Les informations
ne pullulent pas sur Garbage Collector. La Lorraine n'est pas si lointaine,
pas encore totalement sinistrée mais même à l'époque
où ce groupe a existé, Garbage Collector est resté
à l'ombre des mines. Cette période, c'est 1987/88. Soit
l'orée des grandes années noise. Soit quatre ans avant le
Stroboscopy des Deity Guns. C'est à dire coincé entre
Evol et Daydream Nation. C'est à dire trop tôt.
C'est-à-dire pas encore prêt à encaisser le coup,
surtout au pays de l'alternatif franchouillard. 20 ans plus tard, il ne
reste que deux disques en héritage pour lesquels il va falloir
se lever tôt, comme dit notre président bien aimé,
pour les dénicher.
Les deux
disques publiés par Garbage Collector sont un vinyl 33 tours et
un CD 4 titres. L'album s'appelle 1988 car, je vous le donne dans
le mille, il a été sorti en 1988 et c'est le label de Nancy
State of Mind avec l'aide de Permis de Construire (qui donnera plus tard
naissance au distributeur Semantic avec la collaboration de l'autre label
de la ville, Les Disques du Soleil et de l'Acier/DSA, soit des labels
précurseurs à qui on doit les Bästard pour ne citer
qu'eux) qui sort l'objet.
Garbage Collector, c'est six personnes à l'usine, martelant, crissant,
hurlant, ce qu'on appellerait maintenant du noise-rock mais qui à
l'époque était sûrement du domaine de l'inclassable.
Dès le morceau d'ouverture, on jurerait entendre Circle
des Deity Guns. Difficile de ne pas imaginer les Lyonnais ne jamais avoir
entendu les Garbage Collector. Même si tout ça est chapeauté
par Saint Sonic Youth, la filiation est là. Un condensé
de guitares bien aiguisées, d'une batterie doublée avec
des percussions (pour un rendu proche de Distorted Pony qui n'existe pas
encore à cette époque donc non, Distorted Pony n'a pas influencé
GC et le contraire non plus. Garbage Collector a déjà eu
du mal à sortir de la Lorraine alors Los Angeles...) et de voix
multiples dont une féminine (on y reviendra) pour un chant varié
et haut en couleurs.
Un léger relent cold-wave, notamment dans le rendu de la batterie,
une bonne chape noisy et une douce sensation de chaos régnant à
bord. Enregistré par François Dietz (responsable plus tard
de la plupart des productions du label 33Revpermi avec Soixante Etages),
ce disque est comme la photo d'usine désaffectée au verso
de la pochette. Un amas de tôles ondulées qui évoque
autant le froid qu'une vie passée grouillante, de la rancoeur et
des écorchures. Les chants se succèdent mais c'est celui
de Armelle Kleffert qui marque le plus. Pour le meilleur et pour le pire.
Son accent anglais est déplorable, voire presque risible sur Tiny
Killer. Heureusement, dans un éclair de lucidité, ses
interventions se font le plus souvent en français avec un phrasé
très articulé et détaché qui donne une coloration
bizarre, presque dérangeante dans son apparente innocence, contrastant
avec la dureté de la musique. Par contre, le chant d'un des trois
autres intervenants est particulièrement convaincant, notamment
sur ce même Tiny Killer, rattrapant les dégâts
d'un très bon morceau au demeurant.
You just like your mother, you should have been killed before.
Le propos est sans cesse virulent. Le bruit arrive par vagues régulières,
voir vomissant comme sur le très âpre Before Dawn.
L'album s'achève étrangement. Le titre déjà,
Intro, et ce début de rap, peut-être un clin d'il
au titre d'avant, Public Enemy, avant de partir sur des incantations/lamentations,
du malsain avec un truc en boucle par derrière. Il est clair que
1988 est un ovni dans le paysage musical français de cette
époque. 20 ans plus tard, il garde tout son venin. Il n'est pas
trop tard pour se l'injecter.
Après, c'est un peu le trou noir. Toujours ce manque d'informations.
Mais en 1992 sort un maxi uniquement en CD, un disque sans nom excepté
celui qui existe sur la tranche de l'objet, Garbage Collector's EP,
et cette grosse roue de camion démesurée qui vous fonce
sur la tronche. Quatre titres enregistrés en juillet 1990, mixés
en 1992 avec une citation du groupe à l'intérieur de la
pochette datant de 1993
. Permis de Construire (PPP) sort le disque
(distribution Semantic) d'un groupe qu'on imagine très bien ne
plus exister à l'époque de la sortie. Un ultime témoignage
d'un groupe culte par excellence. A cet enregistrement a participé
Gérôme du groupe français NOX, autre groupe semblant
être une importante influence pour GC, chose que j'aimerais vous
confirmer si jamais j'ai la chance de mettre la main un jour sur cet autre
groupe culte dans l'est de la France (si une bonne âme m'entend,
je suis preneur). Quatre titres qui vous ramènent toujours vers
New-York, vers ces univers poisseux, sombres, naviguant entre Sonic Youth
et Of Cabbages and Kings (la basse sur This Is My Life). Le groupe
a mis un peu d'ordre dans ses compos. Le son a été nettoyé
mais Garbage Collector conserve tout son pouvoir évocateur grâce
à des morceaux à la forte personnalité. Là
encore, le disque fait du hors-piste pour finir. Longues digressions soniques,
tribalités, piano, fréquences hautes avant de finir sur
un semblant de rap à la Lorraine, l'amour caché de Garbage
Collector.
Un groupe
tombé dans l'oubli mais une pièce importante de l'échiquier
de la future scène noise à la française des années
90. Vous ne trouverez plus que cette page
non-officielle, toujours pratique pour écouter des morceaux
introuvables. Et une tonne de perspicacité pour trouver ces deux
disques qu'une bonne âme charitable aura bien l'idée un jour
de rééditer.
SKX (29/11/2007)
Discographie
::
1988
LP
State of Mind/PPP 1988
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Garbage
Collector's EP (CDEP)
Permis de Construire/Semantic 1993
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