Quand tu
décides d'appeler ton groupe Coup de boule, t'as intérêt
à assurer un minimum derrière. Headbutt faisait plus que
ça. Il lattait tout sur son passage. Né des cendres de Bastard
Kestrel et d'un tas de désuvrés qui en avaient marre
de zoner dans leur cave, Headbutt est une entité londonienne à
géométrie variable. De ce collectif, on peut quand même
en tirer un noyau dur. Keith Goldhanger, l'ex-Bastard Kestrel, Ashley
Davies et Simon Last.
Le but : se défouler, crier sur les gens, sortir toute la merde
quotidienne de sa tête et si vous vous demandez pourquoi que des
basses et des percussions, ils répondent :
Nous avons rencontré les bonnes personnes qui se sont retrouvés
dans l'esprit du groupe et il se trouvait que tous étaient soit
batteur, soit bassiste.
Quand au mouvement industriel dans lequel on les a souvent cantonné,
c'est tout simplement pour eux, beaucoup d'usines et beaucoup de fumée.
Et à l'occasion, une prétentieuse connerie. Headbutt,
des sauvages lâchés en pleine mégalopole, une rencontre
chaotique de bassistes, de batteurs/percussionnistes qui tapent sur tout
ce qui trouve dans la décharge du coin et d'un hurleur en chef,
Keith Goldhanger.
Mais la meilleure définition du groupe, c'est le groupe qui la
fournit :
Headbutt, c'est de la world music industrielle car partout dans le
monde, on peut voir des gens ramasser des bâtons et frapper sur
des morceaux de métaux. Ils construisent des rythmes et c'est ce
que nous faisons. Nous allons juste un peu plus loin en rajoutant de la
basse(
). Nous sommes un groupe de punk-rock. Nous avons plus de
points communs avec Elvis Presley qu'avec Skullflower ou Ministry.
Devant la quantité impressionnante de disques réalisés
par Headbutt et notamment de petits formats, on va y aller simplement
et en toute logique, single par single, aux pochettes présentées
de façon immuable. Un visuel (photo, dessin) de chaque coté,
clair, marquant, absurde, décalé avec en dessous les titres
et les infos techniques sur la date d'enregistrement, le lieu, le personnel
présent et leur fonction. Il faut de la discipline. Tout le contraire
du désordre intérieur.
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Song
for Europe/Stomach Swab - 7'' - Pigboy records 1991
L'enregistrement date de novembre 1990 pour une sortie en 1991 sur
Pigboy records, un sous-label de Vinyl Solution, grâce au nouveau
copain de l'ex de Ashley Davies qui bosse pour le label. Faut toujours
garder de bonnes relations avec ces exs ! Si tous les disques de Headbutt
n'ont rien de faciles, cette première tentative est sûrement
la plus ardue. Mais à l'époque, personne ne le savait
encore ! L'enregistrement a dû être fait dans le sous-sol
d'une cave avec des micros albanais. Pas de mention play it loud
sur le rond central mais cela l'aurait mérité. Il faut
donc consciencieusement monter le volume pour se sentir sous l'éteignoir,
pris à la gorge par le climat étouffant de Song for
Europe. Pauvre Europe. Des samples, un rythme et un chant torturé
dans le tréfonds du fond du mix, des larsens et grésillements
comme autant de bêtes pullulantes, une ambiance crasseuse et
une ligne de basse lancinante. Et si en fait ce son était totalement,
délibérément voulu et pensé ? Ca fait
froid dans le dos. Mais si il y avait encore de l'espoir avec ce titre,
l'autre face Stomach Swab l'anéantit complètement.
Plus de rythme, plus rien excepté un vaste champ de ruines
de crépitations, de parasites électriques, de perceuses
et d'atmosphère de fin du monde. De nos jours, ce 45 tours
aurait sa place les doigts dans le nez sur Load records. Pour faire
ce bordel, trois personnes (Keith, Ashley et Op.M.C.) ou plutôt
quatre avec un certain Stefx jouant d'un instrument étrange
: nothing. Headbutt, une grande famille où même quand
tu ne branles rien, tu es crédité.
Sur le rond central, est gravée la phrase : cant see, cant
talk, cant walk : guess i'm the driver. Et il va droit dans le
décor.
