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Kill
The Thrill
Autophagie 2xLps
Season Of Mist records 2024
Des groupes qui reprennent vie après un silence interminable est
devenue monnaie courante. Et certains retours font plus plaisir que dautres,
cest peu de le dire. Kill The Thrill navait jamais splitté
officiellement mais le coma semblait profond. Alors lannonce dun
nouvel album a, contrairement à ce que dit leur nom, fait naître
un gros frisson. Un groupe qui maccompagne depuis plus de trente
ans, depuis 1992 et une cassette démo soigneusement conservée
comme une relique. Les sorties sont rares mais à chaque fois marquantes.
Quatre albums en deux décennies. Et donc un cinquième, Autophagie,
dix-neuf ans après Tellurique.
Le plaisir, cest dabord tenir pour la première fois
entre ses mains un album vinyle de Kill The Thrill. Les quatre précédents
ont connu exclusivement le goût du CD. Un double vinyle où
vous attend une heure de musique symbolisée à merveille
par la pochette, vaste étendue aussi calme quimpressionnante,
réconfortante et angoissante, profonde et mystérieuse masse
sombre, prête à vous engloutir.
Et le plaisir surtout, cest de retrouver intacte toute la force
émotionnelle de Kill The Thrill. Des retrouvailles perturbées
au début par de nouveaux éléments. Labandon
de langlais pour des paroles en français. Une vraie batterie
à la place de la fidèle boite à rythme. Un disque
qui sonne très orchestré. On ne sort pas dun si long
silence inchangé. Kill The Thrill a passé lâge
de faire ce quon attend de lui. Ne plus rien sinterdire, souvrir
à des espaces inédits, aller de lavant, toujours,
quand bien même on a plus rien à prouver. Et dans lexercice
jamais facile du chant en français sur une telle musique, cest
une vraie réussite. Du choix des mots, leur poésie suffisamment
abstraite, des images que ça remue en vous, au grain unique de
la voix de Nicolas Dick qui les portent, une puissante écorchure
qui vous enveloppe et enflammerait nimporte quelle banquise. Mais
ce sont tous ces paysages sonores qui réchauffent, envahissent
le moindre pore, un univers à se faire ouvrir pour se voir révéler
ce quest la volupté.
Une richesse créatrice décuplée par Marylin Tognolli
et Nicolas Dick (qui a également conçu lécrin
sonore de A à Z), le duo de toujours de Kill The Thrill, pour des
horizons nouveaux et fertiles rendant la musique du groupe marseillais
plus humaine que jamais. Kill The Thrill na plus peur de se dévoiler,
montrer toute sa fragilité, ses blessures, ses doutes, appuyer
des mélodies de plus en plus subtiles, mettre du lyrisme (le chant
de Majdouline Zerari sur Tout Va Bien Se Terminer), donner une
dimension symphonique, étoffer sa palette sonore avec du violoncelle
(par Samuel Dick Tolkien, le fils de Nicolas, et Jeanne Bonfort), des
churs ou la petite mélodie obsédante de la cabrette,
instrument traditionnel auvergnat style cornemuse jouée par Agnès
Royon Lemée sur Cluster Headache, diversifier les guitares
avec Joe Goldring (Enablers) présent quasiment sur tous les titres,
comme un troisième membre à part entière, ce quétait
à une autre époque Fréderic De Benedetti qui effectue
une seule apparition (tout comme Olivier Mellano sur Les Enfants Brûlent).
Une chaleur et une ampleur nouvelles à laquelle la présence
dun batteur en chair et en os (François Rossi) nest
pas étrangère.
Autophagie peut alors sembraser, briller dans toute sa diversité
à laquelle Kill The Thrill nous avait pas habitués, partir
dans des envolées aussi épiques que rageuses, le groupe
nayant pas oublier en route le sens de lintensité (le
sublime et très rythmé À La Dérive),
sembarquer dans un long voyage de plus de dix minutes sur le bien
nommé Le Dernier Train qui file magnifiquement vers des
contrées lumineuses, bouillonnant à pleine vapeur sur une
fin incandescente, révéler toute sa sensibilité et
sa froide colère dans des constructions limpides, sobrement grandioses
alors que les couches sonores sempilent et que les sources sont
aussi multiples quindéchiffrables, une alchimie secrète
que Kill The Thrill possède au plus profond, qui ne la jamais
quitté et qui est magnifiée sur Autophagie, album
sombre et sensuel, généreux et très classe qui fait
vibrer le cortex sensitif. Un retour totalement inespéré
dun groupe atypique et attachant dont on na plus que jamais
besoin.
SKX (09/04/2024)
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