sexyjeremy
decoherence


Sexual Jeremy
Bleachers – CD
Decoherence records 2024

Avec un tel groupe, il faut s’attendre à tout. Un groupe chez qui flotte l’esprit (et un peu plus que ça sur leur précédent album) de US Maple, il ne faut pas s’étonner à être surpris, se dire que chaque nouvelle livraison peut désarçonner, amener sur des territoires pas encore visités, être encore plus décalé, étrange, tenter des expériences périlleuses. Comme débuter un album par Grand F*****g Railroad, un titre en référence à Grand Funk Railroad, groupe de hard-rock des 70’s avec un riff en intro qu’il serait pas étonnant que ce soit un pastiche d’un morceau de GFR mais j’avoue ne pas être très familier avec leur répertoire. Mais il donne le ton pour la suite.
Bleachers, un second album encore plus exubérant, loufoque, arty, décomplexé, qui détourne avec malice tout ce qu’il peut, malmène le noise-rock, s’amuse et revisite le classic rock, rend supportable le prog-rock, flirte avec l’avant-rock et compose un album où Sexual Jeremy met tout ce qui lui passe par la tête et ils sont plusieurs là-dedans. De US Maple, The Conformists ou Polvo qui suintaient dans leurs enregistrements passés, Sexual Jeremy n’en garde vraiment que l’approche, l’inspiration et écrit sa propre partition. Cela ne va pas sans quelques crispations, des moments bancals, des sonorités chelous mais après plusieurs écoutes et une fois la surprise passée, il faut bien avouer que ce Bleachers a de la trempe. Pas facile à aborder, on ne comprend pas tout mais les idées fusent et on finit par prendre presque autant de plaisir que eux ont eu à faire ce disque assez inclassable.
Le chanteur-batteur Cody Cantu s’en donne à coeur joie pour exprimer toute la folie qui le ronge dans une palette vocale très large. Les invités se bousculent pour apporter des cuivres, des cordes, des synthés supplémentaires et enrichir un univers sonore se permettant de belles fantaisies. Le fun et la dérision sont en Bleachers (les riffs de Late For The House, le youpi de Unfortunate Song) tout comme le fantôme de Captain Beefheart. Mais les gros riffs tranchants aussi, les rythmes qui se fracassent dans tous les sens, le groove lancinant, un titre qui s’annonçait reposant, planant mais qui se réveille brusquement, prend la tangente avant de s’éteindre doucement (Gettin’ Stabbed), les morceaux qui craquent, explosent et retrouvent le fil de leur histoire alors qu’on ne s’y attendait plus, de multiples parties qui auraient pu faire plusieurs compos mais que Sexual Jeremy a tout rassemblé en une seule, quatre interludes saugrenus, un Tonight’s tonitruant et le morceau de bravoure, les neuf minutes trente de On The Bleachers qui fait passer par tous les états et se termine dans un feu d’artifice free-noise de toute beauté.
C’est tout ça Bleachers et on pourrait vous en raconter encore des vertes et des pas mûres sur cet album, sur la virtuosité des deux guitaristes Ethan Hope et Mills Chaiken qui multiplient les acrobaties, les figures libres et les branlées sans oublier le bassiste Adam Nelson qui apporte grandement son obole à la créativité de Sexual Jeremy. Mais il faut le vivre ce disque, avec tous ces errements et ses fulgurances, même si tout ne vous plait pas et tout ce qui vous scotche. Et puis le pleurer aussi parce que Bleachers signe la fin de Sexual Jeremy qui tire sa révérence à tout jamais.

SKX (16/01/2025)