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Mange Ferraille
Cicala Plebeia - LP
A Tant Rêver Du Roi/Poutrage/Kerviniou/Reverse Tapes/Araki/Do It Youssef!/Les Clampins D’Abord/Day Off/Nunc./Permafrost records 2025

Les pochettes sont toujours des objets mystères mis à disposition par Jean Tardy mais il ne faut pas croire que Mange Ferraille réalise pour autant toujours le même disque. Pour Cicala Plebeia, le trio de Tours utilise des matériaux identiques à l’assemblage des deux disques précédents. Cependant, la forme, la méthode et la vie qui grouille à l’intérieur sont une nouvelle fois différents. C’est même leur album le plus varié, fracturé et imprévisible. À commencer par ce chant. Des bribes étaient apparues à la fin du morceau fleuve qui constituait Erba Spontanea. Avec Cicala Plebeia, il se généralise. Pour un groupe qui traîne une étiquette de groupe instrumental, la copie devra être revue. Tout comme il va falloir modérer son propos sur l’image du groupe se donnant uniquement à des tourneries répétitives à la recherche d’une transe noise. C’est bien sûr toujours un peu le fil rouge mais Mange Ferraille sait prendre ses distances et trouver d’autres moyens pour nous mettre dans l’œil du cyclone et causer notre perte.
Mange Ferraille ne cesse d’étoffer son propos et charpenter un son qui gagne en aspérité, en épaisseur et en tremblement (de fer). Les longues constructions au nombre de quatre mélangent l’intensité et les convulsions du noise-rock, une rythmique qui ne fait pas que répéter les mesures jusqu’à l’hypnose mais explose le cadre, le transcende (les pistons impressionnants de Parla Con Me en forme de machinerie infernale), se muant en percussions inventives et acérées avec les plages ambiantes à base de drones d’orgue (tout le début de Cicale Illuminate // Bocca E Occhi) qui prennent des allures de bruitages grignotant l’espace, de bestioles étranges qui grattent sur le bien nommé Marécages Mouvants à l’approche indus/musique concrète. Deux guitares dont une baryton, une batterie et désormais ce chant qui apporte du piment, passant d’un chantonnement presque doux et parlé à une complainte bien plus appuyée sur Granges Fraîches // Ballata Crudele ou rauque et démoniaque sur les bords sur Parla Con Me pour des compos précises, rocailleuses et organiques, qui dévorent de l’intérieur autant qu’elles se répandent dans des cercles sans cesse évolutifs et mobiles, drainant un sentiment de musique radicale et expérimentale alors que la force et l’urgence du rock n’ont jamais été aussi présentes chez Mange Ferraille avec des passages qui plus d’une fois vous malmènent, submergent, cognent, tendent les nerfs et magnétisent le cerveau. Une très belle alchimie pour le meilleur album de Mange Ferraille à ce jour.

SKX (01/06/2025)