par Trans Dada records. Enfin, presque unique. Spike In Vain a réalisé par la suite deux autres albums : Jesus Was Born in a Mobile Home (uniquement sous format cassette) et Death Drives a Cadillac, jamais sorti. Des trucs introuvables mais à lire les commentaires des quelques personnes qui ont eu l'opportunité d'écouter ces raretés, on ne rate rien, Spike In Vain s'engageant alors dans une vaine beaucoup plus commerciale… et ratée !
De Minutemen, ils ont gardé cette approche iconoclaste du hardcore. Début années 80, tous les groupes punk/hardcore essayent de jouer plus vite, plus fort et plus méchamment que le voisin, dans le sillage de Minor Threat. Spike In Vain, qui n'a pas oublié que dans leur ville natale Cleveland avait déjà sévi Pere Ubu, un autre groupe d'originaux, décide de jouer sa propre carte et prend l'esprit punk à la lettre : faire ce qu'il leur semble bon de faire, en dehors de toutes conventions, ne pas suivre le troupeau. De Birthday Party et Scratch Acid, ce coté chaotique, foutraque et noisy même si leur sens du bordel est plus issu d'une maîtrise technique limitée de leurs instruments en bon punk qui se respecte que par une réelle volonté de tout déstructurer. Pas de basse prédominante, pas d'enregistrement travaillé. C'est avant tout spontané, vivant et dans la bonne humeur, à l'image du hardcore de cette époque avant qu'il ne devienne un gros truc sans fun pour gros mecs tatoués. Et c'est en cela que Spike In Vain se rapproche de Flipper. Au final, vous mélangez ça finement et vous avez Spike In Vain, un groupe original qui te rend heureux d'être vieux.
En fait, en fouillant un peu plus, vous avez le droit à toutes sortes de comparaisons à posteriori. On les dit précurseurs du son de Rites of Spring et toute la scène Dischord. On les compare à Live Skull. On s'avance même à les dire influents de la scène grunge/noise - mais tous les groupes qui viennent d'être cités peuvent prétendre à la même chose - en passant - et là je m'y retrouve plus - pour un groupe important pour la scène punk/hardcore au début des années 90 avec Antioch Arrow, Clikatat Ikatowi, Angel Hair et Heroin en tête. Pour finir, Robert Griffin prend comme référence pour parler de son propre groupe les noms de Void, Christian Death du début et 45 Grave !!
Je ne connais pas le réel impact de Spike In Vain sur toute la scène punk/hardcore américaine, si c'était un groupe totalement obscur à l'époque qui serait devenu culte et dont l'influence se serait infiltrée comme une pieuvre insidieuse ou si c'est le fait d'un total hasard et de recoupements trop faciles. Toutes ces comparaisons en deviennent même presque risibles mais situent bien l'originalité du groupe pour l'époque et la difficulté à les épingler dans une petite case bien rassurante, la vérité se situant sûrement quelque part entre tous ces groupes.

Cela traduit surtout une musique où on retrouve une multitude de données. Des charges en avant désordonnées, des bouts de mélodies, un son rustre et sans fard, une esthétique punk do-it-yourself, un morceau tout bizarre, presque funk mais pas franchement non plus (E.K.G.), des passages plus directs et basiques, du punk rachitique et névrosé, des morceaux partant dans tous les sens, des voix criardes ou plus posées, un batteur pas manchot, un piano jouant un pastiche de musique classique sur No Name. C'est un peu tout ça la cuisine de Spike In Vain. On se permet tout et on réfléchira plus tard. Une philosophie avec de brillantes inspirations mais qui présente aussi des ratés, tout est loin d'être parfait, c'est ce qui en fait sa force et son charme. Punk par excellence et un disque à découvrir, comme un excellent témoignage d'une époque révolue. Ou plus simplement, un excellent disque…

Dans le groupe, on retrouvait les frères Marec (Andrew et Chris), Bruce Allen et Robert Griffin qui fondera plus tard Scat records (avec Electric Eels, My Dad is Dead, The Styrenes, Guided by Voices, Big Trouble House, etc…. et The Dark, autre groupe de Griffin avant Spike In Vain). Les frangins Marec referont brièvement surface en fondant Soul Vandals. Griffin, en plus de créer son label, jouera dans Prisonshake avec une discographie assez conséquente. Il projette également de sortir sur Scat records pour 2009 l'intégral de Spike In Vain dans un coffret 3 CDs avec Disease Is Relative, les deux albums suivants et quelques raretés en plus, comme si leurs trois albums ne l'étaient pas déjà !

SKX (20/11/2008)

Discographie ::

Disease is relative - LP
Trans Dada records 1984