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Suif
A Run On Thin Ice – LP
Permafrost/Jarane/Plaisir d’Offrir/Whosbrain/Araki/Coeur Sur Toi/Day
Off records 2024
Suif, c’est le gras. Et le gras, c’est la vie. Une vie qui a
commencé à Bordeaux en solo, projet de jeunesse de Camille
Dalby qui s’est entourée le moment venu de Etienne Redon (batterie),
Maxime Coste (guitare) et Guillaume Cassagnol (basse, synths), trois musiciens
locaux qui n’en sont pas à leur premier méfait, pour
donner vie à ses compos en créant Suif. Un drôle de
nom, celui d’une matière obtenue en faisant fondre la graisse
de certains animaux pour fabriquer des savons, des bougies ou des produits
de graissage. Mais ne cherchez pas le gras et le mastoc chez le quatuor
bordelais. Tout est délié, sobre, aérien, profondément
mélancolique, tristement lumineux et rempli de subtilités
et de sensibilités qui font frémir l’épiderme.
A Run On Thin Ice, joli titre évoquant une fuite et un désespoir,
un goût du risque parce qu’on a plus rien à perdre,
la froideur et la fragilité. Tout ce qui vient à l’esprit
à l’écoute des neuf morceaux doucement hypnotiques.
Et bien plus encore. Comme la musique est jouée à une vitesse
réduite, que les airs sont graves et que ça sonne minimaliste
avec le vague à l’âme qui plane au-dessus comme un sale
nuage noir, le terme de slowcore peut-être associé à
Suif. Un slowcore n’oubliant pas l’intensité et la dureté.
Et c’est ce qui fait tout le charme et la force de Suif qui signifie
aussi chercher la baston ou faire un scandale. Une musique avec un caractère
affirmé sous des allures de chansons délicates qui traînent
leur spleen. À commencer par le son qui aurait pu venir d’un
studio de Steve Albini, sec, précis, chaleureux et qui claque quand
il s’agit de mettre des taquets. Et quand il s’agit de pas en
mettre aussi. C’est le groupe lui-même qui s’est occupé
de l’enregistrement et ça sonne merveilleusement bien et limpide.
A Run On Thin Ice est un album avec de la consistance, de l’âpreté
sous le chancelant, de la tension même dans les moments les plus
introspectifs ou décharnés (le crépusculaire Thin
Ice qui t’emmène très loin), ce truc douloureux
ou onirique qui titille les sens (le sublime Rain), un mélange
où tu vacilles et tu serres les poings en même temps, entre
le chant désincarné et les rythmes qui s’intensifient,
les mélodies qui flottent et les riffs qui appuient et s’épaississent
à l’instar de Wind et Hollow mais également
de Birds qui vole crescendo dans les plumes ou Floating
montrant que Suif est aussi capable de lourdeur et de sourde puissance,
entre élégance et éclats qui transpercent par des
mouvements plus brusques et intrépides. Ou marqué par une
empreinte plus ouvertement noise-rock et dynamique avec Thirst,
seul titre composé par le batteur alors que tout l’album a
été écrit par la chanteuse-guitariste avec des arrangements
collégiaux. Et ils sont nombreux ces petits détails, ces
ajouts discrets mais essentiels qui enrichissent l’univers sonore
de Suif.
A Run On Thin Ice, c’est en fait du blues avec ses idées
noires et personnelles, ses baisers glacés, une danse lente et
belle parcourue de heurts électrifiés, une nature que chaque
titre suggère et que Suif rend plus vibrante, mystérieuse
et magnétique. Suif ne fait pas que fondre la graisse, il liquéfie
nos p’tits cœurs et rend le sang plus brûlant.
SKX (31/01/2025)

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