Cows

Cows, 1986-1998. Minneapolis. Neuf albums. Multitude de singles. Intimement lié à l’emblématique label Amphetamine Reptile chez qui Cows a sorti tout ses albums (sauf le premier). Shannon Selberg en maître de cérémonie. Pitre lunaire et extravaguant qui aimait la confrontation, l’absurde, dessiner des trucs débiles sur son maigre corps, les déguisements loufoques et les tatouages d’un esthétisme saisissant à faire pâlir les gros durs et ridiculiser tous les tatouages tribaux du monde. Le jeu du pendu sur son bras gauche où il est écrit F_CK en dessous. Une ancre avec Dad sur le bras droit. A l’origine, Thor Eisentrager (guitare) et Kevin Rutmanis (basse) ont formé le groupe. Norm Rogers était au tout début au chant, a rapidement laissé sa place à Selberg et est revenu en 90 à la batterie à la place de Sandris Rutmanis, le jeune frère de Kevin. Cows, groupe incontournable du mouvement noise-rock qui a su créer sa propre mélodie dès le début et elle était drôlement cabossée, salement vitriolée, jamais égalée. Inventaire du palmarès, album par album avec des friandises en bonus à la fin pour les plus courageux.







C’est en 1987 que Cows signe sur Treehouse records son premier album et c’est du latin. Du latin à la Cows, c’est à dire pas loin d’être du chinois. Taint Pluribus Taint Unum. Ça renvoie surtout aux USA, façon boomerang moqueur dans la tronche, référence détournée à la devise E Pluribus Unum qui orne le Grand sceau des États-Unis d’Amérique. L’union fait la force revisité par Cows, c’est une savonneuse déflagration qui part dans tous les sens, chacun pour sa peau ou plus exactement seul contre tous et après eux le déluge. Avec plus d’entrain que de talent mais il était là, il ne demandait qu’à être dompté. À moins que ce soit ça justement, cette folie incontrôlable, ce bordel magnifique qui fait tout le sel d’un album enregistré par Brian Paulson (le Spiderland de Slint, c’est lui ainsi que toute la crème noise des 90’s) et Steve Bjorklund (Rifle Sport, Breaking Circus). Mais ces deux là en était également à leurs débuts. Ce qui fait que Taint Pluribus Taint Unum aurait certainement pu bénéficier d’un meilleur écrin sonore. Mais ce son crado sur les bords manquant parfois d’impact ne fait que mieux mettre en valeur l’aspect dégingandé et rock’n’roll de Cows à cheval entre le punk braque de Flipper et des relents et des structures plus noise à la Scratch Acid qui vont s’épaissir dans les albums à venir, entre une approche tour à tour loufoque et mordante, entre des rythmes basiques et ce sens du groove désaxé, ces changements de rythmes si particulier à Cows et diaboliquement entraînant. Le clairon souffreteux de Selberg est déjà présent sur une poignée de morceaux dont le premier, Koyaanisqatsi, une reprise totalement méconnaissable d’une musique que Philip Glass avait composée pour un film documentaire du même nom en 1983 et réquisitoire sur la destruction de l’environnement. De là à faire de Cows un groupe punk écolo, il y a un pas voir un gouffre que je ne franchirais en aucune manière (malgré leur nom de groupe bucolique). C’est là tout le charme d’un groupe qui a passé son temps à travailler l’ambiguïté, ne jamais savoir si c’est du lard ou du cochon, capable d’appeler des morceaux Mother (I Love That Bitch), d’enchaîner avec six minutes trente d’un Weird Kitchen au parfum mélancolique et qui sent la descente d’acide dont le groupe était friand, de fournir leur propre version du jazz (Cow Jazz/Car Chase) ou de bourriner joyeusement dans les affres chaleureuses et chaotiques d’un Yellowbelly ou Carnival Ride, de reprendre également Eddie Cochran en version instrumentale ultra personnalisée (Summertime Blues) et plus généralement, poser les jalons d’un futur qui s’annonce radieux et singulier.











