bagpeople
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Bag People
s/t – LP
Drag City records 2025

J’ai cru à un homonyme. Cela ne pouvait pas être le même Bag People d’il y a quarante ans. Pas ce groupe que trois geeks connaissaient et qui n’avait sorti qu’un misérable single sans pochette distribué sous le manteau en 1985. C’était pas possible. Et pourtant si, Drag City a ressuscité de vieilles bandes datant de 83. Une cassette démo, des morceaux tirés d’une répétition ou enregistrés dans différents studios, un titre live au CBGB et les deux titres du single. Douze titres pour compléter l’histoire, une petite pièce de plus au puzzle, celui qui forme le récit chaotique de la scène no-wave/noise à New York au début des années 80 aux cotés de Sonic Youth, Swans, Rat At Rat R ou Live Skull.
Parce que si le nom de Bag People ne vous évoque rien, le nom des membres est plus éloquent. Algis Kisys (Swans) à la basse, Carolyn Master (guitare) et Diane Wlezien (chant), ces trois là formant les fabuleux Of Cabbages And Kings juste après la fin de Bag People. Avec également la guitariste Gaylene Goudreau (DA!) et le batteur Peter Elwyn, ce disque est donc l’occasion d’en apprendre plus sur Bag People, groupe météorite qui n’aura donné qu’une poignée de concerts à NY et dans l’est des États-Unis entre 81 et juillet 84, partagé des locaux de répète avec les Swans ainsi que des concerts avec toute cette scène des bas-fonds new-yorkais dont le nom des groupes n’a pas été avalé par l’oubli (Sonic Youth, Live Skull ou False Prophets par exemple).
Un groupe formé par les trois femmes du groupe à Chicago, qui sont parties tenter leur chance à Los Angeles sous le nom de Lois Lain et revenir un an plus tard au bercail avec leur déconvenue. Et leur ténacité. Car elles remettent ça en recrutant au passage deux musiciens du coin (Kisys et Elwyn) et tout ce beau monde déménage à Brooklyn voir si l’herbe est plus verte. Ça ne sera pas vraiment le cas. Bag People n’a jamais percé et il faudra attendre la naissance de Of Cabbages And Kings pour que ça décolle vraiment pour certain(e)s d’entre/elles.
Alors il reste ce disque, cet hommage, ces morceaux sortis des entrailles de l’underground, restaurés tant bien que mal, masterisés par Carl Saff. Un bout de sauvagerie dont la qualité des enregistrements ne rend pas toujours honneur. Les deux titres du single, Lark’s Vomit et Instrumental (qui n’est pas un instrumental), restent les deux meilleurs atouts de Bag People. Le son est ferrailleux, abrasif, ça décape et le quintet arrive à faire sentir toute sa dimension noise, son sens du chaos et son règne animal. Un avant-goût de Of Cabbages And Kings. Diane Wlezien ne possède pas encore ce vernis vocal ressemblant au tonnerre mais ça mord quand même. C’est cru, punk, revêche et des titres comme I Got A Leotard, UPS ou Fire God font sentir toute leur capacité de nuisances si seulement Bag People avait eu le temps de peaufiner toute cette hargne alors que Parade, plus rampant, fait déjà preuve de déviances, d’une volonté de sortir des structures rock classiques contrairement à Dead Meat, plus entraînant et simplement punk, voir basique et bancal. C’est à l’image de ce disque, une archive qui vous plonge direct dans les profondeurs du Lower East Side, avec toute sa colère et ses défauts, sa soif d’en découdre et de changements, l’instantané d’une époque révolue qui arrive encore à se frayer un passage pour nous rappeler que tout est toujours possible, les débuts d’un groupe qui se cherche, touchant et brutal.

SKX (11/05/2025)