luggage
amish


Luggage
Hand Is Bad – LP
Amish records 2023

Après le mini-album Happiness au visage plus dynamique, étoffé, presque enjoué (c’est dire) pour le monde d’habitude plus austère, sec et sur la retenue du trio de Chicago, il était permis de se demander dans quel périple Luggage allait nous embarquer avec Hand Is Bad. La réponse est nette et sans appel. Luggage a replongé. Ou plus exactement repris les bases de Shift en poussant le minimalisme encore plus loin dans les bras du dépouillement.
Chaque note, chaque espace, chaque silence sont d’une importance vitale. Jamais un coup de baguette de trop, la guitare pas du genre bavarde et le chant tient en quelques mots murmurés, étouffés pour une musique qui tend de plus en plus vers l’instrumental. Que ce soit dans les morceaux alertes ou les traversées de mornes étendues, Luggage est à l’économie. C’est la fameuse idée du Less is more pouvant donner des titres parmi les plus directs du répertoire de Luggage avec le titre éponyme pour ouvrir l’album et Nowhere pour le clore en nous secouant les puces. Un noise-rock tendu, désossé mais vibrant de partout d’un magnétisme noir brillant avec la caisse claire qui claque, les oscillations de la guitare entre arpèges glacés et mélancoliques ou crépitant d’une couche de saturations et cette basse n’en finissant pas de résonner dans toute sa simplicité. Avec des mesures en mode généreusement répétitif pour accentuer la tension, sinon le malaise.
Mais le concept du Less is more peut également s’arrêter après le mot Less. De la sobriété et clarté n’émergent pas toujours plus de beauté et de compos captivantes. C’est le cas notamment de la face B avec les cinq minutes et quelques de River et Deep North sans oublier Ends. On aurait pu en citer d’autres comme Sunshine In Your Teeth. Less comme moins d’intensité, moins d’hypnose des grands fonds, des mouvements répétitifs ne menant nulle part ou presque. J’ai beau me concentrer, fermer les yeux, me mettre dans la position du lotus, ça ne marche pas. L’hermétisme de base de ce noise-rock tendance slowcore froid n’est pas un obstacle (au contraire) mais là, il ne se passe définitivement pas grand chose. La volonté de créer des climats encore plus épurés ou angoissants frappe dans le vide. Et un album où je me suis surpris à régulièrement me demander quand ça finissait n’est franchement pas bon signe. A part sur une poignée de morceaux, l’ennui pointe son vilain museau. Au mieux laisse indifférent. A trop vouloir élaguer ses structures, Luggage a fini par créer une enveloppe attirante mais illusoire à l’intérieur et où ne subsiste qu’un éclat parcellaire. Hand Is Bad comme mauvaise pioche mais on n’abandonne pas pour autant Luggage sur le bord de la route tant les précédents enregistrements ont été aimés.

SKX (27/02/2024)