formica
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Formica
The Party – LP
In My Bed records 2023

La pochette sent le plastique stratifié, le poulet transgénique et la zone d’activités commerciales. Alors que chez Formica le mal nommé, c’est tradition et bons petits plats faits maison, l’amour des recettes d’antan sans édulcorant avec simplicité, sincérité et désinvolture. Une photo comme un tableau, improbable et dingue de Renan Peron judicieusement intitulé La Fête parce qu’on sent bien qu’il ya franchement moyen de s’éclater là-dedans.
Il fallait bien ce visuel haut en couleur pour signer le retour du groupe rennais, onze ans après le premier album et huit après un single qui avait réglé les problèmes de personnel de Formica et laissait présager une suite plus rapide. Mais chez le quatuor rennais, on aime prendre son temps, cultiver la paresse et la procrastination. Et surtout l’amour du travail bien fait, peaufiner dans le moindre détail, lustrer, ciseler les mélodies et faire que ça sonne juste car rien n’est plus compliqué que faire sobre. C’est pour ça que deux seules journées avec Thomas Poli ont suffi. Branleur un jour, branleur toujours.
Mais si Formica a su se faire attendre, c’était pour mieux sortir le grand jeu. Leur indie-rock suranné en filiation directe avec la scène américaine des années 90 (dont on vous épargnera la fastidieuse liste des comparaisons parce qu’à un moment donné, ça ne veut plus rien dire) n’a jamais paru si actuel. Une musique qui donne envie d’avoir toujours vingt ans.
Au menu de The Party, chaque titre est alléchant, sonne comme un tube underground qui s’ignore. Le charme et la force tranquille de mélodies tour à tour acides, belles, entraînantes, mélancoliques, reflétant à merveille l’impression se dégageant de la pochette, truculentes et tristes à la fois et qui font mouche à chaque fois. Avec un vernis plus noisy ou plus pop, flegmatique en bons slackers qu’ils sont ou étonnamment élégant avec cette touche de piano sur le très classe She Sings mais toujours sans fioriture. Le titre d’ouverture Suck My Bones résumerait assez bien leur savoir-faire. Aller à l’essentiel, enlever tout le gras et l’inutile, sec pour que ça soit plus léger et accélérer le flux sanguin pour que le cœur batte plus vite. Et disséminer, voir s’autoriser discrètement de menus arrangements comme des chœurs pour que ça soit encore plus irrésistible (Sixteen rappelant que Wedding Present est un groupe qui compte pour Formica), des clappements de mains sur Morning Side Prospect, un soupçon de synthé à la fin de The Lodger pour le liant et parce qu’une bonne petite sauce n’a jamais fait de mal. Et des parties fines de guitares au nombre de deux n’arrêtant pas de devenir innocemment obsédantes, fourmillant de petites pépites/trouvailles n’ayant l’air de rien mais qui fournissent des perles à l’instar du splendide Ritalin, le trépidant In Jail ou The Lodger et son refrain à deux voix. Un deuxième album que c’est une franche et belle réussite. The Party, et que la fête commence !

SKX (11/01/2024)