De la flopée
de duos existants désormais, on en saurait presque devenu à
les banaliser. Mais à la fin des années 80, cela courait
beaucoup moins les rues, dans le domaine du punk-rock et de la saturation
en tout cas ! Godheadsilo fut parmi les tout premiers à lancer
le genre (enfin là je m'avance peut-être, je ne suis pas
licencié en duo mais de mémoire ça doit pas taper
loin).
Originaire de Fargo dans le Dakota Nord, c'est pourtant à trois
que Godheadsilo a débuté vers 1989. Mais rapidement, Mike
Kunka (basse) et Dan Haugh (batterie), des potes d'enfance à la
passion commune pour le BMX, se séparent de leur guitariste et
opte pour une formule à deux qu'ils ne quitteront plus. Déménageant
à Olympia dans l'état de Washington, il débarque
le jour d'Halloween en 1992 dans le fief du label Kill
Rock Stars.
C'est donc tout naturellement qu'ils sortent leur premier single 4 titres
Thee Friendship Village en 1993 sur ce dernier. La Joconde locale
de la pochette et son OK collé sur le front ne doivent pas
tromper l'ennemi. La musique de Godheadsilo n'est pas là pour amadouer
son monde. Avec quatre amplis pour une seule basse et une batterie coulée
dans le béton, Godheadsilo montre de suite une aptitude réelle
à réveiller la lourdeur qui sommeille en vous. Une aptitude
qui leur vaudra aussitôt des comparaisons avec les Melvins. Un raccourci
qui porte bien son nom. Godheadsilo, si ils savent faire vibrer les murs,
porte en leur sein des germes mélodiques et une approche plus bruyante
et do-it-yourself qui les fera très apprécié de Sebadoh
avec qui ils partagent une première tournée à travers
les Etats-Unis. Le titre phare, Friendship Village, est un magnifique
condensé d'alternance entre leur veine mélodique et apaisé
et les brusques éclats de voix et de leurs deux instruments complétés
par quelques samples très discrets (et que l'on retrouve sur tous
les morceaux).
C'est la même année que sort un split 7'' avec le groupe
d'Amphetamine Reptile records, les grandioses Hammerhead, sur Oxo records.
Un titre, Bereft Rescue Mission No. 43, qui ressortira sur leur
premier album, The Scientific Supercake, en 1994 toujours sur KRS.
J'aurai aimé pour l'occasion de cet oldies remettre ce vinyl sur
ma platine mais un malheureux oubli à l'époque sur la lunette
arrière de mon antique 205 en plein cagnard estivale avec un 45
de Blunderbuss l'a mortellement gondolé à jamais (alors
que le Blunderbuss a lui résisté mais c'est Blunderbuss
aussi). C'est donc en version digitale que je suis obligé de réécouter
cette musique dont les craquements d'un vinyl lui sied si bien au teint.
Un disque qui sent à plein nez les grésillements et les
saturations, un disque noise, un son sale et plein de vie pour des compos
à la verve mélodique pleine d'allant, la morve au nez, des
éructations à bout de cordes vocales qui surnagent, des
rebondissements rythmiques qui donnent envie de grimper des montagnes
pour maudire le soleil à jamais. Un supercake pas scientifique
pour deux sous. Tout est à l'instinct et à l'énergie
juvénile d'un groupe non dénué d'humour potache comme
ces titres à la con : I luv u... nicorns, Two peanuts
are walking down the street et le court Ventrilloqueef et son
sample I like to suck big dicks
. Et un Battles of the
planets qui aurait pu s'appeler également la fin du monde pour
conclure dans le fracas un album qui n'est pas une perte.
C'est aussi de cette année là que date leur participation
à la fameuse série d'Amphetamine Reptile, les Dope, Guns
'n' Fucking In The Streets pour le volume 8 aux cotés de Superchunk,
Guzzard et Jawbox (compilé en 1997 sous la forme d'un long format)
et une autre compilation avec un générique à faire
tomber : Jawbreaker, Slug, Steel Pole Bath Tub, Cherubs, Johnboy, Unwound
et le morceau Spoon pour Godheadsilo. Le nom de ce disque, The Smitten
Love Song, ode à l'amour de la part de punk-rockers endurcis
!!