En 1989, Cows publie son second album, Daddy Has A Tail!. Le premier pour Amphetamine Reptile et le premier d’une longue série puisqu’à partir de cette année là, Cows va enchaîner et sortir six albums en autant d’années. Cows a les crocs. Daddy Has A Tail qui pourrait se traduire par Papa a une queue (de vache bien sûr) commence là aussi par une reprise. Shakin’, un détournement honteux de Shakin’ All Over de Johnny Kidd & The Pirates avec des paroles devenues dans la bouche de Selberg Yo girl, I love it when you make my asshole bleed, I’m shakin’ in my colon. Tout un poème. Tout comme l’enregistrement réalisé par David B. Livingstone (guitariste de God Bullies) et Tim Mac (bassiste de Halo Of Flies) qui ont eu la curieuse idée de vouloir mixer l’album sur bande vidéo. Une certaine idée du désastre qui a obligé le duo à remixer l’album en quatre heures pour un résultat qui n’était certainement pas à la hauteur des attentes du groupe. Pas franchement d’amélioration donc par rapport à Taint Pluribus Taint Unum sauf que la guitare et ses coulées bruyantes et dérapages corrosifs sont encore plus palpables, envahissants, débordent, crachent son fiel et c’est pas pour me déplaire. Un truc touffu qui monte en densité, un rock’n’roll de plus en plus agressif, tordu, sulfureux. Bref, un son qui leur sied finalement très bien au teint, un rendu ferraillant dans la saleté et des scories noise, boueux parfois, avec des gros relents d’humour potache, sarcastique et le chant débilo-malsain d’un groupe qui ne se prend pas au sérieux et met le clairon en sourdine. Ou alors c’est qu’on l’entend plus dans le bordel. Daddy Has A Tail marque aussi l’arrivée d’un nouveau batteur, Tony Oliveri, qui sera plus tard le batteur sur les derniers albums de God Bullies et il aura fallu attendre 2016 pour voir ce disque sortir en version CD.








La décennie 90 s’ouvre au doux son de Effete And Impudent Snobs, troisième album de Cows. Oliveri tient bon le cap à la batterie, seul poste qui a subi de fréquents changements alors que le reste de l’effectif est stable. Tim Mac est aux manettes mais c’est Dave Vandersteen (ingénieur son pour Babes In Toyland, Bastards etc...) qui produit le disque. Le résultat se fait sentir d’entrée sur Memorial. Cows rentre de plein fouet dans une dimension noise-rock qui gratte et écorche. De saletés, il en est toujours question mais elles sont méchamment abrasives et follement séduisantes comme sur Nancy Boy Cocaine Whore Blues. Cows meugle plus fort, chaque coup fait plus mal, cadre leur énergie rock dans des structures ressemblant de plus en plus à des morceaux accrocheurs. Et si Cows sait foncer dans le tas, ce rythme souvent entre deux eaux, faussement lancinant, bizarrement entraînant avec la scansion de Selberg (qui a retrouvé son clairon) qui ne chante jamais vraiment vont devenir leur marque de fabrique. Mais les émanations bordélo-rock’n’roll ne sont jamais loin, juste un peu plus torrides qu’avant (Cartoon Corral, The Emigrant Song), foutrement punk (Put Me Down) alors que Little Bit fleure bon un psychédélisme cauchemardesque et malsain comme il faut.






