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Tom Bodlin
Horreur Sympathique – CD
Kerviniou/Araki records 2024

Tom Bodlin poursuit son petit bonhomme de chemin. Mais il fait des pauses. De longues pauses. Cela fait dix ans, depuis Comme Je Descendais Des Fleuves Impassibles, que l’ex-Café Flesh n’avait pas dégorgé son saxo et nourri notre imaginaire. Il avait bien publié en 2015 Et Les Pauvres Trouvent Le Moyen De Rigoler (ça c’est du titre) mais ce n’était qu’une version digitale alors ça ne compte pas vraiment.
Les années passent, on continue de creuser mais une nouvelle fois, le Charentais d’origine avant de s’établir non loin de là dans le pays nantais ne change pas son approche en solitaire. Il fait tout, tout seul comme un grand, la barbe juste un peu plus blanchie et la mine préoccupée. Sauf les paroles sur trois morceaux où il emprunte les mots de Charles Baudelaire après avoir mis en musique ceux d’Arthur Rimbaud dix ans plus tôt. Son fidèle saxo ténor et aussi un Casiotone, une guitare, une batterie figurent à sa panoplie. Ainsi que sa voix bien sûr, qui brûle, vocifère, expulse les mots, joue avec, une voix expressive, chaude, roublarde, actrice des paroles qui défilent dans une poésie absurde du quotidien pour évoquer la baston (Ce Soir C’est Samedi), Marmiton (Recette Facile) ou encore le marathon (Courir à l’Envers) mais rien n’est moins sûr parce qu’on comprend pas toujours très bien, l’important c’est que ça fasse travailler les méninges.
Il est comme ça le Bodlin, s’amuse de tout et de rien, la dérision comme un instrument avec de la tristesse dedans et des mélodies du saxo qui vous tordent les boyaux, des airs qui virevoltent, swinguent, divertissent, musardent au gré de ses humeurs. Horreur Sympathique (le titre d’un poème de Baudelaire), neuf petites histoires ne s’attardant jamais, bricolées à la maison avec les sonorités ludiques ou piquantes du Casiotone, les griffures de la guitare ou les notes élégantes (Le Serpent Qui Danse), un rythme à l’économie, erratique parfois mais bien présent, comme un vrai groupe qui s’active pour conter un quotidien impressionniste, burlesque ou touchant. J’ai toujours eu de l’affection pour cette musique décalée, cette énergie que Tom Bodlin insuffle dans ces mécaniques bringuebalantes, la sensibilité un peu rude d’un gars qui vient du rock (il joue également dans Carver) et qui la confronte avec un univers plus barré et poétique, une façon de mélanger, d’articuler ces rouages qui lui est propre et confère à ce nouvel album une aura attachante et singulière qui nous avait manqué.

SKX (10/03/2025)