hauntedhorses
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Haunted Horses
Dweller – LP
Three One G records 2025

De loin, j’avais pris ça pour un œil d’éléphant pris en gros plan, façon pochette de Examination Of The. De près, c’est un puits en pierre, vous êtes coincé au fond et la perspective de ce seul trou noir pour échappatoire n’est pas très engageante. Heureusement, au verso, vous avez la version avec la lumière. Tout espoir n’est pas perdu. Et il en faut tant l’univers de Haunted Horses respire la claustrophobie et l’angoisse.
Une pochette inspirée à Colin Dawson (chant, guitare, synth) par un rêve qu’il a fait où il était au fond d’un puits face à une ombre de plus en plus présente. Affronter sa propre ombre, ses démons, la peur de la perte de son identité. C’est l’objet des paroles du morceau d’ouverture Dweller On The Threshold. Le ton du quatrième album du trio de Seattle est donné.
Des dialogues de Twin Peaks, Aleister Crowley, L’Échelle de Jacob nourrissent également le chaos et l’imaginaire torturé d’un groupe qui n’a jamais été du genre à batifoler gaiement dans les campagnes verdoyantes et vendre du rêve. Dweller, prolongement flippant de The Worst Has Finally Happened, avec des nuances de noires grandissantes et des décibels de plus en plus assourdissantes. Le confort ne fait pas partie de leur vocabulaire. Haunted Horses, un trio qui met physiquement la pression avec une musique très axée sur le rythme et ce n’est pas que le fait du martèlement de la batterie. La basse est également percussive, cogne, gronde, racle. Face à une guitare de moins en moins présente au détriment des triturations et zébrures synthétiques, la section rythmique prend du poids et les devants. Un socle puissant, dévastateur, propulsif. Stupeur et tremblements, Haunted Horses rue dans les brancards et il ne fait pas bon se trouver sur son passage. Rythmes tribaux, groove hypnotique de la lourde basse, pilonnage primaire, rapidité et agilité des gifles et des roulements malgré l’épaisseur des rythmes, l’artillerie présente sur Dweller accroche autant qu’elle cloue sur place. Grey Eminence fulmine de toute sa splendeur, écorche de toute sa noirceur. The Seed lamine et sème la panique. Un noise-rock aux tendances sado-industrielles infesté de grimaces électroniques, de synthés qui vrillent comme les cordes aiguisées d’une guitare, envoie des ondes lugubres, de drones alimentant la paranoïa.
Excepté Temple Of The Bone qui éloigne quelque peu le tonnerre avec un chanteur en mode crooner vampirique, Dweller est une implacable machine à broyer et pas que du noir. Il ne faut pas chercher les mélodies mais se nourrir des accroches que l’incroyable propulsion procure, se laisser engloutir par l’aura ténébreuse et envoûtante de morceaux férocement entraînants et happer par les ambiances grouillantes sous un tapis sonore magnétique. Une expérience cathartique et périlleuse fabriquant des compos impitoyables et tourmentés qui boostent prodigieusement, de quoi remonter les parois de ce maudit puits avec les ongles.

SKX (17/02/2025)