Groupe suisse qui a
secoué la vieille Europe entre 1991 et 1999, Alboth! est une exclamation,
un cri avant-gardiste, une explosion à fragmentation dispersant
ses projectiles sur de multiples territoires musicaux pour créer
une entité unique.
Alboth! est né à Berne, tire son nom d'un personnage suisse,
Herbert Alboth, qui vécu de drôles d'histoires au sein de
la loge P-26 et tué à Berne en 1990. Le mystérieux
assassin aurait laissé comme seul message le mot Amour. L'année
suivante, le groupe Alboth! sort son premier album appelé Amour
1991 (sur le label Permis de Construire Deutschland).
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Alboth!
avance en trio, n'aime pas la guitare et se démarque par sa
formation bizarre : basse (Christian Pauli), batterie (Michael Werthmüller)
et piano (Peter Kraut), un vrai, pas un foutu synthé. Et du
chant/cri, un peu mais toujours saisissant par Pauli et Kraut. La
pochette représente le fameux logo qui les suivra sur toutes
leurs sorties, logo qu'un ami graphiste leur suggéra après
avoir visité une église italienne moyenâgeuse.
Le sacré et l'ancien, Alboth! le pourfend allègrement
avec Amour 1991, base d'un futur travail où pendant
vingt minutes, le trio fait télescoper musique free-jazz, avant-gardiste,
Naked City et une énergie brutale, digne d'un hardcore dépouillé.
Musique ultra rythmique, le piano n'est pas là pour apporter
sa petite mélodie et un brin de douceur. Touches cognées
ou cavalcade effrénée, la dureté est de mise
chez Alboth! Andre Buerki et Katrin Frauchiger apportent leurs contributions
vocales sur deux morceaux et Amour 1991 débarque comme
un OVNI. Avec trois titres ridiculisant Melt-Banana sur le terrain
de la longueur. Sandra Gasser dure 8 secondes, Der Mord,
6 secondes et l'imbattable Der Stich atteignant péniblement
les
1 seconde ! Une seule petite seconde d'une courte respiration.
Et on commence déjà à en manquer alors que le
meilleur est à venir.
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1992,
Alboth! recrute un chanteur à plein temps, Daniel Lieder. Et
fait appel à Kevin Martin, leader du groupe/collectif anglais
God, pour produire Liebefeld (PDCD), le deuxième album
d'Alboth! Dans ses bagages, Kevin Martin apporte Alex Buess, du groupe
16-17 et God, tout aussi Suisse et précurseur qu'Alboth!, pour
des parties de saxophone sauvage, ainsi que Hans Koch et Werner Lüdi
pour encore plus de clarinette-basse et de saxophones sauvages.
Mais Alboth! reste Alboth! et ne fait pas du God sous la coupe de
Martin. Le son s'étoffe, l'espace est lézardé
d'éclairs brûlants, ça bombarde avec une précision
atroce, c'est la guerre là-dedans. Alboth! est une machine
rythmique infernale. Le désormais quatuor a arrêté
ses conneries de morceaux de quelques secondes tout en restant concis
et percutant. Ca peut sonner horriblement déstructuré
mais c'est surtout d'une force et d'une brutalité dramatique.
On parle de death-jazz, de Borbetomagus, de John Zorn, de grindcore
mais c'est surtout hardcore au sens strict. Une musique dans ta face,
puissante, inventive, gardant un espace de survie et sans saturation,
qui n'est certes pas de tout repos mais avant tout, pure énergie,
adrénaline frénétique et rock dans sa moelle
épinière qu'Alboth! tord dans tous les sens.
Tous les titres font référence à des personnes
ou groupes connus. Pas de parole mais des borborygmes, des injonctions
et des titres qui se déclinent au nom de Aldo Moro,
Diego (pour Maradona ?), Judas Priest, Herbert Von
Karajan et même Tapie (pour notre Nanard national
?). Alboth! marque son territoire et les esprits et devient, aux cotés
des Young Gods ou Goz of Kermeur, des fers de lance européens
de la part d'une scène suisse détonante et à
très forte personnalité.
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Deux
années s'écoulent et en 1994, Alboth! réalise
le CDEP Leib, toujours sur le label allemand PDCD. Alboth!
ne reste pas sur ses acquis. Exit Kevin Martin, exit les cuivres fiévreux.