1991. Peacetika est le quatrième album de Cows. La paix et la svastika. Drôle de mélange donnant une pochette avec ce logo unique bien dans l’esprit déconnant et provocateur de Cows. Tony Oliveri quitte son poste de batteur et est remplacé par Norm Rogers. Tim Mac toujours aux manettes. Et Hitting The Wall qui ouvre le bal est le premier tube estampillé Cows. Un titre imparable de la discographie du quatuor de Minneapolis. D’un seul tenant, un seul même plan que Cows fait tourner en bourrique, mélodique pour du Cows et qui se siffle sous la douche avec un chant racontant une grosse journée de loser en alternant cri de chat de gouttière qui hurle son malheur et un autre posé, audible qui lui répond dans un dialogue de sourd. C’est d’ailleurs tout le chant de Selberg qui se fait plus varié, moins sauvage et braillard, toujours aussi intense, plus distinct et rythmé, à l’instar de la musique comme sur I’m Missing, titre plus mesuré dans son approche, avec un truc de triste et désabusé dans le fond. Et si l’ensemble de cet excellent court album de huit titres voit Cows évoluer et proposer un noise-rock qui grandit, domptant un brin sa fougue naturelle et son goût de l’absurde, Thor Eisentrager continue de ne pas vouloir faire de riffs, triture les cordes de sa guitare, les fait siffler et partir en vrille alors que la basse de Kevin Rutmanis n’a jamais aussi fortement raisonné dans le paysage d’un groupe qui se prépare au meilleur.






Et le meilleur commence par Cunning Stunts en 1992. Imitation de la pochette Out Of Lunch de Eric Dolphy, recto et verso avec les paroles au dos de la pochette affichées comme si c’était une nouvelle que Selberg signe par Morgan Mundane. C’était en fait le nom d’un personnage fictif que Steve Cannon (personnalité de la radio à Minneapolis pendant les années 60) utilisait pour faire des commentaires comiques sur l’actualité. Et l’humour potache, ça les connaît Cows avec ce titre d’album, le cinquième, Cunning Stunts (comment dit-on contrepèterie en anglais ?). Pourtant, Cows passe aux choses sérieuses avec cet album où toutes les planètes semblent enfin alignées. Iain Burgess à l’enregistrement donne plus d’espace et d’impact à chaque instrument, notamment pour la guitare dont on peut enfin profiter du jeu si particulier à sa juste mesure tout en gardant en ébullition l’abrasion naturelle de Cows. Cows sonne comme un vrai groupe noise-rock et peut ainsi évoluer en toute confiance, peaufiner ses attaques vicieuses dans des morceaux de plus en plus percutants, plus que jamais entraînants et irrésistibles dans tout ce qu’ils ont de malsain, perverti et déglingué. Ça commence par le sample d’une claque et un bébé qui pleure (Heave Ho), c’est merveilleusement débile et dérangeant comme sur Woman Inside et le chant en général de Selberg qui ressemble de plus en plus à un personnage de cartoon multipliant les voix différentes comme s’ils étaient plusieurs dans sa tête (ce qui ne doit pas être très loin de la vérité), ça va à fond de balle comme un rodéo diabolique sur le punk Walks Alone. La section rythmique est prise de soubresauts constants et crache le feu. C’est plein d’accroches tordues qu’on pourrait presque qualifier parfois de mélodies, ça déprave le blues et le rock pour les tremper dans un bain acide et noise à la mode Cows. Et le clairon de Selberg n’a jamais aussi paru aussi pertinent. Plus un harmonica sur Mr. Cancelled et des ajouts de guitares sur Mine de Iain Burgess, David Livingstone et Tom Hazelmyer, le boss de Amphetamine Reptile qui a publié là un des meilleurs disque de son catalogue qui en compte pourtant une palanquée.










Et le meilleur continue en 1993 avec le sixième album Sexy Pee Story. Avec un nom d’album aussi glamour et une pochette au goût génialement douteux et crétin, Cows est à son apogée. Mais le groupe en a rien à foutre. Cows toujours. Avec Burgess une nouvelle fois à la baguette, Sexy Pee Story surfe sur la vague Cunning Stunts tout en présentant des morceaux encore plus marquants, inspirés, méchants, homogènes bien que chacun reste unique. Cows tendu vers un but unique, sûr de son fait, maîtrisant totalement son art dépravé. Cows enchaîne les plans qui font mal, séduisent et mordent en même temps avec des titres dingues comme Shitbeard, Blown, Uptown Suckers, le morceau éponyme qui commence complètement ravagé avant de subitement se caler sur une structure efficace qui casse la nuque, Mrs Cancelled qui répond à Mr. Cancelled du précédent album, You Owe Me qui a un petit air de Nirvana dans le refrain et Sugar Torch confirmant sur cette cuvée que Cows savait allier puissance et déviance. Et bien sûr, l’incontournable 39 Lashes. Ce n’est pas une composition originale mais Cows a tellement personnifié ce titre extrait de l’opéra-rock Jesus Christ Superstar par Andrew Lloyd Webber et Tim Rice (il faut s’appeler Cows pour aller reprendre ce genre de truc) que ça en devient un morceau à part entière de leur répertoire. Plus de cinq minutes parce qu’il faut du temps pour donner 39 coups de fouet et allez au bout de cette dinguerie ressemblant à un bad-trip totalement halluciné.


