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Mossaï Mossaï
Faces – LP
Reverse Tapes/Figures Libres records 2023

Mossaï Mossaï, ça fait pas très tourangeaux comme nom mais c’est à l’image de leur musique. On se demande la première fois où on met les pieds, c’est dépaysant bien que les éléments soient connus, surprenant et au final, sacrément prenant. Appeler ce premier album Faces n’est donc pas étonnant non plus tant ce nouveau groupe présente de multiples visages.
A l’instar d’un groupe comme The Psychotic Monks, Mossaï Mossaï cherche de nouvelles voies pour faire du bruit, le confronter à des univers divers et contrastés, marier secousses magnétiques qui font trembler le sol, écorchures soniques, expérimentations bruitistes et hantées, impulsions psyché et krautrock, mélodies cristallines, douceur et la poésie d’un chant en français fortement troublant et captivant.
Et le plus souvent au sein d’un même morceau que le quatuor aime faire durer sur la longueur. Cérébral est le plus bel exemple. Plus de neuf minutes à tomber. Une rythmique minimaliste cogne implacablement. Des triturations qui font comme des bruits de verres rentrent dans la chair. Des vocalises masculines et féminines se croisent dans un langage mystérieux pour un parfum d’hypnose à la Rien Virgule. Et puis la violence monte d’un cran, se déchaîne, les éclairs fusent avant de retrouver une tension sur le qui-vive ne demandant qu’à exploser derechef. Et c’est le cas, répétitif, heurté, noise. C’est haletant mais le plus beau reste à venir. La transition mélodique et pure à 6’40 prend par surprise. La suite est magie. Le langage prend forme et sens. Le chant de Marie Escadafals devient fragile, envoûtant tout comme la subtile force évocatrice des mots et la belle poésie des images qu’elle évoque. C’est inattendu et original dans un tel contexte. La mélodie soutenue par des claviers se fait aérienne et sublime. Alors le chaos peut bien revenir avec la fureur, cela fait longtemps que la tête est déboussolée et a décollé. Par dessus tes épaules chancelantes, veille sourd, ton être vacant, Rôde, te frôle.
Et plus rien n’arrête Mossaï Mossaï. Esquisses enchaîne pendant onze minutes un long voyage autant sonore que narratif avec la poésie se dévoilant plus clairement, de l’importance qu’elle occupe à prendre la lumière pour offrir une facette osée éclairant une approche n’ayant peur de rien et surtout pas de bousculer les traditions. À ce vaste périple romanesque et imagé déstabilisant plein de plissements et de saillies s’oppose L’Élan en mode interlude bruitiste expé drone et machinerie grinçante. Le retour à la réalité est rude et angoissant. C’est pour mieux repartir sur des formats plus courts et acérés. Silence Des Toits et Charge (qui culmine tout de même à près de sept minutes), visage plus mordant, nerveux et rentre-dedans, saturations et impact physique sans se départir de cette incroyable aura singulière que le groupe de Tours possède pour (dé)construire des schémas aussi décousus que percutants dont on ne devine jamais la destination avec des textes qui vous cueillent, bousculent et embellissent le propos d’une voix sachant aussi se montrer forte et expressive. Alors, lorsque l’illustre fracas succombe au désordre du silence, il s’invente encore.
A l’instar de l’imposant cactus saguaro à crête ornant la pochette double face, n’ayez pas peur de vous frotter à Mossaï Mossaï et ce premier album sortant des sentiers battus, frappant fort d’entrée de jeu dans le paysage rock-noise qui aurait besoin d’être plus régulièrement retourné de la sorte.

SKX (12/02/2024)