Alex Buess est toujours présent mais uniquement pour l'enregistrement.
Le groupe suisse se tient à la formation de base qu'il ne quittera
plus : chant, piano, basse, batterie avec quelques rajouts de sampling
pour Kraut et des effets pour la voix de Lieder. Une voix cette fois-ci
qui articule, qui prononce de vrais mots, incompréhensibles
vu le niveau affligeant de ma maîtrise de la langue de Goethe
mais dont la sonorité allemande rajoute à la rudesse
de l'orchestre disciplinaire suisse. Cinq titres montrant un visage
d'Alboth! moins tourné vers le free en tout genre, moins déstructuré.
La punition n'en est que plus forte, plus martiale et abrupte. La
basse est hyper distordue, immense, et son association avec la batterie
fait des merveilles, paire rythmique, clef de voûte de l'édifice,
capable de joutes monstrueuses comme sur Evan Gluck ou Lüdi.
Alboth! continue d'impressionner.
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En
1995, nouveau CDEP de quatre titres, le dénommé Yorn,
mais change de label. Ce sont les Italiens de Sub/Mission qui accueille
désormais Alboth!. Un maxi un poil anecdotique puisqu'on retrouvera
les deux titres principaux (Freivogel et Lalas) sur
Ali, l'album à suivre et les deux autres titres sont
des remix. Les deux inédits confirment la tendance plus rock
entre aperçue sur Leib et confirment surtout qu'Alboth!
va tout arracher sur son passage mais ça, on va en reparler
au paragraphe suivant. Pour ceux qui ont le souci du détail,
il faut noter l'inversion des titres sur la pochette. Le 1er morceau
n'est pas Freivogel mais Lalas et donc Lalas
est Freivogel. Les deux remix concernent tout d'abord Barschel,
un titre qui figurait sur un 45 tours paru en 1992. C'est une reprise
de King Crimson, influence parmi tant d'autres d'Alboth! et ils se
l'approprient dans un pur style Albothien. Le deuxième remix
se nomme Liebefeld (dont on retrouvera une deuxième
version à la fin de Ali), avec un sous-titre qui fait
peur, Recycled techno-mix. Mais la techno selon Alboth! est
une drôle de mixture qui continue de faire peur. Un assemblage
de samples tirés de l'album Liebefeld, soutenu par la
paire basse-batterie et constituant au final un titre comme un autre.
Finalement, ce maxi n'est pas si anecdotique que ça.
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Yorn
sert surtout à vous mettre l'eau à la bouche, vous exciter
les papilles avant Ali, le troisième album qui sort
quelques mois après. Freivogel et Lalas ouvrent
le théâtre des grandeurs. La bastonnade rythmique en
plein milieu, voir tout le long de Freivogel, titre phare du
répertoire d'Alboth!, est un grand moment de sport et avec
la diction de Lieder qui claque comme un fouet, l'entrée en
matière vous met déjà un genou à terre.
L'intro de Freivogel fait d'ailleurs penser à du Shellac
mais la comparaison va s'arrêter là. Alboth! est cent
fois plus punitif et impressionnant. Au passage, n'étonnerait
personne qu'Albini soit fan de ce groupe.
Le bleu de la nuit, la froideur de l'acier, l'astronomique pesanteur,
Ali est un formidable condensé de rage, de finesse (la
splendeur de l'inquiétant Berger), regroupant sous une
même bannière un public appréciant les musiques
extrêmes et free et un public qui aime quand c'est plus carré
et droit dans la face. Lieder roule les R, crache ses mots, le piano
joue au fou, le couple batterie-basse n'en finit plus de vous mettre
le second genou à terre et Alboth! aligne douze titres d'une
indéniable aisance technique mais surtout sans cesse traversés
par un furieux esprit hardcore. Ce disque pourrait sortir aujourd'hui,
on y verrait que du feu et irait directement en haut du panier. Très
grand disque.
