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Penny Drop
Landscapes Made Of Pieces – CD
L’Étourneur/Sylvebarbe records 2024

Landscapes Made Of Pieces. Que Penny Drop va disperser, bousculer, malaxer, précipiter, reconstituer, des morceaux partout, dans toutes les directions pour qu’à la fin se dévoile un paysage qui prend tout son sens. Penny Drop, un trio de Caen avec un batteur (Alex Uren), un guitariste (Guillaume Hardy) et une chanteuse (Claude Leprêtre, également comédienne et metteuse en scène) pour une musique qui mérite largement l’appellation de narrative. Penny Drop déroule un fil sans vraiment de refrain, sans vraiment de couplet, semble raconter une histoire, vivre des hallucinations avec des cavalcades accidentées, des bouts de mélodies, des rebondissements, des trépidations, des fragments rythmiques explosifs, des répétitions, un chant comme si elle était plusieurs personnages dans sa tête. Et plus tu plonges dans leur récit, plus il te happe.
L’écoute des premières plages n’est pas coulante mais ça interpelle, l’envie de connaître la suite et peu à peu, le scénario se met en place. Le rock de Penny Drop réussit à être âpre, dépouillé alors qu’il s’y passe une multitude d’actions, osseux et dissonant, tortueux mais avec plein de claques à l’intérieur. Avec l’esprit d’un Enablers ou Oxbow mais avec des armes bien à eux et un rendu forcément différent, Penny Drop flirte aussi avec un blues de blanc, construit une histoire remplie de tumultes, de tensions, de plaies, d’accalmies, de colère, ne jamais connaître la fin et les chapitres qui vous y amènent, surtout lors de développements au-delà des huit minutes (Escape, Last Go) où tout peut arriver mais qui tiennent en haleine, qu’importe le prix à payer.
Le dialogue guitare-batterie ne s’enfonce jamais dans des digressions inutiles, sait rester dans un cadre rock pour ne pas vous perdre en route dans une narration trop complexe, inflige de bonnes gifles, sait filer plus droit (toute proportion gardée) comme sur les excellents The Double et Death Has A Hope, suggère, frappe de grands coups, insuffle de la mélodie, des arpèges cristallins, de la gravité dans les cordes qui se prennent pour une basse. Rien n’est figé, tout est possible, jamais on ne s’ennuie.
Un dialogue qui s’écrit à trois. Le chant est une composante de choix, porte l’histoire, lui donne du relief, la fait vibrer plus intensément avec de multiples manières de poser les mots (en français uniquement sur Cap Au Pire), se propage dans un flot continu épris d’une frénésie irrépressible, paraît habité, se lance dans des vocalises osées (Brave), murmure, claque, force sur les graves, part dans les aigus, mord, minaude insolemment, crie, théâtralise, passe par tous les états et nous avec. Un trio qui parle comme un seul, autant éclaté que soudé pour marquer un territoire ne manquant pas de caractère. Mis bout à bout, toutes ces pièces forment un paysage singulier où il est fortement conseillé de s’y risquer.

SKX (19/07/2024)