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Fat
Elvis/Lipstick - 7'' - Pigboy records 1991
Toujours en 1991, en plein été, Headbutt retourne en
studio pour deux nouveaux titres. La formation s'est élargit
à cinq membres et la quincaillerie avec. Les bidons, extincteurs,
cymbales cassées, caddies font leur apparition. Stefx joue
de la machine à laver, des poubelles et sur des pièces
de métaux. Autant dire encore une fois, nothing. Mais rassurez
vous, Headbutt n'est pas les Tambours du Bronx. Si le rythme (quasi)tribal
fait son émergence dans la genèse de Headbutt sur Lipstick,
l'approche reste bruitiste, la couche de crasse continuelle, tout
en larsens plus ou moins volontaires et contrôlés. Sur
Fat Elvis, le rythme est galérien. Lent, cadencé
et écrasant. Les basses, au nombre de trois, sont utilisées
comme des massues. Les compositions de Headbutt commencent à
prendre forme et c'est du tout bon.
Sur le rond central, est gravée la phrase : you can't sing,
you can't play, you look awful. C'est bien pour ça qu'on
les aime.
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Headbutt/Sweet
Tooth - split 7'' - Fourth Dimension records 1992
Après deux morceaux (dont on reparlera plus tard) laissés
sur des compilations, Headbutt revient au format vinyl avec un split
single que l'on trouvait inséré dans les 500 premiers
exemplaires du magazine anglais Grim Humour. Headbutt se fend de l'inédit
To Injury. Six personnes au compteur pour un titre étrangement
calme et lugubre. Mais c'était ça aussi Coup de Boule.
Tout dans la décomposition du geste. Les incantations de Keith
Goldhanger sont au centre du débat avec quelques cliquetis
métalliques et d'économiques coups de basses. Sweet
Tooth était un trio en forme de super groupe avec le Godflesh
Justin Broadrick, Dave Cochrane (Head of David) et le batteur américain
Scott Kiehl avec un background plutôt jazz. Une carrière
éphémère avec le EP Soft White underbilly
en 90 sur Earache et on ne s'en plaindra pas tant leur power-rock
est assez quelconque et usant. Sur ce split, c'est la version live
de Dragnet et vous ne perdez rien à ne pas connaître
ce morceau d'un projet de Broadrick presque aussi inintéressant
que Jesu.
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Headbutt/Splintered
- split CDEP - Noiseville 1992
Ce n'est pas un disque essentiel de la discographie de Headbutt mais
c'est le premier témoignage live du groupe. Et ça permet
surtout de caser l'anecdote de Gwen (pas encore) Kfuel
en visite estivale à cette époque dans la capitale anglaise
avec son compère et boss de Kill Yr Idols, Erwan. Présents
dans un sous-sol obscur d'un quelconque pub pour un concert de Venus
Beads, leurs têtes d'ahuris (qu'ils ont très naturellement)
en se demandant quels étaient ces punks sur le coté
avec leur caddie plein de bordel avant que ces clodos n'investissent
le semblant de scène et la grosse claque qui s'en suivit. Je
leur dois la découverte de Headbutt, merci les gars !
Sur ce CD, deux titres enregistrés le 6 avril 1991 au Camden
Underworld. Fat Elvis en version huit minutes et Pindrop
A.K.A. dont on ne trouve trace sur autre disque de Headbutt. C'est
cru, sans tricherie, lézardant et ça rend aveugle.
Quand à Splintered,
c'est du plombé également mais dans un autre registre.
Rock psyche/indus, façon SPK, Throbbing Gristle, Swans, Terminal
Cheesecake, des rythmes et des boucles qui tournent à mort,
trois notes qui auront votre peau, des cris déchirants comme
leur voisin de disque et ces deux titres studios vous le rendent bien.
Une discographie longue comme celle d'Headbutt pour un groupe qui
tente de reprendre du service depuis peu. |
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White
Cat/Flying Saucers are real/Randy/Babysick - 7'' -
Pigboy records 1992
Nous sommes toujours en 1992 et Headbutt enchaîne les sorties
avec un nouvel EP 4 titres. White Cat est une brève
décharge tout en âpres rythmes. Le bruit de la tôle
et du fût d'essence, rien de tel pour vous mettre en transe.