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C'est
cette même année 95, en décembre, qu'Alboth! rend visite
aux Tontons Flingueurs à Rennes, en compagnie d'Heliogabale. L'occasion
de vérifier le bien fondé de leur réputation scénique,
s'interloquer sur le chanteur qui fait des pompes dans les backstages avant
de monter sur scène, la déflagration qui en suivi et la reprise
de Einsturzende Neubauten. Je ne me rappelle plus le titre mais je me souviens
très bien de l'idée de génie du batteur qui avait utilisé
un grand tuyau en plastique pour cette reprise très personnelle qui
avait fini d'achever tout le monde. Et aussi de ce même batteur qui
n'avait pas supporter le breuvage local d'après concert et qui s'en
était lamentablement pris aux rétroviseurs de bagnoles.
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Il
faudra bien deux années pour se remettre de cette claque monumentale
et avoir des nouvelles d'Alboth!. Ca sera fait en 1997 avec l'album
Amor Fati. C'est le label marseillais Pandemonium qui hérite
de la bête. Désireux de constamment évoluer, pour
le meilleur et pour le pire, le groupe suisse qui vit entre Berlin
et Bern, profite des studios que la Radio Nationale Suisse à
Zurich leur met à disposition, pour expérimenter de
nouvelles voies. Et elles sont impénétrables.
Après Ali le véhément, Amor Fati
le silencieux. Il n'y a guère que sur Bornhauser qu'Alboth!
ressort la machine à torgnoles. Le reste est à l'image
de la pochette. Ambiance céleste, traversé par une architecture
incompréhensible. Les trois premiers morceaux font respectivement
3, 5 et 9 minutes. Pas une seconde de plus. Les trois derniers morceaux
font respectivement 9, 5 et 3 minutes. Pas une seconde de plus. Au
milieu, le morceau David de Pury, économiste suisse
hyper néolibéral, acte en trois parties de 15 minutes.
Pas une seconde de plus. Ca l'air carré comme ça mais
c'est l'album d'Alboth! le plus vaporeux. Grouillements de bruits,
rythmes feutrés, pulsations d'escargots, le piano a pratiquement
disparu pour laisser la place à de savants samplings et bruits
d'ordinateurs. Le chant se perd dans les volutes de nuages. Le couple
basse-batterie a beau essayé de temps à autre de sortir
du brouillard, Amor Fati est un drôle d'enchaînement.
Seule constante, cette atmosphère glaciale et martiale qu'Alboth
continue de répandre. Maigre consolation.
Mais Alboth! est ainsi. Ne jamais se répéter, ne pas
chercher à plaire, aller à contre-courant.
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Ça
sent le sapin. Mais Alboth! a un ultime sursaut d'orgueil en 1999.
Il s'appelle Ecco La Fiera. Alboth! passe du marseillais Pandemonium
au bordelais Sonore records, le label de Franck Stofer, batteur du
duo Belly Button. Alboth! change surtout de personnel. Christian Pauli
et sa basse se font la malle et est remplacé par une
guitare, celle de Tito. Peter Kraut embarque également son
piano et n'est pas remplacé. Alboth! finit comme il avait commencé,
en trio, avec comme seul fil rouge, Werthmüller le batteur.
Des années que je n'avais pas écouté Ecco
La Fiera. Dans mon souvenir, ce cinquième et dernier album
était un pur moment d'extase, un OVNI de plus dans la discographie
d'Alboth! En 2011, c'est toujours un disque sans âge. Mélange
d'électronique, de rock, de noise, d'expérimentations,
d'ambiances froides et lyriques. Moins de joutes rythmiques qui tabassent
mais une impression de dureté qui demeure. Alboth! a retrouvé
du dynamisme et du coffre. La voix de Lieder reste gutturale, effraie
les petits enfants mais se diversifie et se marie à celle de
Kim Kaveller sur Kirkpinar, duo de vocalises aussi baroque
que puissant. Les entrelacs de guitare sont percés par des
rythmes percutants et inventifs. Le son gagne en richesse, perclus
de samples/computer, de bruits non-naturels, de couches de tensions
qui se superposent, tournent en boucle, vous hypnotisent, atmosphère
tour à tour onirique ou malsaine. Une tension continue malgré
la diversité des morceaux où seul la fin de Fleischhauer
et son passage purement electro apparaît un brin trop long.
Seulement cinq titres mais trente-cinq minutes de bonheur et d'une
richesse musicale incroyable.
