godbullies
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God Bullies
As Above So Below – LP
Reptilian records 2024

God Bullies, c’est se replonger dans la préhistoire de Amphetamine Reptile records, c’est côtoyer les débuts de Tar, Helios Creed, Surgery, Cows, Lubricated Goat ou Boss Hog, tous ces groupes qui ont écrit la légende du label de Minneapolis, c’est revenir au siècle dernier. Originaire de Kalamazoo dans le Michigan, God Bullies a publié cinq albums entre 1989 et 1994 dont le dernier, Kill The King, sur Alternative Tentacles, autre label mythique. Et pour une raison que je ne m’explique pas, ce groupe, contrairement à ces nombreux compagnons d’écurie, ne m’a jamais vraiment emballé. Il avait tout pour séduire, pervertissant à la manière de Cows son punk-rock-noise provocateur, dégénéré, absurde avec la lourdeur déglinguée de Killdozer, perturbé par de multiples samples malsains et le chant du charismatique et prédicateur halluciné Mike Hard. Et pourtant, la greffe n’a pas pris. Faute d’attention. Faute de persévérance. Passé à coté tout simplement parce qu’à réécouter plus attentivement ces albums trois décennies plus tard, vous avez de quoi vous éclater. C’est inégal, parfois plus anecdotique mais largement mordant, méchant, original, détraqué pour que ce noise-rock là vous hante. Un incontournable de Amrep.
Trente ans plus tard, Mike Hard est le seul membre restant, celui qui tient et mène la barque de God Bullies. Et qui la remet à flot donc. Un sursaut avait déjà eu lieu en 2010 lors des 25 ans de Amphetamine Reptile avec une tournée de God Bullies dans la foulée, le War On Peace Tour. Un Mike Hard qui n’était pas resté inactif pendant toutes ces longues années. Thrall, Hand Over Head, Th3yN3v3rSl33p avec pratiquement le line-up de God Bullies l’ont régulièrement occupé. Mais God Bullies est son groupe phare et God Bullies est ressuscité.
Ceci dit, Mike Corso, bassiste et membre fondateur également de God Bullies, ne tient pas le même discours sur le site officiel de God Bullies. Corso et le batteur Adam Berg avaient enregistré en 2010 toutes leurs pistes de basse et batterie pour un nouvel album de God Bullies mais Hard et Livingstone ne l’ont jamais fait pour le chant et la guitare. Selon Corso, Mike Hard a usurpé le nom de God Bullies et As Above So Below est un nouveau disque de Thrall, pas de God Bullies. On laissera leurs avocats en débattre.
Quoi qu’il en soit, Mike Hard (chant), Cliff Carinci (batterie), Pat O’Harris (basse) et Scott Kodrik (qui a déjà joué avec Hard dans Thrall et Hand Over Head) à la guitare qui aurait pu, aurait dû être tenue par David B. Livingstone, le guitariste historique du groupe s’il n’avait pas cassé sa pipe en février 2023 et qui a eu le temps de collaborer à deux morceaux, sont en pleine forme. God Bullies ou appelez les comme vous voulez, frappe comme jamais. Et sonne comme jamais aussi. Enregistré à l’Electrical Audio Studio de Steve Albini mais mis en boite par Sanford Parker, As Above So Below bénéficie d’une aura plus noise-rock, plus dure, précise, ce son qui a le goût d’Albini mais qui s’en différencie parce que la personnalité de God Bullies est trop forte pour se laisser enfermer par des poncifs.
Une tempête de compos rugissantes avec la voix inégalée de Hard et ses braillements évangéliques qui ont toujours été sa marque de fabrique (mais ce n’est pas vraiment à la gloire de la religion), des morceaux teigneux, sales, grognants, grimaçants, proches de la démence parfois, qui embrouillent l’esprit pour mieux l’éclater en mille morceaux effilés mais aussi plus directs, rentre-dedans et saignants, un goût de rock’n’roll à la sauce vitriol, option dynamite à mèche lente. Et si vous êtes sensibles à Jesus Lizard (et Cows aussi), vous pourriez en retrouver des effluves persistantes flottant au-dessus de I Am Mighty ou du terrible We Are The Enemy, morceau rampant et vénéneux magnifiquement addictif, des lignes de basse qui rentrent dans la chair et autres belles inspirations comme You Never Know, Help, You Call This Love ou Lies (WWG1WGA) et un titre ne cachant aucune ironie aux paroles très explicites, Fight The Fascist.
God Bullies ou pas, qu’importe, ce disque est tout simplement bon, du noise-rock qui a tout compris, toxique, discordant, conflictuel, tranchant, fort en gueule, personnel, qui s’appuie sur le passé pour aller de l’avant et trouve sa place tout naturellement dans le paysage actuel comme si de rien n’était.

SKX (23/01/2025)