C’est à la suite de cet album, en 1994, que Cows viendra en tournée en Europe en compagnie d’Hammerhead dont une date à Rennes aux mythiques Tontons Flingueurs. Contrairement à ce qu’à dit récemment dans une revue musicale française le chanteur-guitariste d’un groupe de Béziers (totalement surestimé et dont je n’ai jamais compris l’engouement général) qui s’était fait connaître en débarquant à Rennes, c’est la vénérable asso Kfuel qui avait fait venir pour la première fois Cows (quelques mois après la fournée Today Is The Day/Guzzard/Chokebore puis Hammerhead déjà avec Janitor Joe, quelle année !) à Rennes pour une date mémorable (mais apparemment plus pour certains). Bref, Cows n’avait pas volé sa réputation de groupe de scène, bizarre, furieux, détraqué. Tout comme la réputation de Selberg n’était pas usurpée. Une tentative d’interview qui n’a rien donné, des réponses tenant en trois mots et quand c’était plus développé, je n’y comprenais quedal. A l’heure actuelle, je me demande toujours si ce gars faisait exprès ou s’il était vraiment à l’ouest.








1994, c’est aussi l’année d’un nouvel album, le septième en bons bourreaux de travail que les quatre Cows enragés sont et qu’on imaginait pas. Alors forcément, à ce rythme effréné, Cows a le droit de baisser de pied et Orphan’s Tragedy, toujours sur Amphetamine Reptile, ne possède pas l’aura et la force de ces prédécesseurs. Surtout les deux derniers. Cows avait profité de son passage en France pour aller enregistrer au Black Box Studio avec l’exilé Iain Burgess fraîchement installé dans la campagne angevine et Peter Deimel. Et a mis le paquet. Quatorze titres, quasi cinquante minutes. On n’arrête plus Cows. Et c’est bien là le problème. Un album trop long avec des titres anecdotiques, du Cows en mode pilotage automatique, pas franchement mauvais mais pas franchement excitant non plus et comme un sentiment de remplissage avec des instrumentaux bidouillés (Unrefixed, Taxi). C’est du Cows, pas à sourciller là-dessus mais au bout du septième album, une lassitude se pointe, le groupe éprouve des difficultés à se renouveler. Il est toujours possible de trouver de bons moments sur ce disque comme l’introductif Cow Island ou le titubant Smell Shelf qui le termine après six longues minutes cacophoniques de jazz version Cows. Ou le traînant et étrange Pickled Garbage Soup, le lourd Witch Hunt avec la basse qui en met plein les gencives, Baby Love qui assez symbolique d’un disque où Cows se retourne vers des intonations plus rock’n’roll/blues qu’il a tant aimé pervertir tout au long de sa discographie ou Allergic To Myself un peu téléphoné pour du Cows (tout comme I’m Both) mais entraînant tout de même et qui en dit peut-être long avec son titre sur l’état d’esprit du groupe qui en a beaucoup fait depuis ses débuts. Je me rappelle un sentiment de déception à la sortie de Orphan’s Tragedy. Après des années et des années à ne pas avoir sorti le CD de sa boite, ce sentiment n’a pas vraiment changé même si le temps a largement atténué cet effet.











