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Wax Donut Presents: Goat
A Jesus Lizard Tribute - LP
Wax Donut records 2024

S’attaquer au meilleur album du monde connu, faut avoir une sacré confiance en soi ou une bonne dose d’inconscience mêlée à un goût prononcé du risque. Le label de Portland Wax Donut a décidé de rendre hommage à un monument, Goat, le second album de Jesus Lizard publié en 1991 par Touch And Go. J’en tremble d’avance mais j’ai pas pu m’empêcher. Il me fallait écouter ça. J’ai pas été déçu. Ne voyez aucune ironie dans cette dernière phrase. Tous ces groupes, à une exception près, s’en sortent étonnement bien. Et un peu plus que ça même. Sans dénaturer le propos tout en apportant leur touche personnelle.
Un album repris dans l’ordre d’origine. That woman's crazy, she's the mistress of a man who's crazy too. Premières paroles du titre d’ouverture Then Comes Dudley repris par les Anglais de Neon Kittens dans un halo trouble où les voix se chevauchent, une atmosphère interlope comme si Pain Teens s’était invité à reprendre Jesus Lizard pour une cover recevant la palme de l’originalité et franchement séduisante. Night Goat bravant Nub possède non seulement le nom idéal pour figurer sur ce tribute mais la voix fielleuse de la chanteuse est idéale pour donner un mordant supplémentaire et inédit à ce titre avec l’aide d’une guitare particulièrement incisive et une rythmique aussi soutenue et entraînante que l’originale. Avec Mouth Breather par les Allemands Trigger Cut et Seasick par Wipes, on ne pouvait pas être déçus. Des valeurs sûres qui reprennent ces morceaux comme si c’était une deuxième peau avec un vernis noise qui vrille bien la cervelle sur Mouth Breather alors que Wipes met toute la lourdeur et leur tranchant innés pour donner le mal de mer et faire vomir les plus faibles. Dead Mammals est un spécialiste de la reprise. Le duo anglais s’est régulièrement amusé à en poster sur son site. Leur version de South Mouth est classique mais impeccable. Sinking Suns, le groupe de Madison, est un groupe dont les sorties sont également à chaque fois suivies et commentées. Rodeo In Joliet a été taillé pour eux. L’exécution des arpèges magnifiques, le vent mauvais et rocailleux soufflant dans le chant, la vibration rude, virile et sombre transpirant à chaque instant, tout est parfait. Kuhn Fu, un groupe allemand d’obédience plutôt jazz et The Kronk Men, un groupe de l’Oregon, étaient inconnus de nos services. Là encore, c’est une belle surprise dans un registre qui n’est pas le leur avec respectivement, Karpis et Lady Shoes, repris assez fidèlement mais avec la niaque et l’allant nécessaires pour que ça passe crème, notamment sur Lady Shoes qui déménage comme il faut. Et puis vient le moment de Monkey Trick. Et là, c’est le drame. Le meilleur morceau du monde connu repris par Bovine Nightmares. Quand le label a annoncé la liste des groupes qui allaient figurer sur ce tribute, j’ai directement cliqué sur le lien pour savoir de quoi il retournait, quel était ce groupe qui osait affronter ce morceau d’entre les morceaux. J’ai crains le pire. J’ai pas été déçu. Voyez beaucoup d’ironie dans cette dernière phrase. Un trio de Bethlehem (Pennsylvanie) et point de miracle à l’horizon. Le début passe encore malgré ce son douteux de basse distordue et des intonations de voix déjà sur la tangente. Mais au milieu de la reprise, le naturel revient au galop. Le chant devient désastreux, encore plus quand il se met, même de façon très brève, en mode crooner. La guitare s’emballe, le fameux riff d’origine sonne comme un violon ignoble et le mec continue de geindre comme c’est pas permis. Je ne sais plus si je dois rire ou pleurer. Et puis vous avez un intrus. Pop Song n’est pas une compo de Goat. Elle figure seulement sur quelques repressages en CD publiés bien des années plus tard avec d’autres titres bonus. A l’origine, Pop Song était sorti sur la compilation Dope-Guns-’N-Fuckin’In The Streets (volume 4-7) sur Amrep et Prosthetic Bung, groupe canadien (Toronto), lui redonne vie avec un chant féminin qui lui va comme un gant, tout comme la partie de guitare cisaillante et virevoltante avec des triturations dans le fond. A Jesus Lizard Tribute. Plus de peur que de mal. Wax Donut s’en tire avec les honneurs.

SKX (21/05/2024)