bidehuts

Lisabö
Lorategi Izoztuan Hezur Huts Bilakatu Arte – LP
Bidehuts records 2023

Les années passent et Lisabö reste Lisabö, cette entité secrète vivant à l’écart dans son pays basque espagnol. Et qui n’a aucune intention de changer quoi que ce soit. Lorategi Izoztuan Hezur Huts Bilakatu Arte (qui signifie en français Jusqu’à ce que nous devenions de simples os dans le jardin gelé) est le sixième album en plus de vingt ans du sextet (qui n’a pas toujours été sextet) d’Irun. Pochette, présentation, livret, traduction des paroles en trois langues, tout est très similaire à l’album précédent. Seule la nuance de gris change. Et ainsi va également la musique. Et c’est très bien comme ça.
Mais tout est affaire de nuances chez Lisabö, invariablement. Des phrases entières des chroniques précédentes pourraient être reprises, mot pour mot. Et pourtant, c’est à chaque fois différent. Lisabö délivre à nouveau des morceaux étendant leurs longues tentacules émotionnelles, épiques, fragiles, fiévreuses, bruyantes avec un art consommé du drame. Hormis deux courts titres-interludes mais ayant pleinement leur place dans le récit de cet album, les cinq compos restantes ne dérogent pas au cahier des charges de Lisabö. Et c’est très réussi. Le souffle ne faiblit jamais, comme si c’était la première fois qu’on se prenait ces charges flamboyantes, miracle perpétuel de se renouveler sans rien changer.
Les nuances viennent cette fois-ci (sans être sûr que ce soit réellement différent, la mémoire auditive n’en fait qu’à sa tête) d’un son qui se fait plus précis et spacieux. Jamais les deux batteries (singularité du groupe) ne s’étaient autant distinguées l’une de l’autre, la pleine conscience d’un jeu en doublette sans pour autant de surenchère rythmique ou de puissance accrue. Et c’est là tout le paradoxe encore plus prononcé sur cet album d’un groupe avec autant d’instruments mais qui sonne aérien et fluide comme jamais. Avec de belles accalmies comme la fin de Urpekaritza Baso Kiskalian (Plongée Dans La Forêt Brûlée) s’enchaînant avec tout le début en mélancolie de Kristalezko Begiei So (Regardant Les Yeux De Verre) et sa voix féminine. Deux titres très accrocheurs - et ça aussi c’est une nuance – d’un Lisabö se cachant de moins en moins derrière les dissonances, la confusion et mettant en valeur les mélodies et un certain sens de l’efficacité malgré des titres au long cours. L’hypnose, la transe, les répétitions qui embellissent, illuminent, l’intensité qui s’envole, les trois guitares brûlant tout en finesse tout en donnant le sentiment d’être plus direct, simple, urgent comme sur le fougueux Hosto Zehargarriak (Feuilles Translucides) et sans se départir de son approche poignante et écorchée. Ça donne un album encore indispensable d’un groupe qui l’est tout autant, aussi rare soit-il.

SKX (15/04/2024)