1996. Cows a cette fois-ci laissé couler un peu de temps entre deux albums. Whorn est le huitième album en neuf ans. Norm Rogers a quitté son poste et est remplacé par Freddy Votel à la batterie. Et le groupe de Minneapolis est retourné avec Tim Mac plus Randy Hawkins pour enregistrer Whorn dans des conditions live, c’est à dire tout le groupe en même temps et non pas instrument par instrument. Retour aux sources pour Cows mais avec cependant un son plus en adéquation avec leur présent. Bref, on entend tout bien mais ça sonne quand même pas pareil. A vrai dire, j’avais pas trop de souvenirs de Whorn. Ce qui n’est pas très bon signe. Alors qu’en fait, le sentiment dominant à l’époque était que Cows avait tout donné jusqu’à Sexy Pee Story et la suite était devenue secondaire, ne valait plus trop le coup d’être entendu. D’où des écoutes bien moins nombreuses et assidues. Whorn est pourtant un album méritant le détour. Cows explore son coté plus étrange, surprenant parfois, jazzy mais à la Cows, toujours, à savoir fantasque, tordu. Les morceaux ne sont plus aussi percutants, évidents même si les cavalcades, ruades et convulsions sont nombreuses comme sur le trépidant Mas No Mas, Four Things qui envoie comme au bon vieux temps ou une partie de l’excellent titre d’ouverture Divorcee’ Moore. Le nouveau batteur apporte une touche moins frontale qui va de pair avec cette approche plus difficile à lire. Selberg se permet même (d’essayer) de chanter sur Tropic Of Cancelled ou New Girl, ce qui n’a pas été sa meilleure idée car ce gars est au top quand il hurle de sa façon unique. En plus, ces deux titres ne sont pas leurs meilleurs inspirations, surtout New Girl dans un genre ballade insipide. Comme si Cows avait tenté une approche plus présentable et s’était vautré. Parce que leur domaine de prédilection reste ces mélodies bizarres, ce punk-noise hirsute, loufoque, malsain avançant à un rythme singulier, déviant et qui pourvoyait sa propre version du rock. A l’instar de Massa Peel qui débute comme une furieuse balle à la poursuite d’un sanglier et se dilue dans des affres d’un psychédélisme dont seul Cows avait les clefs. Sur la version CD, un morceau se cachait après plusieurs minutes de blanc. Qu’il reste caché à jamais.











1998. C’est le chant du cygne pour Cows. Sorry In Pig Minor, quand on se nomme Cows, c’est un bel adieu. D’un point de vue musical, c’est beaucoup moins réussi. King Buzzo, l’impayable Melvins, est à la production. Ce qui signifie encore plus de bizarrerie, d’extravagance, d’absurdité et de grands moments de flottement. Mais aussi de bonnes claques derrière les oreilles. Un Cows plus expérimental avec un King Buzzo qui s’amuse à des variations de volumes ou de tonalités qui font mal mais ne sont pas sans panache comme sur Cabin Man pour débuter l’album. Comme un avertissement qu’il va falloir s’attendre à tout avec cette ultime sortie de Cows. Plus de trois quart d’heure de montagnes russes, un disque fourre-tout dans lequel Cows a mis tout ce qui lui passait par la tête (et celle de son producteur). Conglomérat de titres punk, noise, country, jazzy, rock, baroques, expé, psyché, biscornus, excentriques, sans oublier une espagnolade (El Shiksa). Concluant parfois, souvent amusant (mais pas très longtemps), anecdotique régulièrement ou carrément ennuyeux. Say Uncle, le péplum de treize minutes qui conclut le disque regroupe plus ou moins toutes ces qualités. Des morceaux qui n’en sont pas vraiment ou trop rarement. Si c’est leur album le plus personnel et étrange, il est aussi le moins dingue.