Pour écouter au mieux Flying saucers are real, il ne
faut pas simplement croire aux soucoupes volantes mais également
gober une bonne dose de substances hallucinogènes. Voix de
l'au-delà, ambiance quatrième dimension, morceau au
ralenti qui semble avoir été enregistré à
la mauvaise vitesse. Passer ce morceau en 33, c'est encore plus marrant
! Sur l'autre face, Randy, une reprise signée par Flowers,
Cook et Greenway, alias Blue Mink, un groupe pop anglais au début
des années 70. Avant ça, Cook et Greenway ont joué
vers 1965 dans un groupe nommé The Kestrels alors de là
à dire que le nom des Bastard Kestrel vient de cette époque,
il n' y qu'un pas que je franchis allégrement !!
Et la pop revisité par les métallurgistes de Headbutt,
ça le fait bien, on danserait presque. Babysick, retour
à la dure réalité de l'Angleterre et du Headbutt
rythmique et sans concession comme on l'aime. C'est aussi à
partir de ce single qu'apparaît leur logo du double marteau
sur fond blanc cerclé noir.
Sur le cond rentral, est gravée la phrase : but is it accessible
? Non pas franchement mais c'est pas pour ça qu'on les
aime encore plus.
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The
Shooting Party/Steam Engine Fragrance - 7''
Dirter Promotions 1993
Changement d'année mais la fréquence des sorties se
maintient. Changement de label et nouvelle arrivée dans le
personnel avec Mad Jym et la brune Elvina (tout ce joli monde en photo
pour la 1ère fois à l'intérieur de la pochette).
Ca, c'est pour la partie studio car sur scène, ça toujours
été un mystère
Si t'as rien à faire
ce soir, viens donc taper du bidon avec nous. Ces deux titres sont
des classiques du répertoire de Headbutt. The Shooting Party
est tribal certes mais c'est bien plus que ça. La façon
dont aboie Keith Goldhanger en alternant avec un chant plus parlé
et cette boucle onirique qui tourne dans le fond rend dingue. Steam
engine fragrance est un titre marchant sur courant alternatif.
Les basses sonnent comme des guitares, préparent le terrain
avec un riff tranquille avant le chaos. L'escabeau et le faitout n'auront
jamais sonné comme ça. L'impression que des mammouths
débarquent dans les enceintes. Un grondement anarchique laissant
place à un retour au calme et ainsi de suite. Une mise sous
tension du plus bel effet. Un grand single.
C'est aussi à partir de ce single qu'apparaît leur logo
(en plus de celui avec le double marteaux) avec la Tower Bridge et
la mention : Headbutt of London. Noted art and noise terrorism since
1990.
Sur le cond rentral, est pravée la ghrase : Linda McCartney
must die. Leur vu a été exaucé cinq
ans plus tard.
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Pissing
Down - LP - Pigboy 1993
Un split single plus tard (avec Poison Idea, Cancer et Gunshot sur
Vinyl Solution), un morceau sur une compile (dont on reparle toujours
plus tard) et un mystérieux single paru sous le nom de groupe
de Come Dancing (The Sued EP, Bad Vibrations records) mais
dont les cris et le bordel des deux titres ressemblent bien à
du Headbutt, il est venu le temps de l'album.
Six titres seulement mais pratiquement une demi-heure dans les dents.
Enfin, c'est ce qu'on pense au début car réduire Headbutt
à une grosse machine tribale est une erreur. Le premier titre
Sandyard nous le prouve. Cinq minutes posées, sans cris,
sans hurlements, sans rythmes tapageurs mais empruntent d'une profonde
mélancolie. Headbutt a effectivement plus à voir avec
Elvis Presley qu'avec Throbbing Gristle, proposant une autre déclinaison
du blues comme Einsturzende Neubauten avant eux. Le morceau suivant
Duffel Bag est sur les mêmes bases avec la voix calme
pour une fois de Lenie Mets, alias Leslie Rankine, chanteuse des Silverfish
déjà passée à Mambo Taxi, invitée
de luxe sur cet album. La face A se termine par un morceau tout aussi
sombre et inquiétant, Through the slides. Headbutt est
dans la grisaille, un gros coup de spleen et met au rencart la grosse
artillerie rythmique. D'ailleurs seul Stefx est crédité
d'un floor tom et d'un tas de détritus métalliques (scrap
metal) avec Jason Cook. Tout le reste n'est que basses, samples, piano,
vocaux retenus pour des ambiances à couper aux couteaux et
extrêmement prenantes.
La face B est tout aussi pesante mais un poil plus agressive et rythmée
avec Always scraping shit (tout est dit dans le titre) et Barbie
Skin qui s'épluche avec lenteur et intensité. Headbutt
pour son premier long surprend quelque peu son monde, ouvre de nouveaux
horizons et démontre qu'ils sont bien plus qu'une bande de
sauvages sans cur.
