spelterini
kythibong


Spelterini
Hyomon-Dako / Magnésie – LP
Kythibong records 2025

Spelterini, c’est ce groupe nantais spécialiste en tourneries centrifugées et plaques mouvantes, l’art subtil de la répétition qui ne se mord jamais la queue, la tension sur un fil qui vire à l’hypnose d’un abîme où il est impossible de voir le fond. Hyomon-Dako / Magnésie est la troisième sortie des anciens Papier Tigre et Chausse-Trappe. La précédente sortie (Paréidolie) avait été malencontreusement zappée, un seul très long et bon titre de trente-trois minutes qui faisait suite à un premier enregistrement en 2019, Pergelisol / Choremanie, deux morceaux tout comme pour cette nouvelle livraison. Hyomon-Dako et Magnésie frôlent à chaque fois les vingt minutes mais la magie Spelterini, c’est de vous faire croire que ça dure deux fois moins. Le temps en suspension. Perception troublée. Vertige des sens. Spelterini fait perdre les repères.
Et avec une musique qui n’a jamais semblé aussi fluide, cette musique file entre les doigts, étourdit, accélère le rythme cardiaque pour des pulsations vitales rendant le cœur plus léger. Spelterini s’est réaxé vers une dynamique plus directe correspondant aux caractéristiques rock qui sont à la base dans les gènes des membres du groupe. Au point de sonner également plus mélodique sur Hyomon-Dako avec ses guitares égrenant tranquillement une petite mélodie et des entrelacs donnant une impression plus coulée et apaisée. Un morceau irradiant où Spelterini joue avec la tension sans jamais chercher à la faire monter jusqu’à l’explosion finale. Bien trop basique pour Spelterini. C’est sans cesse tendu, sous-jacent, c’est sous la peau, ça gratte, ça joue avec les nerfs et c’est infaillible. Rythmique motorik, accélération graduelle pour reprendre sur le rythme initial, triturations sonores avant un très bref assaut final aussi inattendu que furieusement efficace.
Magnésie est encore plus trépidant. J’ai souvent pensé au Crazy Rhythms des Feelies sans parole mixé avec l’inévitable accointance avec tout le mouvement krautrock, Can en tête. Cette approche entêtante, enveloppante, ces rythmes qui rendent fou mais qui sont sans violence, un Feelies étiré à l’extrême dont Spelterini n’aurait gardé que l’os avec des déraillements pour mieux relancer la machine, du bruit qui s’intensifie, sentiment de fuite, sentiment de course effrénée et splendide pour compo infatigable ne baissant jamais la pression, quand tu crois que tout va valser dans le décor mais que le groupe reste imperturbable. Spelterini le bien nommé ou l’art continu et fascinant de l’équilibre au-dessus du gouffre dans de longues traversées palpitantes.

SKX (28/09/2025)