Singles ::





Chow est le premier single et le second disque que Cows a publié chez Treehouse records. Face A, Chow figurait sur Daddy Has A Tail! Mais cette version single est antérieure. Quasi identique dans les faits mais avec un autre enregistrement, celui de Brian Paulson (orthographié Paulsen au dos de la pochette et à trois reprises !) en 1988 et donc un son plus bordélique. Qu’importe. Avec cette ligne de basse homérique, on reprend sans forcer. Face B, deux inédits. Le court, punk et anecdotique Remember You qui porte très mal son nom. Et le plus long Porky Pig Factory qui ne casse pas trois pattes à un canard mais fait le boulot avec sa basse qui fait dire que ce Rutmanis, c’était quand même quelque chose alors que Eisentrager fait en gros n’importe quoi. C’est enregistré en 1987 (sur un 16-pistes mais je pense que c’est écrit pour la déconnade) et sans doute une chute de studio recalée pour Taint Pluribus Taint Unum. Et qui commence par un sample d’un gars qui hurle Don’t knock so loud, cuz there’s one thing i hate and that’s noise. I hate noise. Voilà qui est parfait.











Ça c’est un single qu’il est vraiment bien. Parce que Slap Back, le morceau phare est un pur inédit. Ne figure sur aucun album. Pas même sur une compilation du groupe qui sortira plus tard. Ou d’autres compilations diverses et variées sur lesquelles Cows a disséminé pléthore de titres. Et qu’en plus, Slap Back est un vrai coup de boule que c’est un des meilleurs morceaux de leur abondante discographie. Comme un diamant brut oublié de tous. Avec ce personnage sur la pochette ressemblant à une caricature de King Buzzo, Slap Back joue les gros bras. Une basse outrageusement distordue et mise en avant qui fait dire que ce Rutmanis et je crois ne jamais l’avoir dit, c’était quand même quelque chose. Et qui fait tout le sel, que dis-je, la poutre de ce titre où Selberg traîne étonnamment de la voix presque fantomatique pour faire un contre-poids à la lourdeur ambiante. Le rythme foncièrement entraînant, la batterie bénéficiant aussi d’un son proche de la saturation, la guitare qui déchire son blues finissent par former un bloc impeccable propulsant Slap Back dans une sphère hautement volcanique. Un morceau ne sonnant pas comme la plupart des habituelles compos de Cows. Face B, One O’Clock High est aussi un inédit. Ou presque. Il ne figure que sur la compilation Our Gold 1989-1991. Un CD publié en 96 par Amrep, regroupant les trois albums Daddy Has A Tail!, Effete And Impudent Snobs et Peacetika. One O’Clock High avait été ajouté là à la toute fin du CD, on sait pas trop pourquoi. Mais pas Slap Back. Une face B qui n’a pas la personnalité de la face A mais c’est pas une raison de zapper. Un rythme cowpunk, une atmosphère western décadent, la guitare qui fait son bordel pas dans les manuels pour strier de bruit le paysage prenant une drôle de couleur poussiéreuse sous acide. De tous les singles de Cows qui sont loin d’être indispensables, Slap Back est le seul qui compte véritablement.





C’est en 1992, sur Insipid vinyl, un label Australien, que Cows publie Woman Inside, un titre qui avait fait les beaux jours de Cunning Stunts. Version légèrement différente dans la forme. Et un peu plus dans le fond puisque c’est enregistré par Tim Mac et non Iain Burgess pour l’album. Par contre, les cris aigus honteusement criants de Selberg sont toujours autant débiles. Et angoissants. Face B, une adaptation de Midnight Cowboy figurant sur Cunning Stunts et se nommant Theme From Midnight Cowboy. Un instrumental pour contempler la lune après une dure journée de labeur à mener le troupeau à l’abattoir, une sérénade mélodique qui gratte avec juste ce qu’il faut de décalage, d’étrangeté et de chœurs pour briser les cœurs. Cows mais humain avant tout.









