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Thank
I Have A Physical Body That Can Be Harmed – LP
Big Scary Monsters records 2024

Les trublions psychotiques de Thank reviennent avec I Have A Physical Body That Can Be Harmed, deuxième album confirmant tout le potentiel joyeusement néfaste du groupe de Leeds. Et après Thoughtless Cruelty, encore un titre en rapport avec la douleur qui rime pourtant avec bonheur. C’est que le groupe de Leeds aime se faire mal en se confrontant à la connerie humaine, souffrir devant tant de bêtises mais il finit par en rire, le chanteur (et guitariste) Freddy Vinehill-Cliffe déployant un humour mordant dont il est aussi le sujet (I’ve got a sickness, it’s called sad little guy’s disease) pour arriver à trouver le sommeil dans ce monde rouge et oppressant à l’atmosphère comprimée. Sarcasmes à l’anglaise avec le petit rictus moqueur au coin de la bouche.
Musicalement, Thank navigue aussi entre des bornes opposées. Morfler et s’amuser, mettre des coups et passer la pommade, dérangé et avenant, donnant l’impression d’évoluer dans le chaos mais s’en extirpant par de multiples accroches, des mélodies ou gimmicks séduisants qui arrivent à se frayer un chemin dans ce dédale de sonorités tordues et vicieuses. Jusque dans l’opposition synthétique/organique, entre les synthés palpitants et les guitares glissantes pour à la fin ne plus savoir qui fait quoi, mélange de sons qui s’entortillent autour d’un même axe désorientant. Le raffut de Thank a cette qualité qui fait qu’il ne brosse pas dans le sens du poil, il déstabilise, convulse mais il reste entraînant et bizarrement accessible.
I Have A Physical Body That Can Be Harmed est un dance-floor mutant dans des structures fracturées, des giclures électroniques qui mettent de l’huile sur le feu, des rythmes concassés et des guitares qui piquent, un chant limite éraillé ne s’embarrassant pas de justesse, qui crie comme ça lui vient mais qui est plein de vie, de facétie, trouvant des lignes mélodiques tout en se débattant avec elle. C’est un disque primaire et sophistiqué qui fait mouche à chaque fois, même sur le long The Spores qui expulse ses hormones détériorées dans un jet de plus de sept minutes qui ronge la peau et vrille le cerveau.
Passé de cinq à quatre avec le départ de Theo Gowans qui n’a pas été remplacé (et qui a eu le temps de contribuer à l’écriture de trois titres) et l’arrivée du batteur Steve Myles (Cattle et feu Grub Nap) déjà présent sur le single précédent multipliant les coups de baguettes magiques et hétéroclites, Thank a composé la bande-son d’un noise-rock barré, explosif, grinçant, meurtri, inventif, montrant une capacité à ne pas se prendre au sérieux tout en se grattant jusqu’au sang, effronté, joueur et punitif aussi parce que Thank ne ménage pas sa peine pour vous fritter les tympans mais avec toujours un détachement et une sorte de bienveillance amusée derrière les dissonances pour un groupe jubilatoire au talent à part. Thank, c’est vous qu’on remercie.

SKX (11/02/2025)