coax
unrevenu

Jobo
Abécédaire – CD
Un Rêve Nu/Coax records 2023

Pas la peine de connaître son alphabet par cœur pour apprécier l’Abécédaire de Jobo. Par contre, il va falloir montrer une élasticité irréprochable des articulations, une certaine souplesse d’esprit et un goût prononcé pour l’aventure en terrains accidentés pour supporter le défilé ininterrompu des vingt-six titres comme autant de lettres de l’alphabet.
Jo pour Joussein Yann. Bo pour Boubaker Heddy. C’est à dire respectivement le batteur et le guitariste du duo Jobo. Yann Joussein, il avait été récemment cité avec Håla Duett et à chaque fois qu’il est question d’un disque Coax records, label dont il s’occupe. Heddy Boubaker, c’est un insatiable qui touche à tout depuis plus de quatre décennies, du saxo alto aux claviers, de la basse à la guitare avec des détours par les percussions, tout l’intéresse et pas seulement jouer de tous ces instruments mais aussi organiser et promouvoir la musique en créant des festivals, des rencontres ou son propre label, Un Rêve Nu.
La rencontre de ces deux personnages assoiffés de liberté et de créations tous azymuts ne pouvait donner qu’un disque haut en couleur qui ne fait pas que heurter de plein fouet les musiques expérimentales/improvisées, free-rock ou free-jazz. Vous avez de ça bien sûr mais c’est surtout une longue déflagration bruyante et tumultueuse découpée en vingt-six mini actes que le noiseux et le punk sommeillant en toi seraient à même d’apprécier. Des courtes décharges dépassant très rarement les deux minutes avec des titres improbables qui valent chers au scrabble (bon courage pour les placer) comme Callipyge, Hylozoisme ou Zwinglianisme. Des rafales qui tirent à balles réelles dans des couloirs étroits. Des trépidations, des déviances, des zigzags, des grimpettes raides comme Entéléchie, de la vitesse, des abstractions laissant échapper des climats tour à tour plus poétiques ou grinçants. Un batteur donnant l’impression d’être plusieurs avec des polyrythmies dingues et un jeu virevoltant qui déborde d’énergie et de précision. Une guitare au dialecte personnel qui attaque les cordes et fait flamber l’électricité dans des gerbes abrasives, enthousiastes et originales. Rien ne sonne classique chez Jobo mais ça te parle avec facilité. Un tourbillon faussement complexe qui est en fait un bel élan intense, inventif, frénétique ne demandant qu’à emporter l’auditeur dans une joyeuse et sauvage dynamique qui recompose son propre abécédaire dont il n’est pas utile de connaître l’ordre, les accords et les subtilités pour en savourer toute sa valeur.

SKX (06/06/2024)