Toujours en 1992 et retour sur Amphetamine Reptile avec un single qu’il est pas mal d’avoir si Cows est un groupe qui compte pour vous et que vous voulez briller en société. Plowed et In The Mouth sont deux inédits ne se retrouvant sur aucun album, aucun disque, rien, quedal, nada. Plowed, ça vient du verbe To plow. Ça veut dire labourer. Cows a de la suite dans les idées, c’est certain. Et des bonnes avec ce sample d’une voix féminine qui répète innocemment et répète encore Hello Baby, encore et encore pour commencer le morceau et qui fait croire que le disque (jaune crème, jaune pure pour les autres) est rayé. La vraie suite est punk, c’est la face A, et ça voit Cows labourer son lopin de terre habituel noise-punk avec l’entrain qu’on leur connaît, un peu plus que ça même, sans déborder du sillon que le groupe s’est tracé depuis des années mais ce titre fonctionne à merveille. Give me a kiss sweetheart. Face A+, In The Mouth swingue parce que Cows aime swinguer et faire trémousser les foules. Et pour ça, rien de mieux qu’un clairon qui claironne pour mettre du sourire dans tes jambes de lumière. A part ça, tout va bien. Et ce n’est pas fini. Si vous êtes l’heureux propriétaire de la version CD de Plowed, deux autres inédits fleurissent le répertoire de Cows. Cows est généreux. Joan Baez parce que cette grande dame de la chanson américaine a toujours été une source d’inspiration pour Cows. Et ça s’entend parfaitement. Mais j’avais pas souvenir qu’elle faisait autant de bordel et que ces riffs couinaient autant. Cows ne respecte rien. Quelle honte. Et pour finir, I Love You, une ballade acoustique qui n’est pas faite pour déclarer sa flamme à son âme soeur mais pour rire. Ou essayer de ne pas rire (comme on l'image pendant l'enregistrement) à l’écoute de cette roucoulade d’une authenticité rare. Yes I do. Yes he does.




D’autres 45 tours, Cows en a réalisés. Cow Island en 94 (Amphetamine Reptile) mais ce titre figure à l’identique sur Orphan’s Tragedy. Quant à la face B, Chicken Rhythm, le titre est à prendre au pied de la lettre (quelle lettre ?). Le swing du poulet vu par les Cows, instrumental débile digne d’un plan à la Plainfield dont le chant consiste en une sidérante et parfaite imitation de caquètements de poules. Suivant.
En 95, Cows sort sur Amrep un split avec Melvins, Porn 4, une série du film documentaire Porn qui avait déjà vu des splits entre Halo Of Kitten/Hammerhead, Melvins/Guv’ner et Mudhoney/Strapping Fieldhands. Mais le titre de Cows, Pictorial, est déjà présent sur Taint Pluribus Taint Unum et la compilation Screwed Out (Amrep, 1996). Et le Black Throat de Boss Hog figure aussi sur le single Action Box paru en 91. Next.
Quant au split avec Headcleaner paru en 96 pour la série française Erase-Yer-Head de Pandemonium records, il en avait déjà été largement question sur cette page. Téléchargement compris.











Par contre, The Missing Letter Is You publié par Thick records en 1997 est un disque qui mérite de s’y attarder. Déjà parce que c’est le format toujours classe du 10’’/25cms. Que c’est un picture disc dont l’artwork est signé Paul Metzger. Et qu’il propose des versions différentes de quatre morceaux à paraître sur Sorry Is Pig Minor et qui sont bien plus intéressantes. Va encore pour Death In The Tall Weeds très similaire et qui était de toute façon un des titres les plus bandants de Sorry Is Pig Minor car dans une veine plus punk efficace à la Cows que expe-bizarro. Ce qui n’est pas le cas de Say Uncle ramené de treize à cinq minutes et quelques et bien marquant après cette cure d'amincissement car Cows n’a gardé que l’essentiel, c’est à dire le meilleur. Felon Of Troy a connu le régime inverse. Il a grossi de plus de deux minutes et cette version free-noise-jazz gagne considérablement en intensité dans un furieux et déroutant crescendo incendiaire. Seul Dear Dad est resté dans son jus quelque soit la version, un instrumental suranné pas très affriolant tout comme les cinquante-six secondes de l’inédit également instrumental Unentitled qui s’excite pas mal en vain dans le registre free-jazz de l’enfer. Bref, un disque de Cows pas prépondérant mais qui possède son charme. Un peu comme toi mon biquet.