Alboth! a trouvé le moyen d'évoluer une nouvelle fois,
de réaliser un album qui ne ressemble pas au précédent
et encore moins à ceux d'avant tout en maintenant la touche
Alboth! bien enfoncé au fond de votre crâne. Et en ne
ressemblant à aucun autre disque de quel groupe que ce soit,
passé et actuel.
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Au
rayon des singles, la discographie d'Alboth! n'est pas d'un intérêt
dingue.
Ils publient le premier en 1992, juste après l'album Amour
1991. Ce single s'appelle Barschel sur le label Record
Junkie. On retrouve donc Barschel en version live, reprise
de King Crimson, dont un remix figure sur le maxi Yorn. Face
B, Aldo Moro qui figure sur l'album Liebefeld et Rentsch,
reprise d'une composition de Hans Koch, multi-clarinettiste et saxophoniste
présent sur Liebefeld. |
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En
1993, toujours sur Record Junkie, c'est un split single avec Bishop's
Daughter, autre groupe suisse qui m'est totalement inconnu. Une
fois lu le message d'avertissement qui stipule que les labels centraux
ont été inversés, on met la face Bishop's Daughter
pour écouter le morceau d'Alboth! qui reprend un morceau de
Bishop's Daughter. Simple à comprendre, non ?! Je ne connais
pas l'original (Insane) mais Alboth! se le réapproprie
facilement à grands coups de basse distordue. C'est l'époque
Liebefeld / Ali et Alboth! cogne.
On tourne le vinyl tout blanc et on met la face Alboth! pour écouter
le morceau de Bishop's Dauhgter qui reprend un morceau d'Alboth! Toujours
aussi clair. Le morceau se nomme Karl May, figure sur Liebefeld
et Bishop's Daughter se débrouille comme des chefs. Plus classiquement
rock dans sa formation, ça n'empêche pas ce groupe d'allier
un son noise puissant et aliénant, d'ajouter une guitare qui
ne fait pas tâche à la place du piano et de signer une
reprise très conséquente. Si ce groupe a d'autres disques
à son actif, il serait intéressant de s'y pencher dessus.
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En
1995, Alboth! sort Freivogel en single sur Record Junkie. Un single
pressé à 283 exemplaires (exactement) et apparemment surtout
destiné à la promo, juste avant la sortie de Ali.
Sur la face B, encore un remix, Liebefeld Recycled, soit la troisième
version de ce morceau. Je n'ai jamais vu la couleur de ce disque
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Pour
finir, deux singles compilations auxquelles Alboth! a contribué.
Le numéro 6 de la série Erase-Yer-Head en 1998
sur Pandemonium et Sugar and Spice. Alboth! laisse pour la postérité
Rentsch, la reprise de Hans Koch déjà à
l'honneur sur le single Barschel. Autres groupes siégeant
avec Alboth! : Mug, Ruins, Molecules et Belly Button, soit un bon
single de frappés !
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Le
deuxième single compilation est aussi le dernier disque connu
d'Alboth! Réalisé en 2000 par Dephine Knormal Musik
et Amanita, Knormalities vol. 2 comprend un titre de Nels Cline,
un autre de Moe!Kestra! et le fameux Kirkpinar d'Alboth! dans
une version semblant très légèrement différente.
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Pour
l'après Alboth!, reportez vous au site officiel du groupe.
SKX (21/11/2011)
Discographie ::
Amour 1991 CD (PDCD Records 1991)
Liebefeld CD(PDCD
Records 1992)
Leib CDEP(PDCD
Records 1994)
Yorn CDEP (Sub/Mission 1995)
Ali CD (Sub/Mission
1995)
Amor Fati CD (Pandemonium 1997)
Ecco La Fiera CD (Sonore 1999)
Singles :
Barschel 7'' (Record Junkie 1992)
Split 7'' with Bishop's Daughter 7'' (Record Junkie 1993)
Freivogel 7'' (Record Junkie 1995)
v/a Erase-Yer-Head 7'' (Pandemonium/Sugar and Spice 1998)
v/a Knormalities vol.2 Exclamatories 7'' (Dephine Knormal Musik/Amanita
2000)
photo bonus
: Werthmüler vs. Eugene Robinson
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