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Disillusioned/Facial
Towtruck/Prayer - 7'' - Fourth Dimension 1994
Headbutt repart avec son format préféré, le 45
tours et ne faiblit pas dans sa production.
A ce propos, Ashley Davies déclare : rien n'est plus facile
que d'enregistrer un truc quelque part et le sortir 10 jours plus
tard, le plus tôt est le mieux, comme ça les choses ne
traînent pas et nous pouvons immédiatement passer au
disque suivant.
Keith Goldhanger rajoute : Il est important pour nous d'avoir le
plus de disques possible en circulation avec des gens différents
et de pouvoir les vendre à nos concerts. Je n'irais pas forcément
dans un magasin de disques la semaine prochaine pour acheter quelque
chose d'un groupe qui m'a plu ce soir par exemple. Mais beaucoup de
groupes qui sont sur des gros labels ne peuvent pas le faire. N'importe
qui peut sortir un de nos disques. Il suffit de nous le demander.
Disilusioned porte bien son titre. Headbutt continue sur les
bases de Pissing Down. Un morceau live enregistré le
16 décembre 1993 à Brixton au Club Sate. Huit minutes
tout en cliquetis métalliques, en basses rampantes que la voix
déchirante de Golhnager vient pourfendre. Il y a même
de la cithare mais faut tendre l'oreille (joué par Salman Gita)
et du filing cabinet (bureau à tiroirs ?) par Alex Kasiek.
Face B, deux titres studios avec comme ils le précisent sur
la pochette : no overdubs, no effects, no money. Une constante chez
Headbutt. Mais là, peut-être encore plus, le son manque
de force et d'ampleur pour tirer vers le haut un Facial Towtruck
bien mordant et qui aurait mérité meilleur traitement.
Headbutt enchaîne et maintient le cap tant bien que mal.
Sur le gond ventral, est racée la pharse : Quantity not
quality. Headbutt tente de concilier les deux.
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Tapet
- split single with Sonic Violence - 7'' -
Koleskab Dommedag Musik 1994
Tapet, ce morceau perdu sur un bout de vinyl sorti des presses
d'un obscur label Danois aurait pu très bien passer à
l'as, devenir un misérable split anecdotique avec un titre
qui porte à rire. Le problème est que ce n'est pas une
tapette mais un des tout meilleurs morceaux de Headbutt, un tube en
puissance. Et un tube version Coup de Boule, ça écrase
ta tronche tout en faisant bouger ton corps. Un rythme diabolique,
deux basses traçant tant bien que mal leur chemin dans le fatras
rythmique mais dont la mélodie tout simple éclaire le
titre et le chant déchaîné de Goldhanger, uniquement
crédité de cet instrument dont il abuse à gorge
déployée pour notre plus grand bonheur.
Sonic Violence est également un groupe anglais échoué
sur un caillou danois. Une face qui a l'avantage de s'écouter
autant en 45 qu'en 33 tours. Enfin
l'avantage est un bien grand
mot. Leur machine rythmique hard-techno s'écoute finalement
mieux en 33 parce que sinon, ça va beaucoup trop vite pour
mes neurones dont la capacité à écouter du harsch-noise
(c'est bien ça qu'on dit ?) mixé à du Skullflower
a des limites que Sonic Violence vient tester de beaucoup trop près.
Mon danois ne permet pas de lire la phrase gravée sur le rond
central de Headbutt. Je comprends aisément plus le Suck
it and see de Sonic Violence.
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En parlant
de rythmes technoïsant, c'est à cette époque que Headbutt
sort également un maxi de remixes de Trans-Global Underground (Vinyl
Solution, 1993), collectif londonien qui a eu son heure de gloire aux
débuts des années 90 dans le style hum
on va dire,
ethno-techno. Deux morceaux, deux remixes chacun, qui font quatre, en
vous souhaitant une bonne journée. Parce que pour le reste, tout
ça n'est pas très engageant. De la grosse bombasse pour
suer comme un porc sur la piste de danse. Mais où est la touche
Headbutt là-dedans ? Il y a bien quelques grincements et grésillements,
la voix de Keith sur une partie du Year zero remix du morceau One
day old mais ça me fera pas décoller du bar. Headbutt
continue à n'en faire qu'à sa tête et un champ musical
sans limite.
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