Il aurait encore été possible de parler des nombreux morceaux que Cows a donné pour des compilations, notamment la plus célèbre d’entre elles, Dope Guns ’n Fucking In The Streets et que c’est un inédit même, Almost The God, de très bonne facture. Inédit, c’est aussi le statut de You Are So Beautiful et How Dry I Am qui ont été enregistrés pour une Peel Session et que Amrep avait publié sur un CD en 1996 avec également Helmet, Tar et Surgery. Ou de Milk For Pussy sur la compile Milk For Pussy International Virus Number 1 sur Mad Queen records en 93. Et si vous n’êtes toujours pas rassasiés de titres jamais entendus et autres trésors enfouis de Cows, vous avez le single Scumbait #1 paru en 89 sur Treehouse (avec aussi du Unsane NYC dessus) et dont vous connaissez déjà tous les détails car cette page n’a plus de secret pour vous.
Dans les sorties post-mortem (bien que Cows s’est parfois réactivé pour des concerts afin de fêter de grandes occasions que leur pote Tom Hazelmyer avait créées), Amphetamine Reptile justement a fait craché le porte-monnaie des fans en réalisant un split single avec Melvins, le Sugar Daddy Live Split Series mais c’est Chow qu’on retrouve dessus. Et surtout Stunning Cunts, The Legendary Demos Of The Legendary Cunning Stunts, vol.1 et vol.2, à savoir deux 10’’ en 2014 et 2015. Des sorties totalement introuvables désormais et qui coûtent un rein quand c’est le cas (mieux vaut chercher la version CD regroupant les deux 10'').
Et pour finir (si vous êtes encore là), pour les plus gourmands et les nerds, Orpheu’s Travesty. Un CD-r que Freddy Votel et Kevin Rutmanis ont compilé et vendu à certains concerts à la toute fin de Cows (mais que des petits malins ont eu la bonne idée de rendre disponible dans le monde virtuel). Des raretés, des démos, des versions alternatives, Hitting The Wall en version live et une sélection de leurs morceaux préférés de leur groupe qui a cessé de respirer en 1998.

Shannon Selberg n’a cependant pas rangé les tatouages et le clairon. The Heroine Sheiks est son groupe d’après. Kevin Rutmanis a fait parler de lui en devenant le 384ème bassiste de Melvins avant de se faire virer comme tous autres. Il a aussi donné de son temps au sein de Tomahawk, The Fantômas et Hepa-Titus. Freddy Votel a continué de battre la mesure chez Skoal Kodiak, Total Fucking Blood et sans doute bien d’autres groupes déjantés. Thor Eisentrager était gardien de musée à Chicago quand il ne jouait pas de la guitare pour Cows. Il a dû prendre un temps plein. Quant à Norm Rogers, c’est bien plus radical puisqu’il est mort le 19 février 2018.

Voilà, c’était la petite histoire de Cows. Un groupe qui n’a jamais signé sur une major à une époque post-Nevermind où toutes les majors signaient à tour de bras ce genre de groupes dans l’espoir de dégoter le nouveau Nirvana parce que Cows faisait peur et il était définitivement bien trop à part. C’est pour ça qu’on l’aime.

SKX (11/08/2023)

Discographie albums ::

Taint Pluribus Taint Unum [Treehouse records 1987]
Daddy Has A Tail! [Amphetamine Reptile records 1989]
Effete And Impudent Snobs [Amphetamine Reptile records 1990]
Peacetika [Amphetamine Reptile records 1991]
Cunning Stunts [Amphetamine Reptile records 1992]
Sexy Pee Story [Amphetamine Reptile records 1993]
Orphan's Tragedy [Amphetamine Reptile records 1994]
Whorn [Amphetamine Reptile records 1996]
Sorry In Pig Minor [Amphetamine Reptile records 1998]