En 1995,
ce n'est pas vraiment un deuxième album qui sort même si
beaucoup le considère comme tel. Elephantinus of the night
(et sa pochette toute à la gloire du BMX) est en fait une compilation
de leur single 4 titres du même nom agrémenté du EP
Thee Friendship Village et du morceau Nutritious treat apparu
sur la compil Stars kill rock (sur KRS bien sûr) et enregistré
en 1992. Godheadsilo maîtrise plus que jamais son sujet avec notamment
un Dan vs. Nature et un épique solo de batterie à
faire pâlir Dale Crover, le batteur des Melvins. Mais c'est aussi
un disque qui marque la fin d'une période. Celle qui les fera passer
chez Sub Pop.
Avant de passer à cette époque, Godheadsilo s'amuse et participe
à plusieurs compilations dont un hommage à Joy Division
aux cotés de Girls vs. Boys, Codeine ou encore Tortoise. Leur reprise
du They walked in line n'a rien de phénoménale. Besogneux
serait plutôt le terme. Digne d'une reprise d'un groupe d'ados lors
de la fête du village !
Leur album
Skyward In Triumph sur Sub Pop en 1996 marque donc un tournant.
Le groupe gagne en robustesse et en netteté. Le son est nettoyé
de ses grésillements tout en conservant sa puissance de tir. Fini
l'amateurisme et le coté lo-fi noise qui avait pourtant un putain
de charme. Les moyens sont là et ça s'entend. Néanmoins,
Godheadsilo arrive à évoluer tout en gardant sa personnalité.
A s'ouvrir sans rien perdre de sa verve. Mine de rien, ça fait
trois ans que Godheadsilo n'a pas vraiment proposé de nouveaux
titres et ces neuf nouvelles compos rassurent tout son monde. Godheadsilo
enfonce tout sur son chemin en y ajoutant de la finesse. On a beau avoir
une basse qui pèse trois tonnes, la musique de Godheadsilo garde
à tout jamais ses distances avec celle des Melvins. Le rythme moyen
est largement plus soutenu et rapide, les accélérations
fréquentes et la trame mélodique omniprésente. On
y retrouve Bobby Trap, morceau sorti en single quelques mois auparavant,
imparable, le peplum Guardians of the Threshold et ses 15 minutes
de labeur et Skyward In Triumph avec Calvin Johnson, le boss de
KRS et Beat Happening avec sa voix caverneuse pour un morceau presque
joyeux et groovant.
Deux ans
plus tard, c'est la peu engageante pochette de Share the Fantasy
qui marque la fin de Godheadsilo. Lettrage death-metal, illustrations
qui suivent le mouvement, on craint le pire. Heureusement, ce n'est que
la manifestation de leur humour très second degré. Les photos
internes les montrent toujours aussi étudiants sortis du campus.
A peine une belle moustache pour Mike Kunka. La musique suit la ligne
directrice tracée par le précédent. Les compos gardent
tout leur jus et sont même dans la totalité un cran en dessus,
tout en jouant avec les clichés metal avec pour l'anecdot et une
reprise surprenante du In The Air Tonight de Phil Collins ! L'enregistrement
est signé Alex Newport (Fudge Tunnel, Theory of Ruin). Kunka démontre
tout son savoir dans ses lignes de basse tour à tour intriquée
et limpide. C'est du Godheadsilo de haute volée pour une sortie
par la grande porte.
Enemymine
Les deux comparses se quittent donc mais restent dans le milieu musical.
Ils multiplient les projets pour se retrouver même depuis peu de
nouveau au sein de Smoke and Smoke avec un troisième membre, Spencer
Moody. Mais les affres de Godheadsilo sont loin et cette nouvelle association
n'arrive pas à l'orteil de leur projet phare. De cet après
Godheadsilo, on retiendra surtout le groupe du bassiste Mike Kunka, Enemymine,
avec Danny Sasaki et Ryan Baldoz et Zak Sally (ex-Low) au tout début
du groupe. Un trio qui a réalisé un EP 7 titres sur K
records en 1999 et l'album The ice in me en 2000 sur Up
records. L'ombre de Godheadsilo plane sur Enemymine mais agrémenté
d'une guitare. La lourdeur et la vélocité de Godheadsilo
avec une mélancolie nouvelle, un chant qui n'est pas que cri même
si un titre comme Trcr sur le EP ou Day One sur l'album
et leurs riffs surplombés tuent sa race. Pour plus d'infos, lisez
les chroniques écrites
à l'époque
Un groupe que vous ne pourrez qu'apprécier
si Godheadsilo était du genre à vous retourner, le genre
de duo qui fait date dans l'histoire du noise-rock et qui a inspiré
plus d'un couple à croiser le fer.
SKX (29/01/06)
Discographie
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