Bakamono
était un groupe de Santa Cruz, Californie, rapidement relocalisé
à San Francisco, ayant réalisé deux albums et une
poignée de singles entre 1993 et 1996. Bakamono, ça sonne
comme du japonais et pour cause, c'est du japonais, une insulte de base
à laquelle vous pourrez répondre toi-même ou
un pain dans la tronche suivant votre humeur, si un jour, elle vous est
adressée. Plusieurs visuels de leurs pochettes reprenaient également
l'imagerie manga. Retrouvez un japonais à la tête de Bakamono
coule donc de source dans une veine jaune. Son nom, Eiso Kawamoto et avec
Paul Hischier, ils vont composer la paire guitaristes / chanteurs de Bakamono
avec le bassiste Sean Dorn et le batteur Dan Martin.
Une musique souvent comparée à leurs potes de Steel
Pole Bath Tub et Sonic Youth mais avec un tel sens du bordel, de branlitude
et de non professionnalisme que leur noise-rock psychédéliquement
désordonné ne rencontrera qu'un écho secondaire mais
suffisamment jouissif pour qu'on en touche deux mots.
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Les
premiers pas de Bakamono ne sont pas marqués par le sceau du
génie. Un split single avec Oiler, autre groupe californien,
sur Theologian records en 1993. Le premier rot à la face du
monde de Bakamono se nomme Slimeball. Et dégoûtant,
ce morceau l'est mais comme on aime. La gueule d'une démo avec
un enregistrement ressemblant à un gros pâté.
Un noise-rock épais, erratique, pas en place, dans lequel Bakamono
aurait pu tailler trois morceaux d'une composition trop longue, entre
guitares élastiques, basse qui bouffe tout et des chants de
saoulard. Un morceau qui montre également que Bakamono a de
l'idée au kilomètre à revendre. Avec de la discipline
et du savoir-faire, les vilains petits canards peuvent se transformer
en bêtes de foire. Un mot sur la face Oiler. Leur Anti-Gravity
en manque beaucoup. Compo totalement bancale, punk-noise frustre et
rachitique, rythmique de bidons, chant dont je suis incapable de dire
si il est féminin ou masculin. Ca n'a pas l'air très
appétissant dit comme ça mais comme pour Bakamono, ce
rock à l'instinct, loin d'être formaté, a quelquechose
de jubilatoire.
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Difficile
de situer la place de ce single dans leur discographie puisque aucune
date, aucun renseignement ne transpire sur la pochette. Mais vu la
tronche des compos et la qualité de l'enregistrement, on peut
raisonnablement penser qu'il vient en seconde position. C'est sorti
sur Serene Sardine records, tout un programme, avec trois titres au
compteur. La seule chose claire sur ce disque, c'est la mention barrant
la pochette : Ultra hi-fidelity anti-sound ! Bakamono, c'est
tout et son contraire mais les progrès sont indéniables.
Le son prend forme, ils mettent de l'ordre dans les compos tout en
gardant un cahier des charges où le mot freaks est inscrit
au burin. Sur les inner grooves, une face dit If you don't rock
for Satan et l'autre You don't rock at all. Le rock-noise
de Bakamono est donc diabolique, surtout la face B, Tallow,
dont la logique m'échappe. C'est un peu Polvo au pays des furieux
groupes japonais qui pointaient leurs drôles de museaux au début
de cette décennie. Une noise atypique avec suffisamment de
branches pour s'y accrocher. Sur la face A, deux morceaux dans lesquels
Bakamono taillent enfin dans le lard. Egomaniac, noise-rock
virulent, fonçant droit devant et à peine perturbé
par des lignes de chants frénétiques et deux guitares
ponceuses. Quand à Speed Donkey, c'est le morceau le
plus ouvertement Steel Pole Bath Tub et n'aurait pas dépareiller
sur Butterfly
Love, les samples en moins. Mais ce qui est le plus diabolique,
ce sont les trois locked grooves qui polluent le disque. Deux en fin
de chaque face et, perversion ultime, entre les deux titres de la
face A. Un single éreintant à écouter.
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En
1994, Bakamono monte en grade en sortant un troisième single
sur le plus connu label Karate Brand records (A Minor Forest et
la compilation Smitten avec des morceaux de Jawbreaker, Slug,
Unwound, Distorted Pony, Cherubs, etc
). Pochette en carton
épais, manga interdit au moins de 16 ans et deux titres qui
fixent le futur. Kansas, sous-titré en entre parenthèse
(Asia, Turlock, Journey, Nazareth, Uriah Heep, Boston, Yes)
et Quayle Dobbs. L'impression que ça part toujours
dans tous les sens mais bizarrement, on ne se sent plus perdu. Compositions
narratives, des tape samples apportés par Robb Mueller, des
parties bubblegum, des déflagrations lentes, des montagnes
russes, de l'adrénaline difforme, du chant parlé,
des cris rauques qui partent du fond du ventre, des lignes de guitares
défiant le paranormal mais surtout une totale maîtrise
de leur folie, de la part d'un groupe qui n'a pas perdu de vu que
c'est avant tout de rock dont il est question. Mais mieux vaut quand
même ne pas l'aimer carré.
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La
même année, Bakamono sort son premier album, The Cry
Of The Turkish Fig Peddler sur Basura! Musica et Priority records.
Un disque six titres en version vinyle mais avec quatre de plus sur
la version CD, ces quatre derniers étant issu de Unko,
un 10'' réalisé la même année par Basura!
et Priority.
