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Warren Schoenbright
Sunless – LP
Human Worth records 2024

Des années qu’il sait fait l’attendre celui-là. Le vinyle, le tout premier vinyle de Warren Schoenbright. Dix ans que le duo anglais (qui a aussi été trio) sort des cassettes ou de longues pièces musicales uniquement sous format numérique. Alors qui d’autre que Human Worth toujours à la pointe du combat et fer de lance de la scène noise anglaise pour s’occuper du cas de Warren Schoenbright et lui donner enfin un peu plus de visibilité qu’il mérite amplement.
Sunless est donc le nom de ce premier album et effectivement, le soleil, vous pouvez toujours le chercher. Il brille par son absence au fur et à mesure où vous vous enfoncez dans cette musique se refermant comme un piège, un garreau qui se serre progressivement, l’air circule difficilement, oppressant, pesant, nihiliste. C’est l’héritage des Swans époque Filth/Cop qui coule dans les gènes, ce genre de musique industrielle et sans concession, surtout à tout ce qui ressemble de loin à un début de commencement de mélodie ou d’un truc un peu avenant.
Batterie/electronics par Daniel McClennan. Basse/chant/loops par Alexander Kasim Virji. La lourdeur est leur rayon de soleil. Une impitoyable lourdeur. Un abîme qu’on peut toucher des doigts. Sunless noir de chez noir. Alors quand en plus on vous dit que le duo s’est inspiré de L’Enfer de Dante pour construire son album, le doute n’est plus permis, Sunless va faire souffrir. Une plongée dans les inimaginables atrocités humaines dont le duo espère en retirer rédemption. Purgation par le mal et pleine balle. Sunless, colossal entonnoir pavé d’intentions funestes où vient s’engouffrer toute la désolation du monde. Le mot revenant le plus régulièrement dans les paroles minimalistes scandés et répétés jusqu’à la torture est pain. Une douleur qui en met plein la tronche., la piétine méthodiquement, brutalement, sans pitié.
Sunless s’ouvre sur des paroles en français. Les enfants terribles éjectés à pleins poumons à de multiples reprises avec un délicieux accent anglais sur Boiling Vermillion. Et terrible ce duo l’est. Frappant comme des sourds. Un chant comme un énorme tourment. De la gravité comme s’il en tombait par rafales. Avec des sifflements tournant autour des oreilles, de l’électronique malveillante dressant des barbelés. Ça semble au-dessus de vos forces ? Vous ne devriez pas. Tout le talent de Warren Schoenbright est de rendre cette dure épreuve vibrante et passionnante car intelligement conçue. Les patterns rythmiques accrochent, se réinventent sans cesse, du domaine de la transe sobre et profonde, répétitions évolutives. L’approche est expérimentale, l’éclatement est sous-jacent mais les structures restent dans un environnement opérationnel ne fuyant pas un cadre rock où ça ne part jamais dans tous les sens. Carré et punitif. Décharné et sacrément intense. Une austère puissance complètement aliénante. Avec des compos comme This Litany They Gargle In Their Throats ou These Drear Abodes génialement bestiales qui mettent une pression de dingue irrésistible renvoyant Chat Pile dans les cordes. Une torture mentale donnant envie de hurler avec Warren Schoenbright. Des coups de boutoir monstrueux. Et de minimes accalmies qui ne rassurent pas comme les cloches au début du morceau Sunless et annonçant bien de sales présages, des bouts de glissements synthétiques pour mettre un peu d’huile dans les rouages serrés à bloc et des ambiances froidement attirantes et crépusculaires trouvant son apogée dans les huit minutes finales de Icarus And The Bruised Air, seul compromis avec la mélodie qui finira pilonnée et sublimée dans une fin envoûtante. Sunless mais il n’a pas fini de vous éclairer. Impressionnant.

SKX (26/04/2024)