torpor
humanworth

Torpor
Abscission – LP
Human Worth records 2023


Turn away from the promise of ghosts. Une phrase parmi d’autres glissée dans l’insert d’un album né d’une perte personnelle et d’une disparition. Pour passer un moment léger et décontracté, vous êtes priés de passer promptement votre chemin. Abscission, troisième album du trio Torpor évoluant entre Bristol et le Pays de Galles, est un colossal couloir de désolation où il faut réfléchir à deux fois avant d’y pénétrer. A moins que ce soit lui qui vous aspire tout cru comme un immense trou noir.
Vous pouvez être effrayés par le chant profondément guttural d’un gars qui purge une peine de prison à vie, par la basse sonnant comme si elle excavait des champs de mines, par cette noirceur ne se découpant même pas au chalumeau. Torpor pousse le doom, le sludge et tout ce qui ressemble au post-hardcore ou (black) metal dans ses ultimes retranchements. Et le pire, c’est que je trouve ça beau. Inquiétant, non ? Mais passé l’effroi initial et au-delà de la monstrueuse lourdeur funeste de Abscission, les six titres vous enveloppent dans un magma abrasif qui réchauffe dans un son de malade que Wayne Adams a génialement concocté, hypnotisent du fin fond de leur regard très noir, dégageant au final des ondes plus contemplatives que brutales, poignantes et mystiques à la Neurosis, voir Big Brave, où les ambiances et les textures sont encore plus prépondérantes que l’agressivité des riffs et les hurlements de damné.
Derrière chaque coup de massue de la batterie se cachent des blessures. Tout l’intérêt et la beauté de cet album, c’est d’avoir su les montrer. Ce n’est pas une vaine démonstration de force, un déchaînement de violence gratuite (bien que les trois minutes et quelques du plus court des morceaux, le bruitiste et expérimental Carbon, s’en approchent et le bilan est très positif). Abscission compte de nombreux passages calmes, introspectifs, mélancoliques, dramatiquement beaux. Toute la fin de Interior Gestures avec la bassiste Lauren Mason en mode spoken-word. Des arpèges plus mélodiques et poignants qui se glissent dans le décor tout comme des claviers. Le début de Island Of Abandonment que n’aurait pas renié Neurosis. Des morceaux dont le feu intérieur grignote lentement les neurones, se répand sourdement, de plus en plus intensément, implose pour ensuite voir retomber lentement les cendres. Une musique bien plus détaillée et riche qu’elle en avait l’air. Massive, cathartique avec plein de fissures à l’intérieur. Un album comme une visite à Tchernobyl. Il ne faut pas y rester trop longtemps mais ça vaut sacrément le détour.

SKX (31/01/2024)