Le
puzzle Bakamono se met en place, le manga fou explose à toutes
les cases mais l'histoire, vue dans sa globalité, est compréhensible.
Et rien de tel que les dix minutes introductives de This is an
Unreinforced Masonry Building pour mettre de suite les pieds dans
le plat. Entre rage noise-rock, éruptions bouillonnantes, changements
de directions brutales, psychédélisme malsain et riffs
répandant des bouts de mélodies salvatrices pour ne
pas être noyé sous la masse, Bakamono sent le souffre.
Avec cet air de j'en ai rien à foutre les rendant encore plus
imprévisible. Les morceaux suivants sont à l'avenant,
notamment les deux perles Manteca, Dope is the Thing with
Feathers et l'intro de basse bubblegum de Dead Zoo. Un
mélange de Polvo et de guitares désaccordées
et vrillantes, de Sonic Youth, de Steel Pole Bath Tub, de Slug, le
pétage de plomb en plus. Bakamono déforme la réalité,
attaque les gencives en y prenant un plaisir maximal. The Cry Of
The Turkish Fig Peddler, LE disque de Bakamono.
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En
1995, nouveau single avec Two More Erectifying Hits, les dénommés
Gypsy (tournant en 33 tours) et Ms. Pac Man (tournant
en 45 tours) sur Big Jesus records. Pochette manga et brillante dans
tous les sens du terme, limite pailletée avec mini comic booklet
à l'intérieur complètement débile : The
Curse of Bakamono by J.R.H. Bakamono est en formation trio, Sean
Dorn s'étant fait la malle. Plus de bassiste donc, ce qui n'empêche
pas les deux guitares, la batterie et les chants odieux de Bakamono
d'électrifier les foules. Bakamono surfe sur la forme de son
album avec deux titres aussi joyeusement tordus, noise-rock turgescent
qui bave en gardant son épicentre bien dur. Gypsy donnne
envie de jouer du couteau, tour à tour rampant, explosif, tumultueux
et touffu alors que le riff de Ms. Pac Man est plus évident
et qu'elle a l'urgence au cul.
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Le
chant du cygne de Bakamono se fait avec Long Time Cain, deuxième
et dernier album réalisé en 1996 sur Super 8 records,
label de la cote Est à qui on doit notamment un single de Slughog.
Ce qui ne signifie pas du tout que Bakamono durcit le ton et va jouer
les gros bras lourdingue. Le groupe reste en mode trio et dans ce
fumant mélange explosif de noise-rock cagneux et généreux
mais se perd également en longueur.
L'album débute pourtant bien avec trois excellents titres courts,
efficaces et plus directs que d'habitude (le triptyque Sex Video,
Smooth Surface, Kava) avant de subir son premier accro
avec le quatrième morceau qui a donné son nom à
l'album. Bakamono nous pète un Long Time Cain de treize
minutes en plein milieu du disque. Les trois premières minutes
sont pourtant engageantes mais toute le reste n'est que larsen / modulation
/ stridence / cafouillage, cassant la belle dynamique d'un album qui
va peiner à s'en remettre. Le Ms. Pac Man, du précédent
single remet du baume au cur sauf que cette version, modifiée
et en version instrumentale, ne vaut pas l'original. Pour finir, deux
instrumentaux (et un morceau caché, inutile comme à
chaque fois), SMD et Translucent Skin of our Abductors,
qui n'ont rien de rédhibitoires mais ils sont marqués
par une certaine mélancolie et retenue, fait inhabituel chez
Bakamono. On sent surtout que la flamme n'y est plus, la révérence
est tirée.
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L'histoire
aurait pu s'arrêter là. Sauf qu'en 1999, une rumeur laissait
entendre sa vilaine voix pour annoncer un nouvel album. Il aura fallu
attendre douze années pour que cette rumeur se confirme. Fin 2011,
Eiso Kawamoto postait ce fameux et improbable troisième album sur
soundcloud. Huit titres enregistrés en 1999 par Tim Green, avec
un certain Scott Larson à la basse et qu'une incommensurable flemme
couplée à un désintérêt total des membres
de Bakamono envers leur propre musique ont transformé en un disque
virtuel, qui verra peut-être - mais plus sûrement jamais -
le jour sur un support physiquement tactile. En attendant cette éventualité,
vous pouvez télécharger
gratuitement ce disque qui aurait fait un très honnête album
et bien plus que ça même. Bakamono n'a rien perdu de sa verve
mélodique et sa manière unique de l'embrouiller, la noyer
sous des effluves bruyants. L'album est plus compact et homogène
que Long Time Cain, ne souffre pas de longueurs. C'est même
ce qu'ils ont fait de moins barré, Bakamono présentant un
visage plus incisif que sur tous leurs précédents disques,
tout en espérant que le morceau Soete Solo Song et son solo
de guitare soit du second degré
Un album sans nom, sans visage
mais qui mériterait de prendre forme.
SKX (02/04/2012)
Discographie ::
Slimeball - split 7'' with Oiler (Theologian Records 1993)
Ultra Hi-Fidelity Anti-Sound 7'' (Serene Sardine Records 1993 ?)
Kansas/Quayle Dobbs 7''(Karate Brand Records 1994)
Unko 10'' (Basura! Musica/Priority 1994)
The Cry Of The Turkish Fig Peddler CD (Basura! Musica/Priority
1994)
Two More Erectifying Hits 7'' (Big Jesus records 1995)
Long Time Cain CD (Super 8 records 1995)
Unreleased album (1999)
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